Le Contrat Social - anno XI - n. 6 - nov.-dic. 1967

350 .ble avec des partis bourgeois, toute politique de bloc (...). Nous maintenons le vieux principe : « Pas un homme, pas un sou à l'Etat capitaliste 4 • » Renner, au contraire, affirmait que la conquête du pouvoir est l'objectif principal du socialisme. Bien avant le congrès, il avait démontré dans une série d'articles que l'économie de guerre était une forme de l'interpénétration de l'Etat et du capitalisme (Durchstaatlichung dès Kapitalismus) et pourrait servir de tremplin à la cause ouvrière. Analysant la structure sociale de l'époque, il concluait : « La société capitaliste observée, vécue, décrite par Marx n'existe plus telle quelle », et, jetant un regard vers l'avenir, il ajoutait : « L'Etat deviendra le levier du socialisme 5 • » Dans son discours au congrès de 1917, il répondait à la gauche : L'Etat nous domine dans le processus de travail, il dispose présentement de l'homme tout entier. Dans ces conditions, la classe ouvrière ne peut adopter une politique uniquement axée sur des principes généraux, sans se préoccuper de la pratique concrète, de son existence dans l'Etat. C'est cela que l'on appelle mon socialisme réformiste 6 • Renner n'était pas isolé. Le député Wilhelm Ellenbogen le soutint dans un discours où il définissait les rapports entre le. socialisme et l'Etat et dont l'actualité devait s'imposer davantage encore dans la suite : Dep::ris vingt ans nous n'avons pas le courage de parler clairement de notre position en face de l'Etat. D'une part, nous proclamons qu'il est la racine de tous les maux et qu'il ne peut survivre; d'autre part, nous collaborons à sa préservation. Victor Adler a dit un jour : « C'est un tas de fumier, mais nous sommes condamnés à y vivre et, partant, à l'aménager. » Ce · sont là des contradictions. Si Renner s'efforce d'y troùver une issue, il accomplit une œuvre méritoire, et s'il nous montre une voie, nous n'approuverons peut-être pas tout, mais ses efforts ne devraient pas lui attirer· des attaques qui dépassent les bornes permises 1 • Participation au pouvoir et lutte contre le communisme LA RÉPUBLIQUEp,roclamée le 12 novembre 1918 - au lendemain de la mort de Victor Adler, - fut l'œuvre d'un gouvernement de coalition entre les chrétiens-sociaux bourgeois et · 1a social-démocratie. Seule une telle coalition, avec ses larges assises, put, dans l'Autriche défaite et appauvrie, éviter la guerre civile 4. Procès-verbal, p. 116. 5. Manismus, Krieg und Internationale, pp. 9 et 28. 6. Procès-verbal, p. 122. 7. Ibid., p. 148. Biblioteca Gino Bianco· LE CONTRAT SOCIAL et mobiliser les ressources matérielles et spirituelles ên vue de la reconstruction. Cette manifestation d'union nationale s'imposait d'autant plus qu'elle devait également témoigner, aux yeux des puissances victorieuses, de la force du sentiment populaire en faveur de !'Anschluss, revendication que confirma une résolution de l'Assemblée nationale provisoire. Ainsi, la social-démocratie ne pouvait rester à l'écart de cette République dans laquelle elle voyait le résultat de ses propres efforts, ni renoncer à faire de l'Etat l'instrument de ses revendications. Une fois de plus, il lui fallut affirmer son identité propre, « entre le réformisme et le bolchévisme ». Le conflit avec la théorie bolchéviste n'était plus une question d'interprétation du marxisme, mais une nécessité politique immédiate. Un grand. nombre d'ouvriers et de soldats démobilisés réclamaient la dictature du prolétariat, selon les exemples russe, hongrois et bavarois. La direction de la social-démocratie résista à la tentation d'exploiter la situation de force devenue soudainement la sienne. Elle usa de toute son autorité pour dissuader les ouvriers de recourir à la violence. Il incomba aux secrétaires d'Etat social-démocrates Julius Deutsch (Défense nationale) et Matthias Eldersch (Intérieur) d'assumer la tâche ingrate, mais indispensable et méritoire, d'étouffer les tentatives de putsch communistes des premiers mois de 1919. Les dirigeants socialistes, hostiles en tout état de cause à la violence, savaient en outre qu'une dictature prolétarienne à Vienne serait affamée par les paysans et étranglée par_les Alliés, ce qui aurait ouvert la voie à la terreur blanche. La participation des socialistes au pouvoir pendant près de deux ans apporta à la classe ouvrière des avantages sociaux considérables .- allant bien au-delà des revendications du programme de Hainfeld. ·Parmi ces réalisations, il faut mentionner la journée de huit heures, .les congés payés, les restrictions au travail des enfants et des femmes, la loi sur le travail à domicile, l'assurance-chômage et l'extension de l'assurance-maladie à l'ensemble des ouvriers et des employés - toutes réformes qui évoquent le nom de Ferdinand Hanusch, secrétaire d'Etat sodaliste à la Prévoyance sociale 8 • Elles permirent également la création d'institutions garantissant l'application des nouvelles lois : 8. Cf. Maria Szecsi : • Ferdinand Hanusch •, in Werk und Widerhall - GroS&eGestaUen des 8sterreichischen So%ia- , lismus, éd. par Norbert Leser, Vienne 1964, pp. 178 sqq;

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