Entretiens politiques et litteraires - anno II - n. 13 - aprile 1891

'DEUXIÈME ANNÉE. - VOL. n PRIX: CINQUANTE CENTIMES :ENTRETIENS POLITIQUES & LITTÉRAIRES SOMMAIRE: '1. Notes inédites de Laforgue sur Baudelaire. :2. M. Francis-Vielé-Griffin: Patrie. 3. Un Manifeste, traduit de Marx et Engels. ,4. M. Bernard Lazare: Interview . . 5. M. Georges Lecomte: La Renommée au.a; cent bouches. •6. M. Paul Adam: Commerce de Luxe. ·1. Notes et Notules. (Mort de Seurat et de de Banville~ Livres, Théâtre, .etc.) PARIS 12, PASSAGE NOLLET, 12 Avril 1891 •

ENTRETIENS POLITIQUES ET LITTÉRAIRES Paraissant chaque mois. Abonnement : UN AN. • • • • • li francs. (Tirage restreint sur Hollande 20 francs) Pour abonnements, dépôts, etc ••• , s'adresser· directement à. lit. Bernard Lazare, :12, Passage. Nollet. Pour la ,·ente au Numéro s"adresser à la Librairie Charles (dépositaire général), 8, rue Mon-· sieur le Prince. En vente au nurné1~0chez: LIBRAIRIE DE L'ART INDEPE..l'ŒANT MARPON -et FLAMMARION id. id. DENTU LÉON VANIER 8ÉV1N TRESSE et STOCK BRASSEUR SAVINE LIBRAll:UEDUMERVEII.LEUX: 11, Chaussée d' Antin. Boulevard des Italiens. Rue Auber. Avenue de !'Opéra. 19, Quai Saint-Michel. Boulevard des Italiens. Gal11.riedu Tbéâtre-Françâ/s. Galeries de l'Odéon. 12, Rue des Pyramides. 29, Rue de Trévise. ET à BORDEAUX à NIMES à la Librairie Illustrée de la Gironde. chez A. Catelan, rue Tboumayne. chez Lacomblez, rue des Paroissiens. cbea Vaillant-Carmanne, 8, rue St-Adalà BRUXELLES à LIÈGE 1r O >I JI {' bert.

INEDI1'S DE LAFORGUE NOTES BAUDELAIRE - ETC - CORBIERE - ETC - [Ce ti/re fi,gure, à l'enc,·e carniinée, sw· l'enveloppe, de papier bleu. 1'1·ente-deux feuillets non paginés. Les notes sw· Ba·udelaire en co1nportent di:x:-neuf, - que no·us disposons dans un 01'd,·e à peu près arbitraire. Feuillet 1 : erwi·e noire sur papier bleii glacé vergé (127 mm. x 203 mm,.). Feuillets 2 et 3: mine cle plomb sw· papier jaune pâte (108'x 170). Feuillets 4, 5 et 6: mcre noire sur papier blanc (155 x 200). De 7 à 12: sw· mème papier, mine deplomb. De 13 à 19 : mine cle plo1nb siw papier jaune pàte (Ul x 225). Sur le feuillet 8 : une tète clejeune homme, niine de plomb. Sw· le feuillet 12: wi pei·sonnage lisant.] BibliotecaGino Bianco

0 - 98- [BAUDELAIREl [1) hypocondrie sensuelle tournant au martyre les consolations de l'alcool - (songer aux russes, à Marmeladoff) joie de s'abîmer, de se gâter, de se salir, et la YOlupté de l'oubli des soucis. Excitant et repos à l'ou- \Tage (XXVIl) - une exploitation littéraire comme le jeûne (8wift) chez d'autres. 11 I3eau, élégant, correct (Poe, l'homme) comme le génie » B.X\ï. le cant de la poésie, de la manière de Baudelaire (l'éxpliquer) le charme du suranné un errant distingué de la race de Poe et de Gérard de NerYal « le marlyrologe de la littérature >> Poe sa vie, ses œuvres. p. XX l'idéal (l'aube entre en compagnie (orgie) de l'idéal rongeur) a \\·orm that would not die. - affolés par les révélations décourageantes et diaboliques de la médecine moderne; ne voyant que névrose et finissant par y sombrer, mené à la Yision de la folie quand ils aiment, ou se saccagent le cerveau sous la lampe. faire planer au-dessus de toutes ces pauvretés le Christ russe. pour bien le comprendre songez un instant au pôle opposé, à l'enfant malade et christ - point créole - mais ayant vraiment sondé la pensée philosophique humaine - obéissant à ses crises, pas .de pose, pas maître de luimême - Heine BibliotecaGino Bianco

- 01) Baudelaire après Alfred de Vigny chaste et fataliste, Hugo apothéotique, bucolique et galantin, Gauthier païen, :.\Iusset mon~· dain et collégien déclamatoire, Balzac inquisiteur_ mais George Sand Garnrni vignettiste Lamartine raphaélesque 11a montré la femme sphinx malgré elle, déshabillable, sujet à cuisantes expériences du chercheur dïdéal chat de sérail, meurtriSsable <( ignorante et toujours raYie >l r:sant insolemment d'un poiwoi,· emprunté Sans connaître jamai, la loi cle leur bem,té. cc reine des péchés >> vil animal ou du moins avilissable - - qui a de la salive» (159) - V. Ce qu'aYait déjà donné Joseph Delorme et le~ deux Deschamps, et Amédée Pommier. Le premier il se raconta sur un mode modéré de confessionnal et ne prit pas l'air inspiré - les maisons dont la brume allonge la hauteur (261) le brouillard sale ·et jaune (261) le faubour secoué par les lourds tombereaux le premier parla de Paris en damné quotidien de la capitale · les becs de gaz que tourmente le Yent la Prostitution qni s'allume dans les rues, les restaurants et leurs soupiraux les hôpitaux, le jeu, le bois qu'on scie en bûches qui retentissent sur le pavé des cours, et le coin du feu, et les chats, des lits, des bas, des ivrognes et .des parfums de fabrication moderne, mais cela de faç-onnoble, lointaine, supérieure _.:. ses disciples ont élalé Paris comme des provinciaux ' ahuris d'un tour de boulevard et lassés de la tnannie de · leur brasserie V 81bliotecaGino Bianco

américanisme - 100 - [3] Dans 111 danse macabre gde allure funèbre et ;i.lorsce vers Dans tin.trou du plafond la trompette de l'Anqe et-217 aependant tout en haut <le l'unive,·s juché l.in ange sonne la victoire qui ne détonne pas - allégorie de carton. Je hais la passion et l'esprit me fait mal c.-à-d. l'éloquence, l'air inspiré, - Le premier qui ne soit pas triomphant mais s'accuse, montre ses plaies, sa paresse, son inutilité ennuyée au milieu de ce :,iècle travailleur et dévoué. - Le premier qui ait apporté dans notre littérature l'ennui dans la volupté et son décor bizarre l'alcôve triste - Et s'y complaise. - le Fard et son extension aux ciels, aux couchants - le Spleen et la maladie (non la Ptysie poétique mais la névrose) sans en avoir écrit une seule fois le mot - . - Et la damnation ici-bas. - la ~~\!~e 1~se du corps humain Et toutes les hideurs de la fécondité poète- Enfant Connais-tu comme moi la riouleur savo1treuse Et de toi fais-tu dire : « Oh! l'homme singulie1· ! ., Cornme ils sont oisifs el enfants ils ont le temps d'avoir peur de la mort, et s'effarent à tous ses rappels, vents des nuits d'automne, crépuscule, sifflets des express ils aiment à être plaints, consolés et sont tristes de tout et cle rien. la vie leur passe comme Gn enfant curieux et grave qui feuillette de belles images enluminées et s'y fait <.lesamis, Biblioteca Gino Bianco

