M. KO VALEVSKI E XPULSÉ DE PARIS par le ministère Gui- . zot, Marx, après avoir vécu quelque temps à Bruxelles, rentra en Allemagne au lendemain des événements de mars 1848. Pendant près d'un an, il dirigea la Nouvelle Gazette rhénane ; il fut deux fois poursuivi en justice, mais acquitté. Finalement il se vit obligé de quitter l'Allemagne. Après avoir essayé, sans succès, de s'installer à Paris, Marx choisit Londres pour résidence définitive. Ainsi, désormais, sa vie allait-elle s'écouler parallèlement à celle de Spencer. Mais quelle différence dans les voies suivies, vers les sommets de la gloire, par ces deux maîtres à penser de la seconde moitié du siècle... La renommée littéraire de Spencer avait pour origine son traité de statique sociale, dans lequel il abandonnait les principes de l'individualisme · et de la non-ingérence de l'Etat pour prôner, entre autres, l'idée d'un rachat des propriétés foncières privées par le gouvernement, afin de supprimer les latifundia ; Marx, lui, partant de la critique du principe proudhonien de mutuellisme - dans Misère de la philosophie, réponse à la Philosophie de la misère de Proudhon, - critique où il énonèe pour la première fois sa doctrine du matérialisme historique, développée presque simultanément par Lorenz Stein dans son Histoire du socialisme français 1 , en était venu à prôner ouvertement le communisme dans son fameux Manifeste, écrit au début de l'année 1848. Ce Manifeste devait servir de programme _d'action à la Ligue des justes qui avait invité Marx à son congrès de Londres et qui, au cours de l'été 1847, s'était transformée d'ellemême en Ligue des communistes et avait chargé Marx d'exposer ses principes fondamentaux dans un appel imprimé, appel peu remarqué à l'époque, mais devenu de nos jours le drapeau de la social-démocratie du monde entier. Le Manifeste émet et développe l'idée que la lutte des classes doit aboutir au triomphe du prolétariat. Les manifestations de masse des ouvriers y sont considérées comme des conséquences du fait que la bourgeoisie, pour atteindre ses buts politiques, doit faire appel à leur soutien. Les ouvriers luttent non pas contre leurs propres ennemis, mais contre les ennemis de leurs ennemis, contre les survivances de la monarchie absolue, contre les propriétaires fonciers, contre la bourgeoisie non industrielle et la petite bourgeoisie. Mais le prolétariat ainsi entraîné dans la lutte engat. Publl~ par la 1ulte 1ou1 le titre : T.. a Notion rie ,oeil li et l'ht,tolre ,octale de la Rlvolutlon franrat,e. Biblioteca Gino Bianco 357 gera, après la victoire sur l'absolutisme et le féodalisme, un combat singulier contre la bourgeoisie, pour assurer finalement le triomphe de l'égalité sociale. On peut dire que la participation active de Marx au mouvement de libération de la fin des années 40 s'est limitée à la publication de ce Manifeste et à la rédaction de la Nouvelle Gazette rhénane 2 • Les événements qu'il venait de vivre avaient peu à peu amené Marx à conclure que les forces de l'élan révolutionnaire s'étaient alors épuisées. Dans sa critique du livre de Chenu, Les Conspirateurs, il exprime très nettement son désaccord avec ceux qui jugeaient possible d'accélérer par la conspiration la marche des événements. Il les appelle des « alchimistes de la révolution », qui s'évertuent à inventer des moyens propres, à leurs yeux, à accomplir des miracles, et ne veulent pas voir qu'il y a des conditions sans lesquelles tout mouvement est impossible, parce que privé de base. Marx prévoyait la fin de la période révolutionnaire, notamment parce qu'il estimait que la crise industrielle qui avait entretenu l'effervescence allait s'achever. L'essor industriel s'étendait à toute l'Europe ; au moment où la puissance industrielle de la société bourgeoise était en plein développement, il ne fallait pas compter, selon Marx, sur le succès d'une révolution sociale. Il va sans dire que de tels propos n 'étaient pas pour satisfaire des idéologues de la révolution tels que Bakounine. Celui-ci écrivit à Annenkov ' éditeur bien connu de Pouchkine et ami de Tourguéniev, que Marx, « à Bruxelles, corrompt les ouvriers, en les transformant en raisonneurs ». A la Ligue même, au nom de qui avait été lancé le Manifeste, le réalisme de Marx rencontra des adversaires résolus. Ils accusaient brutalement Marx d'avoir trahi la révolution et d'être devenu réformiste, partisan d'une évolution graduelle. Willich était à la tête des mécontents. A la réunion du 15 septembre 1850 de la Ligue des communistes, Marx définit de la façon suivante les deux tendances qui s'opposaient : A _une conception ~ritique du monde, la majorité substitue ~n~ conception dog_mati9ue, à une conception matér1altste, une conception idéaliste, et au lieu 2. Cette version, couramment admise Jusqu'après ln guerre de 1914-1918, a été dQment rectlflée par D. Rlnznnov qui a prouvé, avec une documentation nouvelle et !lOre le rôle de Marx dans l'organisation pratique du mouve,~ent: Cf. D. Rlazanov : Marx et Engeb, Editions sociales internationales, Bibliothèque marxiste, Paris, s.d. Cc Jlvre n été supprimé par les communistes, qui ont égnlcmcnt supprimé 110n nuteur. - N.d.l.R.
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