Emile Vandervelde - Vers le collectivisme

VERS LE COLLECTIVI Pl\R vil r:I> E. VANDERVELDE ' . (;AND soc1ÉT'É COOP'ÉRATIVE ~< ~At1mNw. \"OLKS0RUKKFIUJ », RUE nAUTPORT, -:29 1 1 ~ ,teca Gino B,a.,co

Versle Collectivisme Dans la campagne électorale qui va s'ouvrir, les orateurs du Parti ouvrier devront se préoccuper, avant tout, de faire dessocialistes et non pa!j.de gagner des électeurs par l'amorce de quelquP.s réformes-immédiates. « A quoi nous servirait-il de conquérir le monde, si nous devions perdre notre âme? 11 En principe, nous sommes tous d'accord sur cette nécessité de mettre au premier plan l'idéal socialiste; mais, en fait, il arrive souvent, trop souvent, que nos propagandistes ·courent au plus pressé, s'attachent, d'abord, aux griefs les plus apparents, parlent pendant une heure de l'impôt du sang, de la loi des quatre infamies, de la dotation du Comte de Flandre, des millions que l'on avance à l'Etat du Congo, de ceux que l'on refuse aux vieux travailleurs, et se figurent, do très bonne foi, avoir fait leur devoir, tout leur devoir de socialistes, s'ils terminent par une éclatante fanfare en l'honneur du Collectivisme. A notre avis, c'est la marche inverse qu'il faut suivre: commencer par Je collectivi~me; exposer, d'abord simplement, mais intégralement, nos théories fondamentales; passer ensuite aux conclusions pratiques qu'il convient d'en tirer. Dans l'espoir de faciliter la tâche à ceux de nos camarades qui voudraient procéder ainsi, nous avons rédigé ce Syllabtts. E. V. B b '.ltec., Gino B1a,r,o

Chapitre 1.- Laconcentratiocnapitaliste Aux deux pôles de la société actuelle, nous trouvons, d'une part, des travailleurs qui n'ont rien, et, d'autre part, des capitalistes qui ne font rien. Entre ces extrêmes - travail sans propriété, propriété sans travail -, il y a toute la série des transitions possibles : en haut, les rafleurs de millions qui, tout en travaillant eux-mêmes, s'enrichissent, surtout, du travail des autres; en bas, la grande masse des artisans, des boutiquiers, des paysans-propriétaires, b1-ef, tous les travailleurs qui, suivant l'expression de K. Marx, restent soudés à leurs moyens de production, comme le violoniste à son instrument. r•e STADE L'expropriation des producte~rs lridépendants A mesure que le capitalisme se développe, dans les diverses branches de la production, industrielle, commerciale ou agricole, la situation des artisans, des boutiquiers, des petits cultivateurs devient de plus en plus difficile, par suite de la concurrence victorieuse que 11::urfont les machines, les grands magasins, les producteurs de blé et de viande des Etats-Unis, de l'Inde, de la Russie ou de la République argentine. Dans ces conditions, il ne leur reste que trois alternatives: 1° OpPoserl'associationcoopérative à l'assoi:iationdes capitaux, comme le fort les cultivateurs, comme devraient le faire les petits commerçants. 2° Se réfugier dans certainesspécialités. C'est le cas, par exemple, pour les boulangers qui, ne pouvant lutter contre la concui-rence des fabriques de pain, se mettent 8 b· tec2 Gino Btd 'CO

-5à faire des brioches ou des pains d'épices; pour les campagnards qui abandonnent la culture des céréales et font de la laiterie, de l'élernge, de la culture maraîchère; ou bien encore pour les tisserands à la main, qui se maintiennent en tissant des étoffes de fantaisie : tels ces tisserands de Bolton, dont parle Schulze Gœvernitz, qui parvenaient à gagner leur vie en tissant, à l'usage de quelques vieilles filles, des courtepointes ornées de versets de la Bible. 3° Céder la place à des entreprisescapitalistes. C'est ce qui est arrivé déjà dans un grand nombre de branches de l'industrie et de commerce. Dans l'industrie textile, par exemple, en 1846 on évaluait à plus de trois cents mille le nombre des filleuses et des tisserands à la main, rien que pour l'industrie du Jin. Aujourd'hui, la filature mécanique a complètement supplanté le filage à la main, et au lieu de 57,000 tisserands à la main, que l'on recensait il y a soixante ans, dix mille à peine travaillent encore. La même ten lance à la substitution du travail mécanique au travail manuel se manifeste dans toutes les industries, depuis la fabrication des cigares ou des dentelles, jusqu'à la chapellerie ou la cordonnerie. Les industries même que la nature de leurs travaux semblait protéger contre la machine sont envahis à leur tour: la typographie par la machine à composer et, demain peut-être, la verrerie, par la machine à souffler le verre. Quant aux petits commerçants, leur situation n'est pas meilleure. Ils subissent de plus en plus la concur- . rence des grands magasins dont Emile Zola a raconté l'histoire dans le Bonheur des dames. Que peut faire, par exemple, un épicier de village, lorsqu'il doit lutter contre une entreprise comme Je Bon Marché, qui possède en Belgique plus de cinq cents succursales? Ces transformations économiques et techniques sont évidemment avantageuses pour le public, pour la masse des consommateurs, mais elles ont pour conséquence B b· 'lteca Gino B1a co