- 101 - des traîtres, et de belles dames sans espoir, et les console s'enthousiasme pour des hochets puis les bt'ise - pleure pour qu'on lui donne la lune dans un seau - et boude dès qu'on la lui offre. Au haut de cr feuillet 3, les mots Une Salomé. moderne - écrits à l'enc1·e noire et 1·ayés à la mine de ploml1. bourgeois pharisaïques et but'eaucl'ates sots, avat'es, bavards, sentimentaux médiocrité do l'or la spiritualité an~laise presque norwégienne. Baudelaire est rléjit un esthète oriental - l'idée du sacerdotal drapant son fantasque, son inconstance - la Grâce - Et puis « un pen de charlatanerie est toujours permis an génie et même ne lui messied pas » (B - préface au Corbeau.) l'artificiel, l'ironie, le paradoxe, l'excentrique, la voluptê d'étonner, de déconcerter, - qu'on devine fü•jà - la douceur trop insistante de ses regards. Par aristocratie et dégoùt de la foule qui n'acclame que les poètes éloquents et soi-disant inspirés, il affirme le travail, la patience, le calcul, la charlalanerie - l'ori~i11alitécoquettement, savamment voulue travaillée - se1fsame mystique et lucide. saveur esthétique la Dalilah - l' Etemel féminin b 1oteca Gino Bianco

-102 - le dégoùt de la Démocratie et cles Franklinades. (E. Poe dans Monos et Una) · race des d'Aurevillv etc. Un de Maistre créole et bohême et infiniment artiste - l'homme est né pervers damné, la Civilisation c'est le mal, mais la fleur en est enivrante, la femme est Dalilah etc .. spleen et attente de la mort. On sait que les pièces antichrétiennes ou athées sont un jeu à l'adresse des « gobe-mouches » qui se disent matérialistes, les Voltairiens du siècle. les angoisses métaphy. ne sont pas pour le toucher l'épiderme de son âme est d'un autre tissu. en se canonisant - il lui su fût de pécher, de se dire martyre, de flirter aYecSatan, de maudire la chair et d'élever l'encensoir de son rêve vers le grand harmoniste préexistant d'un Séraphitus ou d'un Eureka - sorte de panthéisme-papiste · l'Idéal personnifié et personnel aigri par le manque de gloire et d'argent pour vivre selon ses rêves. la :Yiort,ce n'est que ça?- Caïn et Abel- que cherchentiis· an ciel ces aveugles - sont les pièces de Baudelaire qui sonnent le plus creux. _Nigrand cœur, ni grand esprit - mais qt1els nerfs plaintifs, qu·ènes narines ouYertes à tout, quelle voix magique. B1bliotecaGino Bianco

- 103 - [5] 11a le premier trouvé après toutes les hardiesses du romantisme ces comparaisons crues, qui soudain dans l'h:nmonie d·une période mettent en passant le pied dans le plat. - (non le charme d'une quinte) - comparaisons palpables, trop premier plan, en un mot américaines semble-t-il - palissandre, toc déconcertant et ravigoltant La nuit s'épaississait ainsi. .. qu'une cloison! (chercher d'autres ex. ils foisonnent) Un romantique oublié avait dit ses yeux sont deux corbeaux -Baudelail'e a des litanies où il détaille les formes de sa reine des adorées. ta peau miroite, fa démarche - un serpent au bout d'un bâton, ta chevelure un océan, ta tête se balance avec la mollesse d"un jeune (léphant, Ion CC\rps e penche comme un fin vaisseau qui plonge ses Yergues dans l'eau, ta salive remonte it tes denl8 comme un flot grossi par la fonte des glaciers grondants - C'est l'américanisme appliqué aux comparaisons du Cantique des Cantiques son cou une tour d'i,·oire, ses dents de.;; brebis suspendues au flanc de !'Hébron. 1otecaGino Bianco

101. - [6) Que les soleils sont beaux clans les chaudes soirées 11 peut être cynique, fou etc ... Jamais il n'a un p)i canaille, un faux pli aux expressions dont il se vêt. - il est toujours courtois avec le laid. Il se tient bien - cabalistique, Albert le Grand, Faust, la pose du sarnir, des bouquins, du bénédictin, des in-folios occultes, comme un moine et comme les femmes métaphysiqueuses de Poe. concetti à la femme : charmant poignard! - 0 lune de ma vie! Etoile de mes yeux. Sa muse s'appelle Ligeia ou Elle habite les vastes corridors de la maison Gsher aimé ne daigne, compris si possible, respecté il l'exige et considér0 comme une exception. allure large et harmonieuse, semée ça et l.'Lde pefites crispations minutieux accès colériques, bizarres et sans raison, - comme de menus oasis -- comme des déviations de tendresses subtiles et raisonneuses et ine:splic1uéescl'ivrogne. I. Quel est le répertoire des subtilités de Baudelaire - besoin <l'immortalité aux amours décomposées - Nous avons dit souvent d'impérissables choses - Cet épigraphe : Any where out of the wodd. « le kiosque 11 de B. (Ste Beuve) le« frisson nom·eau n la nouvelle sauce aux sentiments Le bizarre toujours lumineux mais sans charge, juste dans le domaine du charme, le self-vertige, le vertiae juste jusqu'au malaise, tournant alors en rancœur, dégo(1t alcool. - il a trouvé le miaulement, le miaulement nocturne, singulier, langoureux, désespéré, exaspéré, infiniment solitaire - dans ses élévations, ces syllabes envoBibliotecaGinoBianco

- 105 - lées, extatiques, ce que les compositeu1·s appellent sousharmoniques - la strophe sonne plaintif - il a trouvé le plaintif attirant et doucement surnatu1el, vertige plaintif et impondérable (harmonie du soir) - le lyrh:mie plaintif -ses successeurs travaillentdansl'endolori- l'orage de sa jeunesse et les soleils mari?~ de s~s souYenirs ont clans les brnmes des quais de la Setne detenclu les cordes de sa viole byzantine incurablement plaintive et affligée. - hétéroclite jamais jusqu'au trivial. il a dramatisé et enrichi l'alcôve. jamais il ne se bat les flancs, jamais il n'insiste, ne charge. il dit« son beau corps nu >> - une fois - dans une pièce où ce -coin de photo. est noyé étouffé clans le reste (142) - mais c'est bien rare ,\ lui ! [7] la femme « animal obéissant et câlin >> XII « courtisane imparfaite » 134 aimable bête comme le chat amazone inhumaine 136 « Le soleil de sa nature », soleil blanc, minéral. sa belle ténébreuse tes yeux illuminés ainsi que cUs boutiques ou des ifs flaml>loyants dans les fêtes puvliqttes Yeux, soupiraux de ton âmt - Usent insolemment d"ttn éclat emprunté Sans connaitre jamais la loi de leu1· beauté Toute sa philo. féminine est là - Sois charmante et tais toi, tu ne peux pas savoir, tu es la damnation du juste - BibliotecaGino Bianco

