QUELQUES LIVRES Dans l'édition actuelle, le texte n'est nullement déformé, mais il est tellement résumé que l'élè\te risque l'erreur de perspective : « La chute du tsarisme - Nicolas II abdique le 15 mars 1917 » [pourquoi? parce qu'il est trop vieux, ou las du pouvoir? pour comprendre, l'élève doit avoir présente à l'esprit une autre phrase du livre : « En mars 1917, éclate une révolution, dirigée par les libéraux patriotes. » Mais celle-ci est placée 15 pages plus haut ... ]. L' « étape » suivante de l'installation du bolchévisme - car l'histoire est vue ici comme déjà faite, par l'autre bout - est celle du Gouvernement provisoire : 7 lignes seulement, au lieu de 32 dans l'édition précédente. La prise du pouvoir_ elle-même se contracte de 17 à 4 lignes ; la suppression de la Constituante subsiste, mais l'échec électoral des bolchéviks a disparu, comme l'ironie ( « un détail » ). D'un récit complexe comme la vie elle-mêmf", on est passé à un schéma, et le lecteur pressé peut croire que la marche du bolchévisme étal t inévitable - .alors qu'elle ne l'est devenue que grâce aux méthodes employées par Lénine dans un monde qui se croyait délivré de la violence. MICHEL MAILLARD. Traduttore, traditore SvETLANA ALLILUYEVA : Vingt lettres à un ami. Traduit du russe par Jean-Jacques et Nadine Marie. Paris 1967, Ed. du Seuil, 253 pp. Dvadtsat pisem k drougou. New York and Evanston 1967, Harper and Row, Publishers, 216 pp. IL VA DE SOI qu'un livre de la fille de Staline, impubliable et interdit en Russie soviétique ainsi que dans tous les pays sous domination communiste, même en Yougoslavie qui se pique d'indépendance vis-à-vis de Moscou et que notre presse qualifie de « libérale », - un livre de la fille de Staline, disons-nous, mérite analyse et commentaire à la mesure de son importance historique et politique, de son intérêt sur le plan moral et psychologique. Quelqu'un d'autre, dans la présente revue, s'acquittera de cette tâche. Il ne sera question, dans les brèves observations qui suivent, que de la traduction française en tant que telle. Trop d'éditeurs et trop de traducteurs traitent trop de lecteurs avec trop de laisser aller. Notre compte rendu du Vertige, d'Evguénia Guinzbourg,dans le dernier numéro du Contrat Biblioteca Gino Bianco 383 social, a déjà fait remarquer les libertés que prennent des traducteurs avec un texte russe digne d'un meilleur sort. La traduction du livre de Svetlana Allilouieva (nous rectifions la transcription du nom, en signalant une fois pour toutes que l'orthographe de notre Ecole des langues orientales devrait faire loi en France), cette traduction ne vaut pas mieux que la précédente de même origine, au contraire. Les erreurs et les omissions, les contresens et les impropriétés de termes abondent au point que, seul, l'embarras du choix gêne le commentateur. On se bornera donc ici à quelques exemples, pris çà et là au cours d'une lecture rapide, et en ne prenant que ceux qui n'exigent pas de citations trop longues. Le premier chiffre indique la page de l'édition en russe, le second celle de la traduction française. 3/15 : a tchto ob etom doumaïech tieper, traduit par « ce que tu en penses aujourd'hui ». Contresens. Cela signifie : ce que j'en pense maintenant. 3 /15 : Nié doumaï, radi Boga, « ne pense pas, Dieu soit loué ». Inexact : radi Boga = de grâce, ou : pour l'amour de Dieu, au sens courant de : je t'en prie. 6/20 : oudar, « congestion ». Il s'agit en réalité d'une congestion cérébrale, ou d'une attaque, ou d'une embolie. 6/20 : nié govorila s vratchamy, non pas « discuté avec les médecins », mais tout simplement : parlé aux médecins. 9/23 : kotoromou ia obiazana nié odnim lich zlom, no i dobrom, « et qui loin de m'avoir jamais fait le moindre mal ». Erreur. Il faut lire : à qui je ne suis pas seulement redevable du mal, mais aussi du bien. 37/52 : « société Lenegro ». Quel lecteur peut deviner que c'est un sigle qui signifie : Société municipale d'électricité de Léningrad ? 39/55 : ona predstavliala soboiou strannouiou smès natsionalnosteï, « un curieux mélange de nationalités ». Cela s'applique à la grand-mère de Svetlana, non pas à « son père » comme dit la traduction. 40/ 56 : troudolioubivaïa Nièmka, « une Allemande acharnée au travail ». Pourquoi éviter le mot juste, tout simplement : laborieuse ? 150/ 174 : one genilsia na otchen khorochenkoï genchtchina, ostavlennoï iéio mou;em, « qui venait d'abandonner son mari ». Contresens énorme. Svetlana a écrit : que son mari avait abandonnée. 152/176 : Stanou ia c nimy torgovatsia ! Niet, na voïniè kak na voïniè, « Je vais marchander
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