-6fatale de refouler dans d'autres industries, ou de faire tomber dans le prolétariat, les commerçants isolés et les artisans qui travaillent à leur compte. ze STADE Les sociétés pal" actions ,\ cette première phase de la concentration capitaliste - le remplacement du travailleur par la machine, du b'mtiquier par le magasin - succède une phase nouvelle, caracté, isée par la lutte des grands capitalistes contre les petits, et la dirninution graduelle du nomb·0'des entreprises, à mesure que s'accroît l'importance de celles qui survivent. La production collective remplace la production individuelle; l'association des capitaux succède aux capitalistes isolés: c'est le règne des sociétés anonymes, et d!'s autres sociétés par actions. 11 e'liste aujourd'hui des sociétés anonymes dans tou·es les branches d'industrie, et, cependant, à la fin du XVI l I• siècle, Adam Smith, dans un texte célèbre, tenait à leur égard le même langage que l'on tient, aujourd'hui, à ceux qui prédisent que toutes les grandes indust1ies se transformeront, dans l'avenir, en services publics: H Les seuls genres d'affaires qu'il paraît-possible pour une compagnie en sociitéde fonds (joint stock compa11y), de suivre avec succès, sans privilège exclusif, ce sont celles dont toutes les opérations peuvent être réduites à ce qu'on appelle une routine, ou, à une telle uniformité de méthodes, qu'elle n'admette que peu ou point de variations. De ce gen1e sont: 1° le commerce de la banque; 2° celui des assurances contre les incendies et contre les risques de mer et de capture en temps de gue1re; 3° l'entreprise de la construction et de l'entretien d'un canal navigable; et 4°, une entreprise qui est B b :iteca Gino 81a co

du même genre, celle d'amener de l'eau pour la proYision d'une grande ville. " Banques, assurances, exploitations des voies navigables, entrep, ise de canalisation des eaux potables, autant d'indust,ies qui sont déjà, ou qui ne tarderont pas à être transformées en services publics, tandis que le domaine des sociétés par actions s'étend bien au delà des limites que lui assignait Adam Smith. Tant il est vrai que l'utopie d'aujourd'hui devient sou,·ent la réalité de demain. Aussi n'est-il pas inutile de rappeler que les arguments que l'on dirige contre le collectivisme, sont exac1ement ceux que l'on opposait, il y a cent ans, aux sociétés par actions. Cela n'a pas empêché celles-ci de se répandre avec une rapidité croissante, dans toutes les branches de l'industrie, du commerce, et, depuis quelque temps, de l'agriculture. Pour ne parler que de la Belgique, voici, d'après les Annuaires de statistique (1900 et 1903), .-le tableau des constitutions, prorogations et dissolutions de sociétés commerciales dans ces dernières années: = 1 Années Constitutions Prorogations Di::;solutions 1897 1033 181 263 1898 1097 182 308 1899 1284 163 302 1900 1197 215 368 Les chiffres des années suivantes ne sont pas encore publiés, mais la progression a été plus forte encore. Le capitalisme envahit toutes les sphères de la production; l'exploi>tation individuelle disparaît devant l'exploitation

