Entretiens politiques et litteraires - anno II - n. 13 - aprile 1891

- 134 - tombant et hâve. Le sommet de toutes les faces disparaissait dans l'ombre et on ne voyait pas les yeux! Ah I la terrifiante pyramide de ces mâchoires mordant le vide et emplissant la chambre du crissement de leur voracité I Mâchoires de squelettes conviées à un festin de nuit! Inconsistante comme un brouillard léger dont les vents contraires modifient l'aspect, cette pyramide incessamment changeait de forme et ces mâchoires se mêlaient par des enchevêtrements sans rythme. L'effroi du rêve rendait mon corps inerte; je haletais de ne pouvoir soustraire ma tête et mes mains à la me-- nace des dents I Je tentais de dénombrer les mâchoires en leur grouillement affreux (mais les perpétuelles passades erronaient mon calcul) ou de suivre dans ses zigzags la moins immense de ces cavernes dentelées : vain effort. Soudain lesgrimaçantes contractions cessèrent et,après une pause de recueillement dans le silence récupéré de de la nuit, les bouches, unies en une seule voix, ( o l'accord parfait des basses majestueuses et des ténors aigus), lentement modulèrent ces mots : « Nous sommes les cent bouches de la Renommée qui « peut chanter ta gloire à travers le Monde. Notre voix cc dira ton nom et les princes des hommes salueront la « Majesté de ton génie. Nous sommes les cent bouches « de la Renommée : pour conquérir leur altier concert, « nourris-les des trésors et des festins du Monde ! » Je me souviens d'avoir, en mon émoi tremblant,offert à ces crocs exaspérés la délicatesse de mes symphoniques modulations, la splendeur des colorations rêvées et la grâce des purs concepts. . Mais à peine eurent-elles reconnu l'idéalité de ces insubstantielles saveurs, les cent gueules avides, qu'elles les rejetèrent avec des contorsions nauséeuses et des hurlements d'horreur. Lèurs appétits voulaient de matérielles ripailles. A les satisfaire mon rêve s'in~énia. Je plongeais les mains en des coffres déoordant de victuailles et précipitamment je gorgeais les bouches les plus exigues, pensant les assouvir plus tôt et aussi parce qu'elles me semblaient plus avides 1 Un coffre tari, d'autres lui succédaient, mes bras se Biblioteca Gino Bianco

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