B. SOUVARINE en Russie (dès 1899) et que confirmaient les économistes compétents, tant bourgeois que communistes, mis par nous maintes fois à contribution 1 • Le régime soviétique a sensiblement retardé la croissance naturelle de l'industrie et n'a plus ou moins mal réalisé ses plans quinquennaux qu'avec l'aide des pays qu'il dénonce comme « impérialistes », principalement l'aide américaine. Encore à présent, cinquante ans après Octobre, il ne peut améliorer son industrie automobile retardataire qu'avec le concours des usines Fiat et Renault, cependant que Fiat se tourne vers les EtatsUnis pour se procurer le gros outillage nécessaire. Pendant près d'un demi-siècle, les communistes ont mené grand tapage en tonitruant leur ambition de « rattraper et dépasser l'Amérique ». Depuis quelque temps, ils ont fini pëir se taire piteusement sur ce chapitre, quitte à orchestrer grand tintamarre sur leur astronautique. N I L'INSURRECTION n'ÜCTOBRE ni la révolution contre nature qui a suivi ne se proposaient la « .conquête de l'espace », ne traçaient la perspective de planter un drapeau sur la lune. Certes elles ont promis la lune aux prolétaires, mais il s'agissait de choses très terre à terre, non pas de Séléné, sœur d'Hélios. La Russie d'autrefois a eu, de pair avec d'autres pays, ses inventeurs avisés, ses ponniers de l'exploration sidérale qui ne devaient rien au bolchévisme. La Russie d'aujourd'hui, exploitant comme les Etats-Unis le progrès de la science allemande des fusées, concentrant ses élites techniciennes et des moyens matériels énormes dans un secteur privilégié au détriment du niveau de vie populaire, peut s'assurer une grande avance en matière de roquettes et de satellites artificiels (que les perroquets de la presse servile appellent spoutniks), cela n'a rien à voir avec le 1. Cf. B. Souvarine : Staline, p. 496, Paris 1935. (N. Vo]ski) : Staline et la légende de la place vide, « B.E.I.P.I. », n° 88, Paris, mai 1953. (B. Souvarine) : L'U.R.S.S. sans visa, p. 17, « B.E.I.P.I. », n° 109, Paris, mai 1954. Citations de Lénine, Trotski, Boubnov (Grande Encyclopédie soviétique, t. XI, Moscou 1930), Pokrovski, etc. Edmond Théry : La T rans/ormation économique de la Russie, Paris 1914. L. Martov : Le Développement de la grande industrie et le mouvement ouvrier en Russie, PétrogradMoscou 1923. S.N. Prokopovicz Histoire économique de /'U.R.S.S., Paris 19,2, AlexandreMichelson : L'Essor économique de la Russie avant la 1uerre dP. 1914, Paris 196,. Biblioteca Gino Bianco 333 marxisme et le léninisme. Les Américains font aussi bien sans priver leur population de5 denrées de consommation courante, alors que les bénéficiaires du socialisme à la soviétique assaillent les touristes pour leur acheter n'importe quoi, vêtements usagés, menus objets de conso.mmation courante. La Russie n'avait pas attendu Staline, Iagoda, Iéjov et Béria, ni même Khrouchtchev ou Brejnev, pour engendrer de grands savants et des artistes admirables. Sur ce chapitre, nous n'avons qu'à résumer ce qu'exposait notre article Autour du satellite en 1957, quand la tourbe journalistique occidentale chantait le los du stalinisme sous le prétexte du premier succès russe dans la stratosphère (ne pas confondre « n1Sse » et « soviétique » ), et alors que le général Franco offrait l'autocratie communiste en exemple au monde (qui se passe volontiers de ses conseils). Lomonossov, au XVIIIe siècle, fut vraiment un Russe de génie, et le 1narquis de Lur-Saluces a eu raison d'intituler « le prodigieux moujik » un livre qui lui est consacré. Tous les chimistes sérieux connaissent les tables de Mendéléiev et aucun mathématicien qui se respecte n'ignore Lobatchevski. L'institut Pasteur, à Paris, eut pour sous-directeur Metchnikov, choisi par Pasteur lui-même. Mais peu de Parisiens savent que l'éclairage électrique des rues, inauguré dans leur avenue de l'Opéra, était dû à l'ingénieur Iablotchkov, inventeur de la bougie pour lampes à arc ; ce fut à l'époque un événement notable que nul ne tint pour « tsariste », mais dont l'équivalent aujourd'hui serait qualifié de « soviétique » par la bourgeoisie décadente mise « en condition ». Rien ne doit étonner de la part des gens qui prenaient déjà Ivan Pavlov, savant russe authentique, soviétophobe déclaré, pour un « soviétique » et même pour un disciple de Staline. Tourguéniev exagérait donc quand il écrivait, dans Fumée : « Le samovar, les chaussures d'écorce, le knout - nos plus importants produits - n'ont même pas été inventés par nous ... » Mais c'était dans les années 60 du XIXe siècle, et ce n'est pas une raison pour exagérer démesurément de nos jours en sen, inverse, ni surtout pour étiqueter « soviétique » la musique de Moussorgski, la prose de Tolstoï, enfin les instruments russes actuels de la balistique et de l'astronautique. Quand Serge Diaghilev et Léon Bakst ont révolutionné la chorégraphie et la décoration théâtrale, à Paris, personne n'a eu l'idée de glorifier le tsarisme en lui attribuant les fameux ballets russes. Actuellement le « Tout-Paris »
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