sociétaire, et dans les industries les plus avancées en évolution, le nombre des entreprises va toujours diminuant, alors que le nombre des ouvriers et les quantités produites vont tou;ours augmentant. Il nous suffira, pour l'établir en ce qui concerne notre pays, de citer quelques données statistiques, empruntées aux Annuaires ofiiciels. · Dans l'wdustrie charbo11111ère, il y avait en r85o 310 mines concédét>s, avec un total de 47,949 ouvrie1s; soit en moyenne, 154 ouvriers par mine. En 1902, il n'y a plus que 218 mines concédées, mais le nomb,e des ouvriers s'élève à 139,303, soit, en moyenne, 634 ouvriers par mine. Dans les carrières, le nombre des exp'loitations tombe de 2,319, en 1870, à 1,732 en 1902; par contre, le nombre des ouvriers s'élève de 23,662 à 36,469. Soit, en moyenne, 10 ouvriers par carrière en 1870, et 21, en 1895. Dans l'industrie sidérurgique. En 1845, ~ y avait 91 usines de hauts fourneaux, employant 2,331 ouvriers, soit 25 ouvriers en moyenne, et produisant r 34,563 tonnes de fonte. En 1902, il reste 16 usines actives, avec 3,o 36-ouvriers, soit 189 ouvriers en moyenne, produisant 1,069,050 tonnes de fonte. En 1845, il existait 105 fabriques de fer, occupant 3,304 ouvriers (soit 31 ouvriers par fabrique) et fabricant 62,299 tonnes de fer; il en restait (1902), 47 seulement en activité, avec 12,907 ouvriers (274 ouvriers par fabrique), et une production de 38r ,610 tonnes. D'autres exemples, non moins caractéristiques, nous sont fou, nis par la verrerie et la distillerie. Dans la distillerie, 598 fabriques, en 1850, produisent 27,774 k]olitres; en 1895, 257 établissements, qui ont survécu, produisent 65,716 kilolitres. Dans l'industrie verrière; il existe 32 verreries, avec 2,337 ouvriers, en 1845; en r875, 76 avec r r ,790 ouvriers; en 1892, 57 avec 20,7u ouvriers et en 1900, le nombre des usines actives tombe à 52 avec 22,780 ouvriers et une production dix fois plus forte que cinquante ans auparavant.

-9Ces phénomènes de concentration ne se produisent pas encore, avec une égale intensité, dans toutes les branches de la production. Néanmoins, partout où le capitalisme pénètre, on voit éclater, avec une âpreté plus ou moins g,ande, cette lutte pour l'existence entre les entreprises. Les moins bien outillées font des efforts surhumains ponr 6chapper à la banqueroute et, pour compenser leurs désavantages, économisent sur la main d'œuvre et prolongent la journée de travail. A ce degré de développement du capitalisme, la production est absolument anarchique et l'irresponsabilité des individus apparait d'une manière éclatante. Un événement politique qui se produit de l'ai.ltre côté du monde, un changement dans le 1égime des impôts et des douanes, peuvent, du jour au lendemain, ruiner l'industriel le plus diligent et le mieux avisé. Ainsi, par exemple, la suppression des primes d'exportation pour le sucre, qui nous obligaient à le payer deux fois plus cher que les Anglais,a été désastreuse pour les fabriqurs anglaises de biscuits, de confitures, etc., qui profitaient de la vente du sucre à très bas prix sur le marché de Londres. Supposez, au contraire, que demain les Anglais, pour protéger la fabrication du sucre de canne dans leurs colonies, mettent des droits d'eotrée sur les sucres de betterave fabriqués en Europe: c'est la ruine de l'industrie sucriè,e sur le continent. Les capitalistes vivent donc sous la perpétuelle menace d'inconjurables désastres, et - ce qui met le comble à l'anarchie industrielle, - il arrive fréquemment que ceux d'entre eux qui ont<< le pluq d'estomac», s'effo, cent de rester maîtres du terrain et de se débarrasser de leurs concurrents, en vendant pour quelque temps leurs produits ou leurs services, au-déssous du prix de revient. Signalons, par exemple, les luttes homériques, l<'s guerres de tarifs, que se livrent les compagnies de cl1Pmins de fer, aux Etats-Unis. On dira peut-être que le public en profite : oui, iusq.u'au moment où les vainqueurs, débat rassés de B b1 "lteci'3 Gino 81d o

' toute concurrence, rachètent, et au delà, leurs pertes temporai(es, en faisant payer les frais de la guerre au public. Cependant, il arrive un moment, où les inconvénients de cet état de choses, de cette anarchie j,ermanenle, deviennent tels, que les capitalistes essaient d'y mettre fin par des ententes enb e les producteurs, afin de réglementer la production et de rendre moins âpre la concurrence. C'est alors que commence la troisième phase de l'évolution capitaliste : la constitution de grands monopoles, nationaux et internationam,. 3e STADE Les mono_poles capitalistes Le passage de l'anarchie au monopole, présente deux degrés successifs; l'un, de fusion incomplète, (cartels, rings, pools), l'autre de fusion complète, <les di verses entreprises d'une même branche de production. 1. - Les Cartels On peut, en allant des plus simples aux plus complexes, distinguer quatre espèces de cartels : les cartels de prix; les cartels de production; les ca1tels d'écoulement; les cartels de participation. Cartels de prix Le cartel;de prix constitue la forme la plus rudimentaire; c'est l'alliance, la convention, par laquelle un certain nombre d'industriels, ou tous les industriels q b· ntecc Gino 81d r 0

