Le Contrat Social - anno XI - n. 6 - nov.-dic. 1967

358 des rapports sociaux réels, elle considère comme moteur de la révolution la seule volonté des révolutionnaires. Le conflit se termina par l'exclusion de Marx, d'Engels et de leurs partisans. Ces longues disputes et cette scission dans l' émigration allemande de Londres avaient importuné Marx au point qu'il décida de se séparer des partisans d'une révolution artificiellement baptisée sociale, et qu'il consacra, pour de longues années, l'essentiel de son activité à des travaux scientifiques. Il ne refusait pas, cependant, de donner de temps à autre, avec tout le poids de son autorité en la matière, son opinion sur l'actualité politique, dans la mesure où elle concernait le sort des travailleurs. C'est à cette fin qu'il entretint une correspondance avec des hommes comme Lassalle, que les événements poussaient peu à peu au premier plan. Fixé à Londres, Marx dut, pour assurer son existence matérielle, collaborer à des journaux américains. En décembre, sa femme écrivait à des amis : « Dans la journée, Karl travaille pour le pain quotidien en envoyant des correspondances à la Tribune de New York. Mais la nuit, il se penche sur ses livres pour achever son Economie politique » - c'est-à-dire pour préparer le premier tome du Capital. MmeMarx exprimait l'espoir qu'il se trouverait bien un éditeur pour ce livre. Cinq ans plus tôt, Marx ne partageait pas cet espoir. En 1852, on peut lire dans l'une de ses lettres : .1 . - : j;i . . En Allemagne, aujourd'hui, aucun éditeur ne se résoudra à imprimer ce que j'ai écrit. Il ne me reste que l'édition à compte d'auteur, ce qui, dans les circonstances où je me trouve actuellement, m'est impossible. Bien qu'en 1857 non plus il ne parût pas convaincu de la possibilité de trouver un éditeur, Marx n'en consacrait pas moins une grande partie de son temps, au British Museum, à la fois à des travaux préparatoires et à la· rédaction du premier tome, car il avait la certitude que l'élaboration de ce qu'il appelait le « socialisme scientifique » serait le plus grand service qu'il pût rendre au parti ouvrier. On lit par exemple dans l'une de ses lettres à Kugelmann : Les tentatives scientifiques de révolutionner la science ne seront jamais populaires. Mais dès l'instant où les bases scientifiques sont établies, leur vulgarisation est chose facile. Marx aurait souhaité se consacrer tout entier au travail scientifique, mais les circonstances le contraignirent provisoirement sinon à l'interrompre, du moins à le compléter par Biblioteca Gino Bianco VARIÉTÉS une ·propagande active en faveur de l'Internationale. ·Pour l'ouverture, à Londres, de ·la deuxième Exposition universelle (1862), !'Empereur des Français· avait envoyé en Angleterre, en même temps que les exposants, une délégation d'ouvriers. Elle reçut un accueil chaleureux aussi bien des travailleurs anglais que des Allemands et des Polonais. Lorsque, deux ans plus tard, une nouvelle délégation ouvrière française vint à Londres, le chef de celle-ci, Tolain, en réponse aux paroles de bienvenue des Anglais, déclara, lors d'une réunion tenue le 27 septembre 1864, que le capitalisme était un fléau international et que par conséquent, pour lutter contre lui, il fallait une organisation internationale des travailleurs. Le lendemain 28 septembre, l'assemblée adopta la résolution suivante : « Après avoir entendu la réponse de nos frères français à l'adresse que nous leur avions présentée, nous les saluons de nouveau, et, puisque leur programme doit favoriser l'union des travailleurs, nous l'adoptons commè base d'une association internationale. » Un comité fut élu à cette réunion, qui fut chargé de ré~ger les statuts de la nouvelle association. Marx figurait parmi les membres de ce comité. A l'une de ses réunions, celui-ci adopta un projet de manifeste et des statuts provisoires rédigés par Marx. Il y était proclamé que l'émancipation des travailleurs devait être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes, que l'échec de tous leurs mouvements était dû à un manque d'esprit de solidarité et d'unité fraternelle, que la libération du travail n'était pas une question locale ou nationale, mais un problème international, qu'il fallait établir un lien étroit et direct entre les aspirations, jusqu'alors isolées, des travailleurs des différents· pays, et que c'est à tout cela que répondait la création d'une association internationale des travailleurs. L'adresse aux travailleurs de tous les pays - la General Address - avait été rédigée par Marx dans un style beaucoup plus retenu que celui du Mani- ! este communiste, mais elle mettait très nettement en relief l'idée que la tâche essentielle était la çonquête du pouvoir politique. Le soutien par l'Etat des coopératives ouvrières était inconcevable tant que_Je pouvoir serait entièrement enire les mains des industriels et des propriétaires. fonciers. Marx se déclarait ouvertement partisan de . l'intervention de l'Etat dans les rapports entre le capital et le travail, et il saluait le bill de la journée de dix heures comme une victoire non seulement pratique, mais de principe : « Pour la première fois~

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