_: 106 - « salutaire instrument 11 « ô reine des péchés >> la rature se sert de toi pour pétrir un génie. F01·te comme un troupeai• de demons folle et parée toi qui as été envoyée par la Providence de mon esprit humilié faire ton lit et ton domaine V. les Baud. inédits (Revue internat.) Au verso de ce feuillet 7 on W, - indications l)Ottr des vers qu'allait éC'l·ireLafoi·gue : monticules neu1.-s marmailles dans des banlieues rébarbatives à toutes semailles les gares sont des hôpitaux d'où fusent des cris solennellement perdus. un site éreinté . Une cahute, un acacia, une rigole, un gite, des Yaiselles à fleurs Voici la fin du jour où l'aimer s'infinise le soleil tombe le ciel qu'un nuage là bas couture d'une 1>atwre repi·ise un ciel d'hiYcr, un ciel de famine Ah' combien . 1 è , . quc ce c1e op re . Et suçant le vieux sein ct·une maitresse éteinte une lune débile - breloque de pauvre Pissenlits et gravats Pots de fleurs en pièces Ah ! le cœur en bouillie Je suis tout gémissant Un étang, au bord une cahute fait clodo mirée ld si doleiite sans s'éloigner d'rme octobres en détresse gestes endoloris masure da1ts le,; i>issenlits et les cailloux im âne à licol pâttwe d'un air rosse et doux stagne, stagne, pa1wre vie rien ne te fait envie Ce sentiment doux, simple, a pa.<sé Simple et doux comme une poule J1on cœur en a asse::; Il s'étire le soil·, C,·ache dans l'encensoir B1oliotecaGinoBianco

- 107 '-' Et se clit pa,· des choses qu'il ne nomme l'as. qu'il fait chaud les maisons peintes au lait à chaux. mioches brioches les chaudrons, les 01·ties les femmes décaties octobr~s incurables Un ci•·! de septembre Un air plaisant L'epiclerme cle mon 1·êve a la chair cle poule En frôlant les boui·veois ln-uyants, hostiles oomme des bt·isants Comme il est petit clans la Xatar Le chemin-de fe,·-ceinture Les vents se sont surmenés cette nuit Son portrait : ce long 1·egarcl so1<1"noislangoureux et moque1w ce souris fin et voluptueux . où la fatuité promène son extase. Ses yeux polis sont faits de minéraux chai·manls où l'ange inviolé se mèle au sphinx antique Un maniaque de terminologie (Diable, Ange, Enfer, etc. les (leurs du mal ne sont ni noires, ni verdfttres, ni plombées mais lilas le coco, le musc, le goudron, l'encens, le vin du souvenir, urnes de tristesse, encensoir, vase de tristesse, havane, opium, élixir des bouches, caravane de désirs, citerne des yeux, oasis des che,·elures, les Yertus, les charmes, deviennent des bijoux, des breloques, ou des pièces de vêlement. BrbliotecaGinoBianco

108 - l9J bijoux. De tes bijoux (à la Beauté) l'Jlorreur n'est pas le moins chal'mant Et le meurti·e, parmi tes plus chèl'es br!floques ses yeux polis sont faits de mineraux charmants « miroitei· la peau » (125) polaire l'aga the dents, ongles - le trésor des caresses les concetti de vieux galantin, d'un régence macabre, les coquetteries ratées, les mouches assassines, créole - une jeunesse en proie à l'amour vagissant Le premier poète qui ait fait église - chapelle un seul volume - une note - dogme et liturgie décor - et comme conséquence dévotion des fidèles et hors d'ici point de salut Sur le même (eHillet, on lit ; Lettres pour Lindenlaub. KreuzzeitunK E. à M. du Crouzat. Je Kikiriki de Vienne (25 ans) humoristisc:hes Volksblatt - le bonhomme Kikiriki à tète de coq se mèlant à tout comme un petit Diogène tel le bonhomme punch BibliotecaGinoBianco /

\ - 109 r10J Rt parfois en ete quand les soleils malsains Que les soleils marins leignaient de mille feux Deoiner si son cœ1w conve une sombre flamme aux humides bi·ouillards qui nagent dans ses veux tu repand8 des parfums comme un soii- orageux (Delacl'Oix) un soleil sans chaleur Ciel chagl'i n en tm s0!1· chaud d'automne caveau plu vieux iles paresseuses - grottes basaltiques - rameurs - i11finis bercements du loisir embeaumé la stérilité comparée comme un bijoux à un astre inutile la (1·o·idecruauté de ce soleil de glace par anti-démocratie, haine du bourgeois imbécile, américain, voltairien et bruyant et industriel vénal, il est spiritualiste, onctueux, prélat parfumé, rusé, jésuite impie, satanique, succube, douillet, créole, automnal lubricités correctes sournois chat pontife, Borgia correct, concis, de là énigmatique, plis droits, et le sens de l'acier, du stérile, de l'idole des verroteries miroirs stérile - Et toutes les hideurs de la fécondité (de l'anglais) puritain, humouriste froid, du métal, du froid BibliotecaGino Bianco

-110 - myrrhe péché - martyrisé opium nard, encens exotique de sa jeunesse un Ange. les desseins éternels. 1'Esprit. lïnvor.ation. Soyez béni mon Dieu. Oire entre les lignes les volumes de prose de Baudelaire) le clandestin des Yices de l'amour pour lui l'ambre, le musc, le benjoin et !"encens sont de res parfums corrompus, riches et triomphants . Qui chantent les t1·a11sports de l"esprit et des sens béatification du Poète sanctifié par ses douleurs, son calvaire de la femme et de l'amour, les huées des bourgeois piteux et des tribunaux. 111aisces inventions cle nos m11ses tai·dives ... « ciels chagrins » Pur esprit; essence (extrait); immortalité, (Phares) le souris du Vinci. Sirène On peut donner aux fleurs du mal comme épig,·aphe ses 4. yei·s sur Rembrandt, t1·iste hôpital tout rempli de mw·m11re.~ Et d'un g1·anclc1·ucifix décoré seulement Où let p1·iè1·1·en pleurs s'exhale des onlw·es Et d'un 1·ayon cl'hiver travei·sé bn1sque111e11t En effet jamais ses soleils ne sont francs, ils sont mouillés, plaintifs, blancs, etc.! Et rautomne est sa saison. · (le soleil. la nitit, la lutte de la lumière et de rombre : Rembrandt, Delacroix, la cathé<lralf gothique l'hôpital. tin/luence cle Poe) et celle de Gavarni et ses chloroses, son troupeau gazouillant femmes « adorablement minces 114)le jupon. taciturne, arnrié, oxydé, Glorifiait la mo1·t avec simpJJicité '' le vide de l'existence - le Temps mange la vie - l'écheveau du Temps. - · BibliotecaGinoBianco