- II - cl 'une branche de production se mettent d'accord, pour acheter à un prix uniforme les matiè1es premièrC's, ou vendre, à un prix convenu, les produits fabriqués. C'est ainsi que lf.'s fab1icants de sucre belges, à l'exemple des hollandais, imposent aux cultivateurs un prix unique pour l'achat dC's betteraves. Rappelons égaiement qu'en cas de hausse des farines, les coopérative~ et les boulangeries capitalistes s'entendent f, équemmf'nt pour augmenter ·uniformément le prix du pain. On pourrait, d'ailleurs, multiplier les exemples à l'infini. Cartels de p, oducti?n Le cartel de production, qui se combine généralement avec le cartel de prix, est celui par lequel les industriels s'obligent à réduire leur production, dans une proportion déterminée. Des cartels de ce genre sont très fréquents clans l'industrie verrière et dans l'indust1ie sucrière. Cartels d'écoulement Le cartel d'écoulement, plus complexe que les précédents, ne consiste pas seulement clans la fixation des prix et la limitation de la production; il est caracté, isé, surtout, par la répartition du-débit et des commandes, d'après des rayons géographiques. On établit diverses sphères d'influence, propres à chaque industriel : celui-ci peut fai, e ce qu'il veut dans son district, mais il ne peut empiéter sur son \·oisin. L'un des exemples les plus caractérisques clece genre, de cartel est celui qui existe entre les sociétés d'électricité allemandes et américaines qui se sont partage, ell! quelque so, te, les pays sur lesquels s'étend leur influence. B b nteca c.-,ino 8,d

- 12 - · Cartels de participation Les cartels de participation, connus sous le nom de pools en Angleterre et aux Etats-Unis, laissent les entrepris('s distinctes, au point de \'lie de la production, mais possèdent un bu, eau central pour la vente et partagent les .bénéfices au prorata des capitaux de chaque participant. . L'exemple le plus remarquable en Europe de cette forme de cartel, est le fameux Syndicat charbonnier Rhénan-Westphalien, dont les agissements tyranniques oùt provoqué en Janvier 1905, la grève des mineurs du bassin de la Ruhr. 11. - Les Tr-usts Nous en arrivons ainsi au moment où les cartels drvenus de plus en plus complexes, aboutissent au trust, c'est à-di1e à la fusion des entreprises associées. On se rappelle l'impression énorme produite par l'augmentation brusque du p1ix du pétrole, provoquée il y a quelques années, par la constitution d'un vaste trust entre les fabricants Russes et Américains. Tout le monde connaît les trusts de toutes espèces, qui existent aux Etats-Unis. D'après Lloyd - JVealtk agai11stCo111mo11wealtlt, - il n'y a pas moins de cinq cent millions de dollars (deux milliards et demi) engagés dans le trust des charbons; deux cent millions de dollats dans celui du pétrole. Le trust des chemins de fer et des élévateurs du Nord-Ouest possède cent millions de dollars; il n'y a pas moins de cent millions de dollars dans celui du bétail et de la boucherie; crnt millions dans celui du gaz; cinquante millions dans celui des pianos; trente-cinq dans celui des whisky. · B b· :itec::Gi inoBia,co

- J3 - Citons encore, pour finir, le célèbre trust du suc1e, qui opère avec un capital de près de 2 milliards de francs; il monopolise, aujourd'hui, toute la fabrication, alors qu'en 1880, il y avait aux Etats-Unis 49 firmes, dispo• sant d'un capital de 27 1/2 millions de dollars. Le trust a acheté des chemins de fer et des fabriques de toutes espèces. Il est intéressé dans d'autres entreprises, telles que le trust de la farine des Etats de New-York et du Minnesota, le ti-ust des magasins de Brooklyn, des tramways, de Providence, de plusieu1 s compagnies de chemin de fer et d'un certain nombre de banques. Il assure ainsi sa situation économique, et développe, en même temps, à un tel degré son influence politique, que l'on a pu dire qu'il tenait le pays entier sous sa coupe. EN RÉSUMÉ, lorsque le capitalisme envahit une branche de la production, les travailleurs propriétaire:;, à la fois commerçants et industriels, disparaissent ou se transformi-nt en dépositaires, revendeurs, ouvriers en chambre. Le magasin remplace la boutique. La maclti110• facture succède à la ma11ufact11re, qui survit seulement àTétat de swealùi[; system; les sociétés par actions, indis• pensables pour réunir le capital exigé par la production sur une g1ande échelle, se substituent aux entreprises appartenant à des particuliers. On voit se former ensuite des coalitions, des syndicats, des cartels et, finalement, on aboutit au trmt, au monopole complet, à une orga• nisation unitaire et sociale de la production ou de l'échange, non pas dans l'intérêt de tous, mais dans l'intérêt de quelques uns. Telle est, du moins, la marche la plus fréquente, la plus typique de l'évolution industrielle ou commerciale. Certes nous ne prétendons pas que toutes les branches de la production doivent, nécessairement, passer par ces différents stades. Il en est qui brûlent les étapes; d'auttes qui ne semblent guère se prêter à la production mécanique, ou qui ne doi\·eiit pourvoir qu'à des besoins restreints; d'autres qui s'orientent ve1s le collectivisme, ~ais en 12assant P,ar la coo~ération; d'al,ltres, enfin, q,ui. 8 b ntec?Gino B1a 1co

