Entretiens politiques et litteraires - anno II - n. 13 - aprile 1891

- 133 - rythmes et des belles assonances que mon cerveau mécaniquement psalmodiait. Les mots, nullement assemblés par la logique d'une signification, n'ayant entre eux d'autres liens que des rapports de notes, concertaient en accords parfaits et en rigoureuses valeurs. Mélodiques eurythmies, troublante musique d'âme! (.)uelques-unes de ces insignifiantes mais cadencées périodes avaient l'ample majesté d'un chant d'orgue, d'autres la délicate suavité du hautbois. D'autres enfin sonnaient comme, au lointain d'un bois touffu, des fanfares de cors repercutées par l'écho des frondaisons denses. Bientôt, la musique des vocables chanta moins fort, mais le rythme ma0 nifique subsista, et ces sonorités atténuées, presqu'aboÎies, insensiblement se prolongèrent, par dégradés ténus, en idées vagues, indéfinies encore, correspondant aux sons apaisés. Phrases musicales s'évaporant en pensées! Définitivement mon sommeil s'élucida. J'eus l'intégrale conscience de mon rêve splendide, et de mes artificielles visions et de mes concepts. Cette intuition, assez nette pour que la jouissance fùt exquise, ne s'essorait pas suffisamment de la matière pour la diriger : une compréhension plus activa eût dissipé les vains aspects du songe. En cet assoupissement qu'extasiaient un si radieux décor et les solennelles phrases hymnaires et les neumes cadencées, mes paupières s'ouvrirent et j'eus !'opprimante sensation d'une lourde nuit, matériellement opaque, sans vibrations ni déplacements d'air, faite, semblait-il, de funèbres draps noirs entassés. Le grand silence de telles ténèbres poignait mon âme. Si encore dans l'obscurité épouvantablement immobile, un craquement de bois eût retenti... Mais voilà qu'en cette nuit de tombeau apparurent des mâchoires énormes, luisantes d'os et de crocs. Elles grimaçaient odieusement,s' ouvrant tantôt en déhiscences honibles avec des craquètements convulsifs, tantôt se serrant avec un fracas d'armures. Les dents redoutables et les vastes gueules étaient seules éclairées, mais d'une effroyable lueur jaune d'enfer. Le peu de chair que l'éclat des mâchoires rendait visible autour d'elles, ôtait B1bliotecaGinoBianco

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