- 111un peu d'alchimiste, le cloitre, le sens des bijoux, (bizantinisme père de l'Eglise, l'amour des in-folios reliés en fer, Conswnei·aient lew·s en d'a11stères dtudes, des ftoles équivoques, des joyaux obscurs, enfumés, lit tout n'est qu'o,cli·e et beautè tambours voilés. de temps en temps, de faux airs ronflants à la florentine (contagion de Gautier) Son style - l"alexandrin à ri.mes plates, qui est bien la. période du prédicateur. - le préjugé du sonnet à cause du contemporainage de Gautier-la source de ses images est le sens du symbolique - l'allure solennelle, le vers qui enchasuble en ses plis lainés de mots cassants en té la pensée subtile comme un parfum, ou bien joue le flacon de cristal taillé â facettes - miroirs ou bien le Yers houleux ondule, roulis, se pavane, qui: roule (ce mouvement qu'il aimait chez la femme balani:ant sa jupe voir ... le vers se déYeloppe aYecindifférence· ...:.l.e. serpent au bout d'un bâton - le jeune éléphant crni Ya cassant des bambous, - on appareille à toutes voiles. le goùt de~ épiphonèmes, des amen, des sennons la geometl"ica 1·ctlione Yers chuchotés étiolé il aime le mot charmant appliqué aux chos équivoques le mot plaintif · les pantoums. Contribution au culte de Baudelaire 81bliotecaGinoBianco

Baudilaire - 112 - ' 18] le premier il a rompu avec le public - Les poètes s'adressaient au public - répertoire humain - lui le premier .s'est dit : la poésie sera chose d'initiés. Je suis damné pour le public - Bon - Le Public n'entre pas ici. Et d'abord pour éloigner le bourgeois, se cnirnsser a·un peu de fumisme extérieur. titres: Reversibilité, etc .. gammes d'images pour érudits des sens. ex - « correspondances » de cauchemars. s'envelopper d'allégories d'extra-lucide. Et d'abord se poser comme méprisé et conspué de lui (par la voix des jèfürnaux qu'il enrichit) et de sa femme comme un lépreux les Gaspard Hauser tel les élus de souffrance du moyen âge qui 1:oyaient et que la foule brùlait comme sorciers. aimer une Vénus noire - ou la Parisienne très-fardée abuser de l)arfums introuvables pour le lecteur - Parler de l'opium comme si on en faisait son ordinaire se décrire un intérieur peuplé de succubes. faire des J?Oésies détachées - courtes - sans siijet avpréciable (comme les autres, lesquels faisaient un sonnet pour raconter quelque chose poétiquement, plaider un point, etc) mais vagues et sans raison comme un battement d'éventail éphémères et équirnques comme un maqui!la;e qui font dire rru bourgeois qui vient de lire « Et apres. >1 Voilà la plaie - On souffre on a la folie de la croix, on s'acharne après sa chair - et d'autre part là haut la beauté quand même qui nous prend en pitié nous créature éphémère et tourmentée, avec ses grandes lignes, la Beauté BibliotecaGinoBianco

- 113 - c. ,·l d. ce qui Ne Change pas, c-il d. l'Eternilé. le Silence· la Beauté C'est le Silence éternel - Tout notre tapage de passions, de discussions, d'orages, d'art, c'est pour par le üruit nous faire croire que Silence n'existe vas. Mais quand nous retombons las, nous l'écoutons restagner de partout et nous sommes plus tristes - 0 impuissance et Hemorcls. . . , . un tapage . . pas assez for b pour une passion éternel ou pou1 nous faire au Silence éternel. Nous sommes chrétiens et nous avons là-bas des souvenirs helléniques Vénus et la mer aux matins, souvenirs idéa!isants. Jr vo11d1·ai... Et que ton ,ang chrétien couldt à flots 1·ythmiqnes (p. 98) Cercle vicieux : . ,_. , . . é 1 Silence (la mort) Jusqu a ce qu epms s e temps, l'infini (Eternité, Espace) nous passe par dessus - comme l'océan se referme sur un bouillonnement de navire sombré, -- ou les siQcles sur une épopée comme celle de Napoléon, - ou l'espace sur une planète morte (14.] théorie du damné - du Satiirnien (v. Verlaine) « ce livre satun1ien 01·giaque et mèlancoliqae Tous ceux qu'il veut aimer l'observent a-uec crainte Ou bien, s'enhard ssant de sa t1·a11quillitè Cherchent à qui sau1·a lui tirer u11eplainte Et (ont stii- lui l'essai cle leur (èi·ocit, BibliotecaGino Bianco

-114 - 4 abîmes de psychologie en 4 vers. Lis moi pour ripprend1·e à n!.'aime1· Ame curieu:;e qni sn1ff1·es Et va che,-chant ton paradis Plains-moi! ... Sinon, je te maudù ! Mon Dieu soye~ béni qui donne~ la so1,ff1·.1.11ce Comme un divin remède à nos impuretes - Se martyriser pour expier ses débauches, - se débaucher comme martyre et aliment à remords, et ponr se maintenir en état de crucifixion - cercle vicieux, enfer. (être singulier quand même et damné) ,Ye ,;i,fa-je pas un faux accoi·d Dans la clivine symphonie (210) Et les vagues te1-i-ew·s de ces aff,·euses nuits Qui com1Jriment le cœu,- comme un papier qu'on f1·oisse Et discutant avec mon âme dejà las.,e (26li N'ouvrant ù chacun qu'avec crainte Dechi(f,·ant le malheur pai·tout, Te coii-vulsant quand l'hew·e tinte Tu n'auras pas senti l'étreinte De l'ilTésistible d,jgotît - 291 le premier des cornparai sons énormes Et donnii' clans l'oubli comme un i·equin dans l'oncle Je suis un cimetiè,·e abho,.,.J de la lune - un vieux buucloil· ses yeu."Cpolis sont faits de mineraux charmant, ta peau rnil'oitc comme une etoile vacillm1te ta tête d'enfant se balance avec lr, mol!es,;e d'un jeune élèphcrnt ta gorge trio,nphante est 11 ne belle ctrmoire Vous êtes un bean ciel d'automne clair et rose Comme moi n'est-tlt pas un soleil automnal - ces allégories énormes (plus fortes et autres que les bibliques<< ses dents sont c0mme des chèvres suspendues à la colline) B1bliotecaGino Bianco