ont été, ou qui seront absorbées par le domaine collectif, avant d'arriver au terme final de leur procès de concentration. Cependant, il n'en re3te pas moins vrai que l'appropriation collective s'impose, comme une nécessité d'autant plus impérieuse, que la production est plus socialisée, la domination impersonnelle du capital plus lourde, son action sur les salaires et les prix plus omnipotente. Chapitre11.- L'appropriaticoonllective 1. - La dîme capitaliste Si l'on fait abstraction des producteurs autonomes - que le développement du régime capitaliste tend à faire disparaître, les produits du travail social se diçisent en deux parts : 1° La rémunération de ceux qui travaillent, - intellectuellement ou manuellement, - depuis les ouvriers, jusqu'aux din·cteurs-gérants des entreprises et aux travailleurs qui ne participent pas directement à la production; 2• La plus value que se partagent les divers groupes de capitalistes, le prélèvement opéré sur le travail d'autrui pour ceux qui possèdent, en vertu de leur droit de propriété sur les moyens de production et d'échange. . Sans prétendre évaluer, même approximativement, cette dîme capitaliste qui ne se distingue pas toujours, avec netteté, des revenus du travail, il nous paraît utile B,b 'l!eca Gino B1a..,co-

de donner, d'après les statistiques officielles, quelques indications sur les revenus des principales catégories de propriétaires. ro Les rentiersde l'Etat, desprovinceset des comm1me:s Le se1'vice de la dette publique (1901), enb e dans les dépenses de l'Etat pour 132 millions de francs; il faut ajouter à ce chiffre, 1,69+,000 francs pour le service des dettes provinciales, (1901) et plus de dix millions pour les intérêts des dettes communales. Soit donc près de cent cinquante millions par an, prélevés par les porteurs de papiers publics sur le revenu national ! 2° Les propriétairesfonciers : Le revenu cadastral des propriétés bâties et non bâties s'élève pour 1895 à 382,280,00◊ de francs; mais tout le monde sait que le revenu réel dépasse considérablement le revenu cadastral et que par conséquent, le revenu des propriétaires fonciers en Belgique est bien supérieur à quatre cent millions. 30 Les acticmtaires: Quant aux dividendes, beaucoup plus variables naturellement, touchés par les actionnaires des sociétés corn merciales, le tableau suivant, dressé d'après les chiffres des deux dernières années fournis par !'Annuaire de statistique, (1899 et 1900) nous en donne une :dée Capital f, 1 nominal Béné ,ces Pertes Reste 1 Dividendes 1899 2,6g~,ooo·,ooo 23, ,818,000 11 ,9-10,000\ 1 ,. 9,878,000 1900 2,868,000,000 ~iO,ï16,ooo 15,28o,ooo 255, .4. 36,000 12 2 0/ o 1 1 2 °10

- 16 - En somme donc, pendant ces deux années les actionnaires des sociétés commerciales ont prélevé sur le produit du travail des ouvriers, contre-maîtres, employés, ingénieurs et directeurs plus deux cent millions ( r ). li est vrai que tous ne sont pas complètement étrangers à la production; que, d'autre part, tous les propriétaires fonciers ne sont pas des capitalistes, donnant en location leurs maisons ou leurs terres; que tous les gens qui possèdent des revenus, indépendants de leur travail, ne sont pas des oisifs ou des paresseux. '.\Tous en connaissons beaucoup. au contraire, qui travaillent opiniâtrement, soit pour accroître leur fortune, soit pour occuper leurs loisirs, soit pour rendre, à la communauté, des services que celle-ci ne rémunère pas directement. Mais qui donc oserait soutenir que ces travaux, ou ces services non rémunérés, équivaillent aux sept ou huit cent millions que la classe travailleuse paie, tous les ans, à la classe propriétaire? Sans compter ce que les contribuables paient à l'Etat, pour entretenir des sinécur istes de toute espèce, fournir des dotations à la famille royale, payer des ambassadeurs à 58,ooo fr., des traitemerits au clergé et quatre vingt millions au budget de la guen e. . Et, jusqu'à présent, nous n'avons parlé que de la part du capitalisme passif, de la Pltts-value extorquée aux travailleurs par cenx qui ne font rien pour cela, uniquement parce qu'ils sont propriétaires des moyens de p.roduction et d'échange. Que seraît-ce, si nous pouvions évaluer, ce qu'enlèvent aux travailleurs les spéculations, les coups de bourses, les rafles de la finance, les multiformes opérations qui sont de l'essence mème du régime capltaliste? Mais ici, malheureusement, les éléments d'évaluation font défaut. (,) Il convient de remarquer toutefois que les deux aunécs 1899et ~cr<' ont ~té partkulièrcment prospères. . ' · ·• · · B b1 ,:iteca Gino 81d 'CO

