366 .près l'auteur du Capital, je ne remarquai rien qui rappelât, même de loin, cette attitude d'ancien s'adressant à des jeunes qui me frappa lors des quelques rencontres que j'eus avec Tchitchérine et avec Léon Tolstoï. Marx était plus européen, et bien que, peut-être, il n'eût pas très haute opinion de ses « amis à titre purement scientifique » (scientific friends) et leur préférât ses compagnons de lutte du prolétariat, il était néanmoins assez courtois p~ur ne jamais laisser paraître, dans son comportement, ses préférences personnelles. A vingtcinq ans de distance, je garde toujours de lui un souvenir reconnaissant, le souvenir d'un maître que j'ai aimé et dont la fréquentation a déterminé dans une certaine mesure l'orientation de mon activité scientifique. A cette impression s'en ajoute une autre, celle d'avoir eu le bonheur de fréquenter, en sa personne, un de ces guides intellectuels et moraux de l'humanité que l'on peut à bon droit considérer comme de vrais grands hommes, parce qu'en leur temps ils ont été l'expression la plus haute des tendances progressives de la vie sociale. l' .. SPENCERET MARX peuvent être regardés jusqu:à un certain point comme aux antipodes l'un de l'autre. L'un prena~t la défense de l'individu, l'autre élevait la voix pour défendre les droits des masses laborieuses. Tous deux étaient les porte-parole les plus conséquents et les plus accusés de deux courants Biblioteca Gino Bianco . VARIÉTÉS de pensée dont l'harmonieuse confluence est seule capable, à mes yeux, d'assurer le développement heureux de l'humanité. L'individu ne doit pas être sacrifié à l'Etat ni même à une association internationale, et il ne doit pas non plus s'effacer devant la famille, le clan; Il caste ou la classe. Mais en même temps, son activité doit être coordonnée avec celle des autres individus, ses égaux ; et leurs efforts conjugués devraient .tendre à assurer le bien de tous. Ni de Marx ni de Spencer on ne saurait dire qu'ils aient été indifférents envers cette fin dernière, mais chacun d'eux croyait la servir à sa façon : l'un en insistant, peutêtre un peu à l'excès, sur l'autonomie de l'individu, l'autre en poussant la solidarité sociale jusqu'à un degré où l'individu n'est plus que l'instrument inconscient du processus de la production s'accomplissant avec une force en quelque sorte spontanée. Tous deux voyaient la vérité, mais peut-être pas tout entière. Tous deux ont fait ce qui dépendait d'eux pour transmettre leur savoir à leurs contemporains. Et celui qui a vécu pour les hommes les meilleurs de son temps a vécu, selon la parole de Gœthe, pour tous les temps. Spencer et Marx, de .leur vivant si fortement divergents l'un de l'autre, ont fait l'objet. après leur mort, pour les raisons que nous avons données, d'un culte collectif de la part de l'humanité progressiste qui leur doit beaucoup dans sa marche en avant. MAXIME Kov ALEVSKI. {Traduit du russe) . , , ..
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==