- ll5 - - cela n'est pas de tradition Cantique des Cantiques ni ft·anç-aiseni latine (ô Racine! les lisant)· C'est de 1'importation anglo-.américaine. le premier je crois a employé la particule superlative très avec laquelle on est arrivé à de si grands effets et qui eù fait bondir un Lamartine (Hugo ne l'a lui-même guère employé qu'en charge) il n·a jamais cette rnlgarité de la plupart des ,poi>tesfrançais jouer sur le pittoresque, sauf une fois faisant un sonnet pour cette fin le Ciel couvercle noii· de la grancle marmite oit bout l'i,npe,·ceptii,l,; et ,;aste humaniti (on dirait de l'Ignotus) Baudelaire Yois-t11 les mw>1u·e11,· su)· 1,,,, ,, gi·abats prospères - le poète - passer sa Yie à ne voir que le poétique de la Yie - il ne raisonne pas. 11est un enfant en éYeil, étonnr, naït - s'amusant d'un insecte, des organes de la femme, comme un enfant. Besoin de tùter même à qQans. Il ne s'instruit pas - li butine au ha ..ard en abeille bohème et dort - r~ve - de\·ine - s'emballe -- C1·éctule il Yit tête baissée - Baudelaire donner la physionomie pTirée du milieu 1ittéraire de son temps. B1bliotecaGino Bianco

- llüConfessions de Houssaye - Banville - Maxime du Camp - Champfleury. Cette noblesse immuable qui annoblit les vulgarités intéressantes, captivantes - cette façon de dire - et cela sans périphrase prude, ponci ve cette familiarité de martyr entre les plus grands qui peut lui faire dire les pe,.siem1es abl'is des secrètes luxures et une page plus loin : Andromaque, je pense à vo1<s! et ajouter « veuve cl'Hector Hélas! (si humainement -- cet Hélas! n'est ni poncif racinien ni une cheville mais d'une subtilité touchante et grande Et bl'illant aux ca1Teaux le bi·ic-ù-ùrac confus ce confus est d'un maître et près d'Andromaque ce vers à l'he1we ... oi, la voirie Pousse un so111b1·0e1wagan clans l'ai,· silencieux (259) - et puis les cocotiei·s absents de la superbe Afrique tous ses élèves ont glissé dans le paroxysme dans l'horrible plat comme des carabins d'estaminets [16] Baudelaire Il voit tout en allégorie, de damnation pour l'humanité Pai·is change, mais rien dans ma me/ancolie N'a bougé! Palais neufs, échaf'audar1es, blocs, Vieux faubourgs, tout pour moi devient allegorie Et mes chers souvenfrs sont plus lourds que des rocs (259) BibliotecaGino Bianco

- 117 ·- Prenons l' Année Terrible où le poète a saigné de ce chagrin dont Michelet eut le cœur Lué. ll y a un Prologue à la Vérité. Il faut dire la vérité. Arrière les caresses. Rien que la Yérité brutale - et tombe ce vers qui tient toute une évocation d'obsédante bizarrerie Ce n'est pas d'encensoirs qtte le spMnx est cmnus Au milieu de ces 30 vers où passent Ezéchiel, Moïse, Dante, l'ouragan, à propos de rien il se rappelle que les sphinx sont camus. Cette face grimaçante lui apparaît - l'obsède comme un enfant. Et alors les locutions casser un encensoir sur le nez - etc .. Un poète. Un éternel grand enfant, triste du cirque et des ritoumelles des bals, - amoureux de la gloire et de la couronne d'épines pour lui et pour ceux qu'il aime - être intéressant! - toujours pubère bien qu'ayant surmené ses sens de bonne heurn Da11s le s11aire de.,-1111ar;es Je déco-11vreun cadav1·e chei· Et sw· les ce/estes rivages Je bâti:, de grand.,- sarcophages Il voit Yenir et s'en aller chaque saison avec une allégresse et une tristesse de jeune fille li veut se rendre intéressant devant ses contemporains - comme un enfant devant les grandes personnes. li ne vit que de ça et pour ça - qu'il vive d'excès ou de calme plat, - de langueur anémique et mystique - ou de bestialité tout cela selon l'époque. Ils flânent, puis par boutades suent la fièvre sur une confidence qu'ils dentellent en lignes inégales dont chaque mot est une capsule ,·t roses li vit en dandy - Il prend son temps et le spectacle de travail de ses contemporains par le côté dandy, - Il s·amuse d'oripaux. Un Hugo au fond avec son énorme cerveau ne vivait. que pour cette seule volupté des rimes drôles. il les collectionnait et en émaillait ses épopées et ses co3mogonies B1bliotecaGino Bianco œdème et Enésidème abstrus et Patrus qui et Tiraboschi cycles et besicles Mesmer et même air

- 118 - Et faire alterner des rimes! chinoiseries -- Et compter des syllabes. [17] Baudelaire Ce grain de poésie unique où fermente toujours (même quand les mots parlent d'autre chose) la nostalgie des quais froids de la Sei ne aux rives vicieuses et mal aux cheYeux pour la jeunesse passée aux lndes. - ça lui a fait trouver une gamme d'images qui n'est ni l'image renforcée de Hugo ni l'ima~e déliquescente d'indistinct des décadents: quelque cnose d'inimitable, de sentimental des soiivenirs de solei 18 (". 238) « en robes SU)'(innées » 239 Et je fei-ai de ta paupiè1·e Pour abreuve,· mon Sahara Jaillir les eaux de la Souffrance 240 toujours ce sadisme des· larmes, la manie de se dire damné catholiquement de par son génie, malgré l'air de flùLe (simplement): « j'aime le souvenir de ces époques nues >> - et le sonnet <( je laisse ,\ Gavarni poète des chloroses - Hu-go J)e Dante à Lo,·iquet de la bouche ail sphincter Religions et religion - Quel sujet! quel entassement! Mais tout disparait et il est heureux de sa journée quand il a fini sa partie IV par ces vers - bors-d'œuvre - charmants - adressé au théologien Et charme les rapins q1<i le soc sur le dos Et les guêtres ati,i:;pieds vont bai·bouillant des croûtes ])ans les pays en juin, quaucl les ctrb1·esdes routes BibliotecaGino Bianco

- 119 - S'agitant et se {011t mille sirpws cl1' loin, Joyeux d'avoir peigné les chaniltes cle toin Baudelaire chat, indou, yankee, épiscopal alchimiste chat sa fa~on de dire « ma chère» dans ce morceau solennel qni s·ouHe par« Sois sage, 6 ma Douleur» Yankee ses« très-)> deYant un adjectif ses paysages cassants - et çe vers « mon esp1·it, t1, te ,1wus a~ec vgilit.J • que les initiés détaillent d'une voix niétallique. Emblèmes nets » (p. 2'i<l haine de l'éloquence et des confidences poétiques. Le plaisfr vapo,·eux {uil'<t 1:ers l'hori;on Aù1s ique ... Quoi? Annt lui Hugo, Gautier etc aurait fait une comparaison française, oratoire - lui la fait yankee sans parti-pris, tout en restant aérien Ainsi qtt'ttne sylphide au fond de la coulisse On voit les fils de fer et les trucs. li reste aérien et noble - et ne détonne pas dans le contexte si pur de tenue- en disant les tuyaux les clochers ces 1,111tsde la citf (toute cette pièce est si calme noble!) plus loin le mot << pupitre >)24.9 Hindou - il l'a cette poésie plus que Leconte de Lisle avec toute son érudition et ses p.oèmos bourrés et aveuglants Des jardins, des jets d'eau pleurant dans des albâfl•es Des baisei·s, cles oiseaux chantunt soil· et matin bloteca G1 o Banco