- 17 - 11. - Les deux espèces de sans travail On objecte que les énormes profits de certains capitalistes, ont pour contre partie les pertes éprouv<'espar leurs concurrents malheureux. Ainsi, par exemple, sur 2554 sociétés allemandes, dont M. Vanderborgt a relevé les bilans pe1ur 1891-92: 471 soldaient en perte, 888 ne donnaient pas de dividendes, 6+1 donnaient de o à 5 p. c. 734 de 5 à 10 ,, 140 deroà1S 64 de15à20 » 39 de 20 à 3o 18 de 3o à 40 " 21 au dessus de 40 °/o, et jusque 120°/o. Il n'en reste pas moins vrai que les capitalistes, comme classe, ne sont jamais en perte, à moins d'un véritable cataclysme industriel. Pendant la même année sociale 189, -92, les 2554 sociétés, sur lesquelles M. Vanderborgt a pu se procurer des renseignements ont - défalcation des pertes, réalisé un bénéfice net de 8.8 °/0 de leur capital nominal, et disttibué 6. r 0 / 0 de dividendes. D'autre part, il va sans dire que les risques encourus par les capitalistes, individuellement, menacent, au moins autant qu'eux, les ouvriers qu'ils emploient. La part du pauvre, en effet, si misérable qu'elle soit, ne lui est pas garantie. La ruine pour le patron, c'est presque toujours le chomage pour l'ouvrier. La machine nouvelle, qui augmente les bénéfices, ou la crise, qui les diminue, réduisent également le nombre des travailleurs employés. Il y a, par conséquent, dans la société actuelle deux espèces de sans travail : ceux qui ne ,·en lent pas t1availler, pa1ce qu'ils n'ont pas d'ouvrage. B b :itec:1Gino B,a 'CO

- 18 - Au point de vue m0ral, les sans travail malgré eux sont évidemment plus estimables que les sans travail volontaires. Au point de vue social, c'est exactement l'opposé: chapeau bas devant les chevaliers du farniente, qui jettent par les fenêtres l'argent péniblement gagné par leurs fermiers, leurs ouvriers ou leurs locataires; haro sur les pauvres bougres, à qui, dans un moment de crise, le fabricant refuse de la besogne : on les expulse de leur maison, parce qu'ils n'ont plus d'argent pour payer leur terme, et on les condamne ensuite, pour vagabonda6e, parce qu'ils n'ont plus de maison! De 1835 à 1900, la population s'est élevée de 3,927,000 à 6,693,548 habitants; la fortune des particuliers a presque quadruplé, si l'on en juge par les valeurs soumises aux droits de succession en ligne collatérale : 1840 . fr. 49,272,000 1900 . 188,041 ,ooo En feYanche, le nombre dPs •mirées, dans les dépôts de mendicité, a, pendant la même période, plus que décuplé : 1835 : 2,642 1840: 2,739 1850 : 4,508 1860: 3,431 1870 : 4,836 1880 : 8,984 1890 : 17,124 Depuis cette époque, la loi du 27 novembre 1891 pour la répression du vagabondage et de la mendicité, a modifié complètement le régime des maisons de correction. Elle distingue entre les vagabonds volontai, es, les nwn<liants ,de profession, qui peuvent être internés pour 7 ans à Merxplas, - et les mendiants involontaires, les sans travail, qui ne peuvent être

