Le Contrat Social - anno XI - n. 6 - nov.-dic. 1967

376 .doute, qui joue le rôle-clef : le Front national de libération du Vietnam du Sud (ou Vietcong). Ce qu'est le F.N.L., ce qu'il veut, comment il entend atteindre ses objectifs - voilà ce qu'il s'agit d'expliquer et de comprendre. Et d'abord, nous dit M. Pike, il importe de ne jamais perdre de vue que le F.N.L. d'aujourd'hui diffère grandement de ce qu'il était en 1960 quant à sa composition, sa direction, son importance numérique et ses objectifs. Conçu il y a quelque huit ans dans le Nord (la mise au point soigneuse de son programme et de sa structure révèle la main habile d'Hô Chi Minh), le F.N.L. « naquit tout d'une pièce et surgit de la jungle tel un rouleau compresseur organisationnel, formé et organisé à l'échelle nationale, abondamment encadré et pourvu de fonds considérables ». Son but : la destruction du gouvernement du Sud-Vietnam. Dans cette première phase, il parvint rapidement à recruter des partisans dans le Sud - pour toutes sortes de raisons et non pas nécessairement à la suite des mesures de répression prises par Ngo Dinh Diem (à l'époque, les campagnes étaient plus ou moins à la merci de ce11x qui voulaient s'en emparer). Mais d'emblée le programme du F.N.L. était d'une portée, d'une habileté, d'une précision et d'un raffinement tels qu'il pouvait difficilement prétendre n'être rien d'autre que l'expression des aspirations des paysans du Sud. Selon M. Pike, qui a consacré de longues années (au Vietnam et ailleurs) à l'étude du Vietcong et a amassé une quantité extraordinaire de matériaux, c'est vers le milieu de 1959 que les communistes vietnamiens décidèrent de créer l'organisation du Sud. Ils commencèrent par rassembler et former les cadres nécessaires, préparatifs qui durèrent jusqu'en décembre 1960, date du lancement· du F.N.L. L'auteur reconnaît· qu'il existait dans le Sud des conditions favorables à une action insurrectionnelle, toutefois avec cette réserve que la situation n'y était « peut-être pas révolutionnaire au sens traditionnel du mot». Composée de nombreux cadres du Viet-minh et d'un nombre encore plus élevé de Sud-Vietnamiens, à l'origine regroupés dans le Nord (on estime à quelque 40.000 le nombre de Sud-Vietnamiens formés dans le Nord qui se sont infiltrés dans le Sud entre 1959 et 1964), le nouveau Front était essentiellement inspiré par les militants du Nord ; son objectif déclaré était la réunification du pays, solution proclamée conforme au droit et à la justice. Au nombre des premiers partisans du F.N.L. dans le Sud on comptait des éléments paramilitaires appartenant aux communautés caodaïste et hoa-hao, très hostiles à BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Diem, lesquels, aux côtés d'un petit groupe de . révolutionnaires également sudistes, déclenchèrent précipitamment la lutte sans respecter les ordres d'Hanoï. Ce ne sont pas les seules raisons de penser qu'après avoir tracé le programme, Hanoï en laissa tout d'abord l'exécution aux Sud-Vietnamiens. De l'avis de M. Pike, l'évolution du F.N.L. a suivi dans une grande mesure celle de la guerre elle-même, qu'il divise en deux grandes phases, dont la première s'étend de 1960 à la fin de 1964 ou au début de 1965 ; c'est d'ailleurs surtout de celle-ci que traite son ouvrage. Au cours de cette phase initiale, la mise en œuvre de méthodes d'organisation et de propagande d'une efficacité remarquable permit au F.N.L. d'attirer à lui, peu à peu, les paysans et les communautés rurales. Le recrutement reposait essentiellement sur des techniques éprouvées de « prise en main » à tous les niveaux; pour se gagner les hommes, on misait le plus souvent sur l'opportunisme et l'intérêt personnel. La méthode variait selon le degré d'autorité et de contrôle exercé sur la région. Par exemple, tel jeune homme qui servait la cause dans une région contestée en y distribuant des tracts se voyait bientôt poussé à prendre part à d'autres activités, puis on le persuadait que sa sûreté personnelle aussi bien que la solidarité révolutionnaire exigeaient qu'il quitte au plus tôt son foyer pour faire la guérilla dans une unité combattante. C'est ainsi que les choses se passèrent pour bon nombre de gens qui, après avoir adhéré au Front pour diverses raisons - pas toutes d'ordre idéologique - se trouvèrent assez vite inextricablement engagés. Pourtant, à mesure que la lutte se prolongeait et que se renforçait la résistance des forces du gouvernement de Saigon, largement appuyées par les Etats-Unis, l'élan du F.N.L. se ralentît. Le recrutement se faisait de plus en plus par .coercition, et non plus par persuasion. Dès 1963 se faisaient jour, dans la structure de l'organisation, des fissures importantes qui risquaient de s'élargir à la faveur du foisonnement d'autres groupes d'opposition, décidés à mettre fin au monopole des activités anti-Diem exercé par le F.N.L. Il apparut bientôt que le Nord allait devoir imposer pius fortement ,son autorité. * * * Depuis 1960, c'est-à-dire dès le début de la première phase, le F.N.L. s'en est tenu à un plan d'ensemble appliqué avec souplesse en

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