120 -- Il connait son Paris. « Id s'élrrlait jadis une ,né11age1·ie (258) Drr11s les 11/ is si111u111.x des 1:ieilles capitales Oli 10111 méme l'horreur tow·ne llltX eucltanle111e11ls (264.) Je fracas roulant des omnibus (26!,) Frascati et Tivoli (266) il a feuilleté les planches d'anatomie trainant sui· les quais poudreux et les quinquets (275) • (271) - 0 moine frii11éa11l! q11a11clsaurai-je rlo11c fai1·r Du speclal'le viva111 de ma t1·i$le ,,1isère Le ll·llvc11'/ de mes mains el l'amom· <le mes yP11J' ? (p. 100) l'ange a toujours chez lui une silhouette d'huissier : Gagner les suffra!JI',< d,s a11ges (233) U11 an_qe {twieux ... (cm· je suis lon bon auge, c11te11ds-tu !) (2-29.) Pauvre Baudelaire! mort - quelle existence - comparée aux autres Jeunes filles! vous ne saurez jamais - - le Spleen - la sensation du Temps, le vide da l'homme ile lettres que son époque dégoùte et qui est né craille:1rs paresseux et royal. BibliotecaGinoBianco

PATRIE Que ùans un aYenir de jusliee sociale - pour h.î.ter la \'enuc duquel nous donnerions volontiers. non seulement « notre peli t doigt», mais nolre tète et celle de :'II. Henri Fouquier, - :\L Remy de Gourmont cùt vu se lever l'aurore dr la Paix universelle; son al'lirle ( O, trop 184.8, fùt JM sé inaperc:u: il a préféré injurie1· la Patrie au nom de Lut cl YOiciquïl fail scandale et nous mut des insultes. A cela nous sommes habitués: quand M. X ... publie son li\Te Z... , le litre paisible de pèrn de famille n'est. pas de trop pour parer une rollccliYe insinuation que :'II. Fouquier rcnoll\·ellc en fin de son article d'aujourd'hui (~). ·ous ne nous émouvrons donc plus de ces stupides généralisations et nous n'avons pas ù gourmander M. de Gourmont de ce _qu'il croit devoir penser et écrire; faisons seulement un peu de logique: Qu'est-ce que la Palrie '? - ;>,;ile sol natal, ni le foyer, ni la famille, ni les intérêts, ni lessouYcnirs d'enfancè, ni les joies Yiriles. M. de Gourmont sail l'allemand et il sait la r(•ponse des Germains: la Palrie (pour eux), c·est « partout où sonne la langue allemande ))' et ils mettent ce principe en aclion quand, pour reculer les frontières de l'Allemagne, ils prosc1·iyent, lii-bas, le p1uler de France. Quand la Grèce se leva pour l'indépendance, pourquoi, de tous les pays, accourut-on ,'t son appel r - C'est qu'on (1) Le Joujoti Patriotis1,1e Mrncuni,; ui-: Fn.,:-.cr-:, nnil 18:ll. (2) Dilf'/tontisme, Ecuo DE P.,n,~, 26 mars !JI. · B1bliotecaGino Bianco

-122 - avait mftché les racines grecques dans l'enfance; c'est qu'aux Universités s'annonait encore la langue d'Homère; c'est qu'il y av,üt rles hettènes,encore, de par le monde des barbares, et qu'Eschyleleur avait soufflé au cœur un peu de l'âme maralhonienne de l'antique patrie. Car la langue, c'est la ,ie perp~tuée des grnérations; le lien qui va de bouche en bouche, de cœur en cœur, de ceveau en cerrnau; l'harmonie continue où sonnent,dès les siècles, les joies et les douleurs, les amours et les haines, tous les cris et tous los murmures de la grnnde âme des multitucles; œuvro commune où le plus humble collabore; Verbe miraculeux ourdi par l'instinclimpeccable des ignorants, porté do siècle en siècle,par ce peuple qui so symbolise en sa trame savante; %aimph idolûlré de ceux-là qu'un don, mystérieux comme lui, révèle al.x foules qui reconnaissent en eux les prètrns do leur culte, les hauts tisserands de leur idée ot les exaltent dans la gloil'e. Abolissez les frontières; unissez vos commercrs; confondez vos arts plastiques, vos toiles peinte~; troquez Berlioz contre WagnP.r; oubliez \Yaterloo et [éna, Sedan ot Trafalgar; mêle;,; la bière au vin et au faro le pale-ale; - il est une chose rétive à toute fusion et c'est la langue accomplie et l'or du YerbP. qui ne veut et ne peut se muer cgie selon les lois de ses éléments constitutifs - ror du \ erbe: la Patrie. La brarnde de ~1. de Gourmont est aussi futile que lïudignation de ~1. Fou quiet·: la France sera toujours Villon, Honsard, Racine, Flaubert et tous ceux du Verhe, humbles ou glorieux, simples ou subtils; comme hakespeare, Shelley, Poe sont toutes les Angletenos; comme Gœlbe et Heine, toutes les Germanies; et le dernier patriote- dans la confusion babellienne qui peut naitre de l'internationalisme des intérêts - le dernier patriote sera, fatalement, le Poète. Ceci dit, nous relèverons l'injure faite à une mémoire que nous entourons, en cette Revue, de religiense piété : .Jules Lafo~ue fut lecteur de S. M. l'impératrice Augusta; si, 1\1. do uourmout dit qu'il fut« subventionné par l' AlB blioteca Gino B anco

-123 - lemagne n, n'est-ce pas au même titre que M. Fouquier est subventionnP- par les journaux à qui il vend sa prose? Mais il importerait, surtout, de dégager Laforgue de toutes ces polémiques où, vraiment, il u'a que faire : victime de la« Décadence)> et du « Symbolisme n, voici que sa mémoil-e se confond avec «l'antipatriotisme» - c'est trop et nous protestons. Que quelqu'un pousse, encore, le cynisme de la sottise jusqu'à proclamer qu'il « ignore Leforgue n ainsi qu'on proclame une conviction; soit- mais qu'au moins cette proclamation soit effective et qu'on laisse à Lafor&ue le repos de la tombe d'où la sympathie des âmes, sans aoute, un jour, le viendra réveiller. FRAKCIS VIELÉ-GR1FFIN. Bibloteca Gino Bianco