- 19 - emprisonnés que pendant un an,. dans ce que le législateur appelle, par un touchant euphémisme, la «maison de refuge » d' Hoogstraeten. Le nombre des entrées a diminué parce que la durée du séjour habituel a augmenté. Quant à la population moyenne des dépôts, qui avait plus que doublé de 1835 à 1890, elle est restée depuis lors à peu près stationnaire. 1890 1895 1900 Dépôts de mendicité, 4,644 4,529 4,542 Maison de refuge. 2,766 I ,761 Ains1 donc, pendant que les uns s'en vont en villégiature à Ostende ou à Spa, les autres font de la villégiature à [loogstraeten. Le Gouvernement enferme, tous les ans, dans ce délicieux « refuge ", · près de trois mille pauvres diables, dont le seul crime est de n'avoir, comme Jésus-Christ, pas même une pierre pour reposer la tête. En régime capitaliste, les riches ont le droit de ne pas travailler; les pauvres n'ont même pas le droit de travailler. 111. - Propriété viagère et propriété héréditaire On soutient, il est vrai, que la dime capitaliste est lé 6 itime : s'il y a des propriétaires qui ne travaillent pas actuellement, c'est, en I ègle générale, parce qu'ils ont travaillé, qu'ils ont acquis le droit àe ne rien faire, qu'ils ont gagné leur fortune, à force de labeur et d'intelligence. Il ne serait pas difficile de montrer que la plupart du temps, les sources des grosses fortunes sont bien loin d'avoir cette cristalline pureté; l'histoire de la propriété, tant foncière que capitaliste, nous apprend à connaître bien d'autres causes d'enrichissement : Bib otecaGinoB1a 'CO

- 20 - r• Dilapidation du domaine de l'Etat, expropriation frauduleuse ou brutale des co11111iit11a1tx et des propriétés paysannes; achat à vil prix des biens noirs; 2° Concessions des chemins de fer, de péages, etc., obtenues pour une c:roùte de pain, et, le plu, souvent, rachetées dans la suit<", bien au dPssus de leur valeur; 3° Usure, spéculations véreuses, coups de bourse, accaparements, coalitions illicites, etc. • 4° Accroissement automatique et spontané de la rente foncière, par suite du développement de la population et de l'industrie; So Appropriation, par les capitalistes, de la pl11,s-val11e produite par les travailleurs; exploitation éhontée du génie des inventeurs, obligés de vendre leur cerveau pour ne pas mourir de faim. On pourrait, indéfiniment, allonger cette liste. Je sais bien qu'il est d'autres causes, qu'il est des millions à la caisse d'éqargne, rassemblés, sou à sou, par d'opiniâtres travailleurs. Je sais bien que chacun de nous a son bon capitaliste, fils de ses œuvres. Je veux même - poussant jusqu'au bout, jusqu'A l'erreur évidente mes concessions hypothétiques - admettre que tous les détenteurs actuels des moyens de production les aient acquis par leur travail. Est-ce une raison suffisante pour que leurs enfants, et les enfants de leurs enfants, soient, à perpétuité -Héritiers, sans labeur,des champs fumés de morts, - qu'ils obtiennent, jusqu'à la fin des temps, le droit de faire travailler les autres, la faculté de ne pas travailler eux-mêmes? En admettant que la propriété viagère soit légitimée par le travail; la propriété héréditaire ne l'est évidemment pas. C'est pour ces motifs que le Parti ouvrier poursuit, en matière successorale, un ensemble de réformes, que l'on peut résumer c0mme suit : r0 Limitation de l'hérédité en ligne directe; 2° Suppression graduelle de l'hérédité ab iutesfaf, en

-21ligne collatérale; maintien. du droit de tester, dans les limites fixées par la loi; 3° Etablissement d'un impôt progressjf, absorbant une notable fraction des successions te.tamentaires; impôt équivalent sur les donations entre vifs. Dans ces conditions, lïndemnité viagère que l'on ·paierait aux capitalistes vivants, pourrait être prélevée en majeure partie sur la succession d~ capitalistes mo1ts(r). Il appartient aux clasfes actuellement dirigeantes d'effectuer ainsi, normalement, graduellement, pacifiquement, les inéluctables transformations que réclame l'intérêt du plus grand nombre. Elles ne devraient s'en prendre qu'à elles-mêmes, si, par d'aveugles résistances, elles contraignaient le prolétariat à employer contre la bourgeoisie. les moyens que les bourgeois de la fin du XVIII• siécle ont employés contre le clergé et l'aristocratie. Chapitr1e11. Lesprogrèdsucollectivisme Quoiqu'il en soit, s'il n'est pas possible de prévoir comment s'effectueront, dans l'avenir, les progrès du ( 1) D'après l'Annuaire des statistiques. ( 1903)le&valeurs successo• rales qui ont servi de base aux èroits de !-nccession, en 1901, se sont élevées à: Droits de succession en ligne collatérale • . » " entre époux sans enfants. Droit de mutation en ligne ,lirecte . . . » entre époux avec enfants Droit de mutation par suite dt décès : 1• à l'étranger, en ligne directe . 2• à l'étranger, en ligne collatérale Relew 8énéral. B1b.,,teca Gino B1a,co fr. " » » 187,041,000 15,044,000 ,go,429,000 9,112,000 )) 16, 150,000 )> 2,848,000 fr. 42, ,634,000

