Entretiens politiques et litteraires - anno I - n. 8 - 1 novembre 1890

- 2'16 - hiérarchies artificielles. Pendant deux mille ans !"homme a condamné la matière et immolé l'art et la beauté sur les autels de la morale. ~fais la beauté est aussi divine que la vertu, et ù ceux qui trou vent rnau vais que Vénus soit moins chaste que la vierge i\Iarie, on pourrait objecter que le Christ est moins beau qu'.-\.pollon et Bacchus; autant vaudrait se plaindre que la gravitation ne soit pas assez morale. Aujourd"hui que le règne du Saint-Esp1·it comn1e11cec, ·est la science qui veut astreindre l'art et la morale .:tses lois, comme si ce n'était pas l.:t trois mondes distincts. :\Ioraliser la beauté ou la vérité, soumettre l'art et la morale au raisonnement et juger un théorème par le sentiment esthétique ou par la conscience, ce sont trois tentatives de la même force, et qui rappellent la condamnation de Galilée. Nous avons passé au creuset toutes les fleurs du voile d'Isis, nous avons voulu épeler les oracles obscurs de ses sphinx, mais nons ne pouvons définir ni la matière, ni l'esprit, ni la substance, ni la cause, ni le temps, ni l'espace.La science, comme lafoi,élaboredes conceptions subjectiYes, sans jamais pénétrer l'essenr.e des choses. t-;a sphère est le présent, die se tait sur les origines des mondes, de la vie organisée, de l'homme et des langues humaines. Si les mythes des races cli\·ines et des amours .des anges sont d'obscurs hiéroglyphes, la génération spontanée et la transmutation des espèces sont de Yagues hypothèses, et, mystères pour m,ystères, tes grandes traditions de l'humanité valent bien tes opinions éclosesclans tetoutel cerveau inclividuet. D'ailleurs les théories scientifiques sont encore plus mobiles que les dogmes religieux; les lois de la chimie varient tous les dix ans comme les classifications de !"histoire naturelle. La nature anarchique et multiforme se rit de nos systèmes, lits de Procuste de la Yérilé. En elle le centre est partout, et tout s'enchaine sans hiérarchie. La science débute par un acte de foi, puisqu'elle ac- -cepte les axiomes de la raison, comme la morale accepte les lois innées de la conscience, comme l'art accepte ces notions primitirns de beauté qui n·ont jamais été définies par une langue humaine. Ces conceptions originelles, ces idées que chacun comprend et que nul n'explique, ces BibliotecaGino Bianco

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