UN lIANIFESTE L'histoire de toute la société jusqu'à nos jours est l'histoire de lutte,; de classes. . . . . . . . . . . . Notre époque, l'époque de la bourcreoisie, se distingue cependant par ce fait qu'elle a simplifié les oppositions de classes. La société tout entière se divise de plus en plus en deux camps ennemis, en deux grandes classes directement dressées l'une contre l'autre, la bourgeoisie et le prolétariat. La bourgeoisie a joué dans l'histoire un rôle hautement révolutionnaire. « La bourgeoisie, là.où elle est arrivée au pouvoir, a détruit tous les rapports féodaux, patriarcaux, idylliques. « Elle a impitoyablement rompu les liens féodaux, si variés,quirattachaient l'homme à ses supérieurs naturels, et n'a laissé subsister entre les hommes d'autre lien que l'intérêt nu, que l'impassible c< vayé cornvtant ». Les frissons sacrés de l'exaltation pieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la mélancolie des petits bourgeois, elle les a noyés dans l'eau froide du calcul égoïste. Elle a décomposé la dignité personnelle en valeur d'échange et, ,·L la pl.tee des innombrables libertés reconnues par des chartes légitimement acquises, elle a établi la seule et déloyale liberté du commerce ; en un mot, à la place de l'exploitation déguisée sous dtls illusions religieuses et · politiques elle a posé l'exploitation ouverte, impudente. « A toutes les activités jusqu'alors honorées et regardées avec un pieux frisson elle a enlevé leur améole. Elle a transformé le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, l'homme de science en salarié,, qu'elle paye. c< Elle a enleYé violemment aux rapports de famille leur touchant voile sentimental et les a ramenés à de simple:; rapports d'argent. c< La bourgeoisie a fait voir comment la brutale maniBibliotecaGino Bianco

~ 125 - festalion de force, que la réaction admire tant au moyen àge, trouvait un suffisant assouvissement dans la plus crapuleuse fainéantise. « La société hourgeoisie moderne, qui a fait naître par enchantement de si puissants moyens de production et de commerce, ressemble au sorcier qui ne peut plus dominer les puissances soutenaines qu'il a érnquées ..... L'histoire de lïndustrie et du commerce n'est que l'histoire de la rébellion des forces de production modernes contre les rapports de production modernes, contre les rapports de propl'iété qui sont les conditions d'existence de la bourgeoisie et desa suprématie.Il suffit de nommerles crises commerciales qui par leur retour périodique, toujours plus menaçant, mettent en question l'existence de toute la Société bourgeoise. Dans les crises commerciales unegrancle partie non seulement des produits existant, mais encore des forces de production rléjà crées est régulièrement anéantie. Dans les crises éclate une épidémie sociale qui aurait paru un contre-sens à toutes les époques antérieures - l'l'.'pidémie de la surproduction. La société se trouve tout à conp replongée dans un état de barbarie momentanée; une famine, une guerre générale d'extermination semblent avoir supprimée pour elles tous les moyens de vivre. L'industrie, le commerce semblent anéantis et pourquoi? Parce que la société possède trop de civilisation, trop de moyens de vi\Te, trop d'industrie, trop de commerce. « Les rapports bourgeois sont devenus trop étroits pour contenir la richesse produite par enx. Comment la bourgeoisie triomphe-t-elle des crises? d'une part par l'anéantissement obligatoire d'une masse de forces productives; d'autre part par la conquête de nouveaux marchés et l'exploitation plus approfondie des anciens marchés. Comment par conséquent? en préparant des crises plus générales et plus violentes et en amoindrissant les moyens de les prévenir. « Les armes avec lesquelles la bourgeoisie a mis à bas la féodalité se retournent contre la bourgeoisie elle-même. « Mais la bourgeoisie n·a pas seulement forgé les armes qui la tuent; elle a produit les hommes qui se serviront de ces armes - les travailleurs modernes, les prolétaires_ BibliotecaGino Bianco

- ..126 -- ((Dans la même proportion que la bourgeoisie, c'est-itdire le capital, se dheloppe le proléta: iat, la classe des trarnilleurs modernes qui ne vivent que tant qn'ils trouvent du trarnil,et qui ne tronvent du travail que tant qne leur trarnil accroH le capital. Ces travaiHeurs, qui doivent se vendre en dét·til, sont une marchandise, comme tout autre article de commerce,et pareillement soumis à toutes les vicissitudes de la concurrence, à toutes les oscillations du marché. « Le travail des prolétaires, par l'extension du machinisme et la division du traYail, .'t perdu tout caractè:0 indépendant et en m·}me temps tout attrait pour le traYailleur, simple appendice de la machine à qui l'on demande senlement le coup de main le plus simple, le plus uniforme, le plus facile à apprendre. Les frais qu'occasionne le travailleur,se limitent,par suite, presqL1euniquement aux moyens d'existence nécessaires à son entretien et à la prnpagation de sa race. Le prix d'une marcban- · dise, du travail aussi par conséquent, est par contre ég,d aux frais de sa production. Dans la même mernre où s'accrolt l'ingratitude du travail, le gain diminue. Hien plus,dans la même mesure que les machines et la division clu trarnil, la masse du trarnil s'accroît, soit par !"augmentation des heures du tra rnil,soit par l'augmentation du trantil exigé dans un temps donné, soit par !"accélération <lela Yilesse des machines, etc . . ~,:\Ioi;s ie t~·a,;ait'mànuel ·réc"lamed'act.rêss~et de· fo;·ce~ e'est-à-dire plus l'industrie moderne se développe, plu:; le trarnil des hommes est é,·incé par celui des femmes. Les différences de sexe et d'âge n'ont plus de rnleur sociale pour la classe des travailleurs. Il n'y a plus que· des instruments de travail qui, selon l'âge et le sexe, coùtent des prix. différents. « Quand l'exploitation du travailleur par le fabricant est terminée, quand il a touché strictement le sal:=.tirede son trarnil, alors tombent sw· lui les autres parties de la bourgeoisie: le propriétaire, le marchand en détail, le prèteur sur gages., etc. (EXTRAIT DU SfA.)IIFESTE comIUXISTE DE 18i7, RÉDIGB PAR KARL M..\RX ET FRIEDRICH E~GELS.) B1bliotecaGinoBianco

INTERVIEvV Le souci toujour noi sant que le peuple appol'te à être renseignée su 1· tous les hènements donl son lerl'itoireest pour ainsi dire le théftlre, J'n entrainée it s'enquérir de l'état de a littérature, sans que toutefois elle attache à cet ordre de phénomènes, plu:; dïmportancequ·il la cruestion du libre arbitre par exen1ple. Quelques reporters, habiles :°L pré enter, non sans une ra.illel'ie di ·crète, les opinions contradicloir<'s, se ont mi· en campagne et pour sati faire lïmpatiencr populaire, i légitime, sont allés interroger plusieurs écrirnins dont le témoignage leur semblait précieux . .\.yant suid, :n-ec un intérêt que graduait le choix des protagonistes, celle enquète i franchement é\"oluti Ye, j'ai été surpris de l'inqualifiable ostracisme dont on frnppait un de nos romanciers le. plus notoires, un de ceux qui jouissent du plus ~rnnd nombre tle lecteurs et qui par con équent p._'.>tl'isent 1e plus grand nombre de cerrnlles. Poussé par l'équité naturelle à mon es1)rit, j'ai résolu de n'.-parer autant qu'il m'était possible cetle injustice. et je me suis présenté hier matin chez :\I. Xavier de Montépin. J'ai été reçu par le conteur de tant de dramatiques histoires aYec unè affabilité exquise qui ne fut pas sans se compliquer d'un légerétonnement,quandje luieusexposé, en un adroit préambule, le motif de ma visite. M. de ~fontépin me fit asseoir sur le fauteuil qu'il jugea le plus moelleux, m'offrit un havane, et après un échange de vues superficielles et climatériques, je lui dis : - Cher maitre, que pensez-Yous du symbolisme? B1bhoteca Gino Bianco

