Entretiens politiques et litteraires - anno II - n. 20 - novembre 1891

-161L'erreur des protestataires vient de ce que l'on n'a malheureusement parlé de la Révolution, jusqu'à présent, qu'en idéologue ou bien en sectaire. Lequel en t1·aitera d'une équitable façon? c'est à-dire, en mettant d'un côté les généreuses aspirations et la tendre métaphysique des philosophes et des pamphlétaires, leur amour vivace de la justice et du bien, et de l'autre, les actes de ces hommes très pratiques qui guidèrent tout le mouvement social et le canalisèrent, de ceux-là dont l'esprit étroit et cupide anime encore aujourd'hui le moindre de nos conseillers municipaux. Les discours des sociologues, les révoltes du peuple, les élans vers les frontières menacées, la gloire et les triomphes des armées issues du ventre même de la patrie, les massacres de septembre et l'apothéose de la guillotine, l'exaltation de l'Etre Suprême et les persécutions contre la foi chrétienne, les cris fougueux des conventionnels et l'élaboration des lois constitutionnelles, tous ces évènements n'ont en réalité que peu d'importance. Leur éclat tragique, féroce, ou seulement touchant, a fasciné les historiens, qui se sont complus à la nomenclature, ou bien à larestitution et à l'évocation de ces incidents, et ont négligé le vérit_ableet l'unique fait. L'homme a toujours le souci de l'anecdote-et du conte : le verre de sang de Mlle de Sombreuil, le martyre du Dauphin par le cordonnier Simon, la vaillance de·Charlotte Corday, la dernière terreur de Robespierre, cela constitue pour beaucoup de nos contemporains, toute la science des choses révolutionn~reK. · · , Le philosophe, un peu détaché des accidents transitoires, verra cependant mieux, s'il laisse de côté ce décor à la fois sanglant et grandiose, qui ne servit qu'à masquer l'œuvre véritable de 89, c'est-à-dire : la substitution d'une classe à une autre, la domination de labourgeoisie remplaçant la tyrannie de la nobless~, et le peuple instrument dupé et sa·crifié: Du .reste, le mot qui dévoile l'obscur mobile des dirio-eants,ne fut-il pas donné par l'un d'entre eux? Au début des agitations libertaires, Sieyès ne cria-t-il pas: Que doit être le Tiers-Etat?-et il répondait catégoriquement: Tout. Dans ce dialogue, qui parle de la foule des souffrants et Biblioteca Gino Bianco

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