- 22 - collectivisme, il ne peut être douteux que ces progrès s'effectueront. Dès à présent, en effet, le nombre des industries que l'on incorpore au domaine public,devient chaque année plus considérable. En Angleterre - le pays d'élection du socialisme municipal - la plupart des grandes villes exploitent elles-mêmes leurs tramways, leurs usines à gaz, leur service des eaux. On étudie, en ce moment, à Glasgow, le moyen de substituer aux laiteries une distributionde lait municipale, après analyse et stérilisation préalables. En Belgique, le département de l'agriculture travaille énergiquement à la socialisation de l'industrie laitière; M. Vanden Peereboom rachète les téléphones, complète le réseau de ses chemins de fer et - tout en manifestant une horreur profonde pour le collectivisme - proclame résolument les avantages de l'exploitation par l'Etat, au triple point de vue du public, du personnel et du trésor qui encaisse les bénéfices réalisés, au lieu de les abandonner à quelques capitalistes(1). En Suisse, après avoir exproprié les distillateurs, le peuple vient de ratifier la colossale opération du rachat des chemins de fer et, selon toutes probabilités, se prononcera dans un avenir prochain en faveur de la création d'une banque d'Etat. Expériences d'autant plus intéressante que, dans cette oasis de la démocratie, l'organisatio;: des services publics se rapproche sensiblement de l'idéal que nous poursuivons en cette matière: la séparationde l'Etat-état, et de l'Etat-i11d11striel. En effet, l'administration des chemins de fer Suisse conservera, vis-à-vis du pouvoir central, une pleine et entière autonomie. Les membres d~Conseil directeur seront désignés, en partie par le Conseil fédéral, en partie par l'assemblée fédérale et par les divers cantons. (1) Il n'en est malheureusent pas de même de M. Liebaert, qui conspire contre sa propre administration, comme M. de Trooz conspire contre son propre enseignement. El b· -:>teca GinoB1a ,co

Leurs fonctions seront incompatibles avec des fonctions politiques ou gouvernementales. Le gouveJ11eme1d1et s hommes et l'ad111inistmtio1d1es choses resteront donc 1 igou• reusement séparés. _ C'est déjà ce qui existe et a pi~oduit d'excellents résultats dans la plupart des colonies Anglaises de l'Australie, pour les chemins d~ fer, aux Etals·Unis, pour les départements du Travail et de !'Instruction publique, en Angleterre, sur le terrain municipal pour les Schoolboards, les Conseils d'hygiènè, etc. Cette différenciation fonctionnelle ne fera que s'accentuer dans l'avenir. Les fonctions autoritaires de l'Etat• gouvernement iront en décroissant; celles de l'Etatadministration, ou, mieux, de la collectivité dirigeant elle même, la production et la .répartition des produits, iront en augmentant. Le Collectivismf. démocratique ne présente donc pas - au point de vue de la liberté et de l'initiative indivi• duelle - les inconvénients que lui reprochent ceux qui le confondent avec le capitatis11ted'Etat, autoritaire, bureaucratique et centralisé. Résuméet Cooclusion En régime capitaliste, la production prend, de plus en plus, un caractère social; pour échapper aux multi• pies inconvénients d'une concurrence anarchique, les grands industriels - une fois débarrassés de leurs concurrents les plus faibles et les plus mal outillés - tendent à se rapprocher, à conclure des ententes; à former des coalition5, des syndicats, des trusts, bref, à réglementer, centraliser, fusionner la production dans chaque sphère d'industrie. B,b oteca Gino Bia~co

A ce degré de socialisation, les rois de l'acier, du charbon, de l'alcool, du sucre, du coton ou de la laine, sont investis d'un véritable monopole. Les entreprises doivent être dirigées et- administrées bureaucratiquement, comme le sont aujourd'hui les entreprises d'Etat. Il faut noter tependant cette différence à l'actif de l'industrie privée, qt1'elle comprend généraleroent, mieux que l'Etat actuel, la nécessité de reconnaître à ses fonctionnaires plus d'initiative et de responsabilité. C'est pourquoi nous pensons que dans l'avenir, l'organisation industrielle subira une double série de transformations : séparées de l'Etat-gouvernement, gendarme et veilleur de nuit, les industries incorporées au domaine public acquerront· l'autonomie, la liberté d'action qui leur manquent aujourd'hui; d'autre part, le nombre des branches d'industries qui soi liront du ~ domaine privé pour entrer dans le domaine collectif, t ira toujours grandissant. Aux industries socialisées, comme aboutissement de la concentration capitaliste, viendront se joindre les monopoles naturels, comme la terre et les mines, où les industries de formation récente, non encore concentrées mais dont l'exploitation collective présentera d'incontestables avantages; et c'est ainsi que, plus ou moins rapidement, plus ou moins brusquement, le collectivisme deviendra la règle, l'individualisme l'exception. E. VANDERVELDE

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