N. LESER pension de la lutte des classes pendant la durée du conflit, c'est pourquoi il admettait une convergence relative des intérêts de la classe ouvrière avec ceux de l'impérialisme de son propre pays, une participation aux bénéfices que celui-ci en tirait. Une action internationale contre la guerre, telle que la prônait la gauche, avait pour condition - laquelle n'était nullement réalisée - un rythme égal et simultané de l'évolution. Renner reprochait aux zimmerwaldiens de méconnaître la réalité. Tant que durerait une guerre qui mettait en jeu la vie même du pays, la défense nationale était le premier des devoirs, et le sacrifice de l'intérêt national ex~gé par la gauche ne saurait aboutir au socialisme, mais bien au triomphe d'un impérialisme rival, probablement celui du tsa- . r1sme. En matière d'internationalisme, les convictions de Renner ne le cédaient en rien à celles de la gauche. Il avait combattu sa vie durant pour la création d'organismes susceptibles d'aboutir à une juridiction internationale rendant efficace la lutte contre la guerre. Mais il voyait dans l'attitude de la gauche zimmerwaldienne une répétition des erreurs de l'anarchisme ·qui croyait pouvoir esquiver la responsabilité de la conquête du pouvoir par l'action intempestive. Il est en outre permis de se demander si Renner, en tant que marxiste, ne pouvait se prévaloir de meilleurs arguments que la gauche et si celle-ci, amenée par la noblesse de ses sentiments à faire abstraction de la réalité, ne prétendait pas franchir d'un bond des étapes qui demeurent nécessaires quand bien même on croit les avoir dépassées pr.r la pensée et le sentiment. Quoi qu'il en soit, les dissensions parmi les zimmerwaldiens faisaient déjà pressentir les clivages qui allaient caractériser le mouvement socialiste au cours des décennies suivantes. Alors qu'en septembre 1915 la conférence de Zimmerwald était unanime à répudier le « social-patriotisme » et les dirigeants socialistes qui soutenaient l'effort de guerre, la « droite zimmerwaldienne », dont faisaient partie Friedrich Adler et les autres austromarxistes de gauche, ne tarda pas à se séparer des bolchéviks qui, sous l'impulsion de Lénine, entendaient faire de la Conférence un simple tremplin en vue de la création d'une Internationale communiste. A Kienthal, dès le printemps suivant, l'aile droite - déjà en minorité grâce à la tactique de Lénine - fut stigmatisée et excommuniée comme « kautskyste ». La Biblioteca Gino Bianco 349 Commission socialiste internationale créée à Kienthal donna naissance, après la révolution d'Octobre, à la 3e Internationale dominée par Moscou, tandis que les partis socialistes décidaient à leur congrès de Berne (1919) de faire revivre la 2e Internationale. Entre le réformisme et le bolchévisme LA SOCIAL-DÉMOCRATIE autrichienne, dont la gauche venait d'assumer la direction, était en désaccord avec l'un et l'autre des deux groupes. Elle ne voulait ni accepter les 21 conditions posées par le 2c Congrès du Comintern ni cautionner l'héritage « social-patriote » · de la 2e Internationale. Lors d'une conférence tenue à Vienne en 1921, elle fit décider la création de la « Communauté de travail des partis socialistes », fort irrévérencieusement nommée par Karl Radek l' « Internationale deux et demie ». Bien que grossie par l 'adhésion des socialistes indépendants d'Allemagne et de la social-démocratie suisse, la Communauté n'eut qu'une brève existence. Dès 1923, au congrès de Hambourg, elle rejoignit la 2e Internationale. L'austro-marxisme qui, selon Otto Bauer 2, se situait « à mi-chemin entre le réformisme et le bolchévisme », avait échoué dans son effort pour s'imposer sur le plan international et pour maintenir une organisation à égale distance des extrêmes. Cet intermède historique apparaît rétrospectivement comme un prélude à l'échec final de l'austro-marxisme s'efforçant, dans son pays d'origine, de trouver un moyen terme entre réformisme et bolchévisme. Sa position ambiguë en face de l'Etat et de l'exercice du pouvoir fut la principale pierre d'achoppement, la cause de sa perte. Le dilemme s'était déjà posé dans l'attitude à adopter face à la guerre. La Déclaration de la gauche de 1917 disait : La social-démocratie ne pourra accomplir sa mission historique que par la lutte des classes ( ...). EJle ne doit pas devenir une société de bienfaisance uniquement préoccupée d'améliorer le sort de quelques catégories ouvrières 8 • L'expression la plus catégorique de l'orthodoxie marxiste se trouve dans ce passage visant Renner : Le réformisme conduit nécessairement au ministé-- rialisme ( ...). (Nous) repoussons toute alliance dura2. Der Kampf, décembre t 927, p. 549. 3, Procès-verbal du congrès de 1917, p. 115.
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