348 idéologiques (il était loin d'être un doctrinaire) que parce qu'il redoutait que ces controverses ne compromissent l'unité du parti. Il fit cependant adopter, par le congrès de 1901, quelques modifications à la Déclaration de Hainfeld. S'il entendait demeurer fidèle à lui-même et interpréter correctement les phénomènes sociaux, le marxisme devait donner des réponses aux questions urgentes qui se posaient à la société dans laquelle il lui appartenait d'agir. Dans le cas de l'Autriche d'avant 1914, il s'agissait, entre autres choses, d'apporter des solutions aux problèmes nés d'un Etat multinational à régime autocratique. Bien que la social-démocratie fût par essence un mouvement social tendant à l'émancipation d'une classe, elle ne pouvait, dans sa lutte politique, négliger l'importance primordiale de la question nationale qui ébranlait l'Empire des Habsbourg. Pour la masse de la population, le conflit entre les nationalités était au moins aussi réel et d'importance aussi immédiate que la. lutte des classes. Or la social-démocratie représentait la seule force politique supranationale de la monarchie, la seule à proposer des solutions sérieuses à la question des nationalités, solutions qui auraient sans doute permis de maintenir le vieil Etat, mais qui échouèrent devant la résistance des cercles dirigeants. La « nation juridique » de Renner LE PROGRAMM·DEE BRNO (1899), considérant le problème en premier lieu sous l'angle culturel et linguistique, voyait sa solution dans la création d'organismes d'auto-administration des nationalités qui seraient appelés à se substituer aux provinces historiques. Karl Renner plus particulièrement, ·en publiant sous des pseudonymes des ouvrages comme Staat und Nation (1899) et Der Kampf der osterreichischen Nationen um den Staat (1902), visait à remplacer le principe territorial par celui des nationalités organisées en « communautés de personnes » ; il entendait faire de l'Autriche une fédération démocratique sur le territoire de laquelle tout citoyen eût pu opter pour telle ou telle nationalité, chacune d'entre cellesci étant constituée en personnalité de droit public. Renner avait fait sienne l'opinion de l'historien tchèque Palacky, selon qui l'Autriche-Hongrie aurait dû être inventée si elle n'eût pas existé ; dans le nationalisme exacerbé et le dogme de la souveraineté absolue, il dénonçait un anachronisme historique. Otto Bauer partageait ces vues dans une large mesure, bien qu'il considérât la monarchie bicéphale plutôt comme un point de départ possible Bib_liotecGa ino Bianco LE CONTRAT SOCIAL que comme la phase ultime d'un processus sociologique. En Autriche comme partout ailleurs, l'année 1914 vit l'abandon de la vénérable doctrine de la solidarité internationale des ouvriers. Cependant, la guerre se prolongeant, l'effusion de sang dans ·des batailles indécises incita les intellectuels du parti à reconsidérer leur position : après les conférences de Zimmerwald et de Kienthal se constitua une gauche professant un pacifisme militant ; mais alors qu'en Allemagne cette gauche fonda un parti séparé, celui çles « socialistes indépendants », en AutricheHongrie elle demeura dans le parti. Elle chargeait plus particulièrement Karl Renner du péché de « social-patriotisme• », et les articles de Renner sur la guerre, publiés en 1917 sous le titre Marxismus, Krieg und Internationale, étaient cités comme un exemple de trahison des principes socialistes. On faisait grief à l'auteur de vouloir maintenir l'intégrité territoriale et la structure multinationale du pays. S'opposant à ses vues, le « Programme des nationalités de la gauche » (Kampf, avril 1918) reconnaissait le droit de chaque nationalité à l'autodétermination et à l'indépendance ; bien qu'il n'y fût pas expressément question de la dissolution de la double monarchie, la revendication d'assemblées nationales constituantes la sous-entendait implicitement. Renner considérait les mesures proposées par la gauche comme intrinsèquement rétrogrades et il se refusa jusqu'au bout à prendre acte du phénomène de dislocation, alors que l'ironie du sort allait faire de lui, après la chute de l'Empire des. Habsbourg, le premier chancelier de la petite République d'Autriche. '7 L'internationalisme de Renner JusQu' ALORS,Renner avait soutenu de façon conséquente la politique de la direction du parti en faveur de la guerre, considérant que la: conquête et la violence pouvaient, en certaines circonstances, aboutir à des résultats positifs : la constitution de foyers de civilisation comme l'Empire romain ou le Commonwealth britannique. Aussi la guerre mondiale ne pouvait-elle, selon lui, être jugée de manière purement négative tant que l'effective interdépendance des nations n'aurait pas trouvé sa codification dans le droit international 1 • C'est pourquoi il préconisait l'union sacrée et la sus1. Marxi3mus, Krieg und Internationale, Stuttgart, 1917, pp. 167 sqq.
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