- U3- - Je n'en connais rien, répondit-il avec unsourire empreint de bénévole dignité, sinon que M. Moréas est d'Athènes. L'ironie manifeste de cette réponse m'in<1uiéta et j'insistai. - Je vous ai dit la vérité, fit-il. Je n'ai jamais eul'occasion de considérer le monde sous son aspect poétique,j'ai même quelque difficulté ù admettre cette vision, qui cependant, je dois le reconnaître, a eu quelques adeptes de valeur. Je ne puis donc vous exposer mes idées sur ce symbolisme qui est, si j'en crois ~fonsieur Anatole France. une nouvelle forme de la Poésie. - Serai-je plus heureux, cher maître, en vous demandant votre opinion sur le Naturalisme? - Je suis L"t plus ,"t l'aise, mais avant de vous en causer, laissez-moi vous dire, en guise d'exorde, que si je ne m'étais, depuis longtemps dé.jà, réfugié dans cette forte indépendance matérielle que préconise notre cher Barrès, l'injustice de mes contemporains m'eut conduit aux plus fâcheuses extrémités. - Pourquoi donc, dis-je. - Parceque, en dépit de l'aveuglement jaloux et voulu de la critique, le seul écrivain qui se puisse dire naturaliste ou réaliste, c'est moi. Cette réponse ne laissa pas que de bouleverser les idées si solides que je professais sur le Naturalisme, et mon trouble n'échappa pas au clairvoyant romancier. - Je vous étonne, interrogea-t-il? Poliment, je lui laissai entendre que rien ne pouvait plus m'étonner, et que j'étais, suivant les conseils de Jules Lemaître, disposé à tout admettre, voire à approuver. - Je vois, me dit-il avec satisfaction, que vous avez reç-u une forte éducation philosophique,nous saurons donc nom, entendre et je pourrais au moins une fois, déYelopper devant quelqu'un apte à me comprendre, les théories qui me sont chères. Ne vais-je pas vous sembler fastidieux ajouta-t-il malicieusement'? Je fis remarquer au maître que ma spéciale aptitude ù arracher une idée à la plus obtuse cenelle du plus fermé des académiciens ne me permettrait plus la moindre lassitude, et que je serais capable désormais d'écouter BibliotecaGinoBianco

-129 - sans effort un discours tle M. Doucet ou un poëme cosmogonique de M. François Coppée. - Vous êtes bien préparé à m'entendre, me répondit M. de Montépin. Et j'en ai hâte. -- La fréquentation assidue des plus affinés littérateurs rle votre temps vous aura mis à même de constater, Monsieur, combien les agissements des hommes, comme parfois leurs paroles, paraissent dénués de raison d'être. Si vous voulez bien vous élever avec moi jusqu'à une conception plus générale et surtout plus métaphysique des choses, si vous voulez examiner sérieusement ce que l'on appelle les contingences - cela grâce au postulat, peut être déraisonable, de je ne sais quoi d'éternel - vous constaterez le 1>randembarras où l'on se trouve, si l'on veut assigner a chaque évènement une cause, à chaque action un motif. - Certes, répliquai-je, notre accoutumance à vivre sous un régime incontestablement parlementaire nous met à même d'observer cela journellement. - Je vois que vous me comprenez. Donc l'essence du monde, élant donné qu'il nous est impossible de saisir les moteurs cachés de tout acte, et de les supposer même autrement que d'une façon hypothétique, méthode blàmable, l'essence du monde est l'illogisme et partout nous nous trouvons en présence de l'absurde - j'emploie ce mot théologique, bien que, n'admettant pas les promesses des docteurs, je ne puisse approuver l'usage qu'ils font de l'absurde. - Vous allez certainement me dire, Monsieur, que cette absurdité est simplement apparente et que des lois rigoureuses règlent tous les mouvements, depuis celui des sphères célestes, jusqu'à celui des plus banales fonctions. Je ne vous contredirai pas, seulement, je considère que ces lois font partie de ce que Spencer nomme !'Inconnaissable, et,partant, que nous n'avons pas à nous en occuper. Transportons, si vous le voulez bien, ces idées dans l'art. Mon opinion est que nous devons mettre dans nos œuvres « un morceau de vie » comme l'a dit excellemment M. Henri Bauer. Suivant nos goûts nous choisirons ce morceau, soit dans l'ordre comique, comme le grand Paul de Kock, soit daµs l'ordre tragique - plus B1bliotecaGinoBianco

-130 - tyrannique qu'on ne le croit généralement - comme fit le regretté Fortuné du Boisgobey et comme je le fais moi-même. · - Ceci·est un principe qu'admettent tous les maitres du naturalisme, observai-je. , - C'est fort juste, aussi ce n'est pas sur le principe que ,nous différons M. Zola et moi, c'est sur son application. ;La manie d'expliquer Monsieur, est puérile, c'est une tendance de ce que j'appellerai l'esprit lyrique - le plus _détestable de tous les esprits. - Les écrivains, qui sont sujets à cette folie, me paraissent un peu semblables aux enfants qui éventrent les poupées pour en saisir le mécanisme, toujours inexistant. Pmsque l'enchainement des effets et des causes, nous est inaccessible - à supposer qu'il soit, et je ne vous cacherai pas que la loi de causalité ne me satisfait point - il quoi bon chercher à expliquer les êtres et les choses? Je sais que chez M. Zola, par exemple, l'explication est toujours rudimentaire, et je lui sais gré de s'en tenir à de simples raisons physiologiques, mais c'est encore trop. Nous autres artistes ne devons chercher qu'à rep1ésenter la vie, qui est la matière éternelle de tout art, or la vie est ill_ogique, la vie est absurde, il nous la faut donc reproduire strictement dans son illogisme, dans son absurdité. Voilà le vrai réalisme, le seul soutenable; chaque fois, qu'au contraire, l'on voudra coordonner des faits, les légitimer, on tombera dans le plus enfantin des lyrismes; or le lyrisme n'a jamais fait qu'affoler l'humanité et cela, au gré des cervelles qui le pratiquèrent, il est donc condamnable. Ces inconvénients, si fâcheux pour les peuples il est inutile de vous dire, Monsieur, qu'ils ne sont point it cl'aindre avec le naturalisme, tel que je lt, comprends ; ce naturalisme présentant les choses comme elles nous apparaissent, ne peut jamais être un ferment de trouble, puisque dans les ouvrages de ceux qui pratiquent celte doctrine, il est loisible à tous les contemporains de se retrouver. · - Pensez vous, mon cher maitre, que beaucoup partagent vos vues si curieuses sur l'art. , -Peu m'importe vous répondrai-je.Ayant peu fréquenté l~s brasseries, je n'ai pu constater d'une façon certaine BibliotecaGinoBianco

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==