BILAN DE L' AUSTRO-MARXISME par Norbert Leser A LORS qu'on associe généralement l'austro-marxisme à la naissance et aux vicissitudes de la première République autrichienne, en fait il naquit et grandit bien plus tôt et dans un cadre bien plus vaste, celui de l'Empire austro-hongrois. Qui plus est : c'est uniquement sous les Habsbourg et jusqu'en 1914 seulement qu'exista, au sens propre du terme, cette communauté de travail, composée de personnalités remarquables, qu'on a appelée l'école austro-marxiste. Plus tard en effet, à l'épreuve de la guerre mondiale, de l'exercice du pouvoir et des compromis politiques nécessaires, le groupe perdit sa cohésion initiale et ses membres s'engagèrent dans des voies différentes. Parmi ceux qui créèrent et maintinrent pendant des décennies la réputation de l' austromarxisme, la figure la mieux connue est sans doute celle d'Otto Bauer, dont l'ouvrage mémorable, Die Nationalitiitenfrageund die Sozialdemokratie, parut en 1907. D'autres membres du cercle avaient nom Karl Renner, plus tard chancelier, deux fois fondateur, puis président de la République, spécialisé dans le droit constitutionnel, l'administration et la sociologie du droit ; Rudolf Hilferding, auteur du Finanzkapital (1910), continuateur du Capital de Marx, et qui, émigré en Allemagne, fut ministre des Finances de la République de Weimar ; Max Adler, interprète foncièrement original de la dialectique marxiste et dont les écrits, malheureusement peu connus, mériteraient d'être ressuscités ; enfin Julius Deutsch, plus tard ministre de la Défense nationale et organisateur du Schutzbund (Ligue socialiste de défense républicaine), qui enrichit la tradition austromarxiste par des contributions historiques, Biblioteca Gino Bianco notamment sur le mouvement syndical autrichien, et par des monographies d'ordre sociologique et militaire. Date de naissance: 1903 LA RENCONTRE de personnalités aussi exceptionnelles donna à l' austro-marxisme relief et cachet spécifiques. Il s'affirma comme entité historique par la fondation, en 1903, de l'association Zukunft, qui créa le premier collège ouvrier à Vienne, d'où rayonna par la suite tout le système de l'éducation socialiste autrichienne. En 1904 fut lancée la collection « Marx-Studien », dans laquelle les membres du cercle livrèrent leurs principaux ouvrages à la discussion publique. Trois ans plus tard, ce fut la publication de la revue mensuelle Der Kampf, organe théorique officiel du parti socialàémocrate et qui continua de paraître dans l'illégalité lorsque le parti devint clandestin, en 1934. Le parti social-démocrate naquit en tant qu'organisme politique au congrès de Hainfeld (1888-89), lorsque Victor Adler réussit à amener des fractions jusqu'alors rivales à souscrire d'un commun accord à une Déclaration de principes qui, s'inspirant des idées marxistes, resta pour l'essentiel, jusqu'en 1926, le programme officiel du parti. La discordance brutale entre l'évolution économique et les pronostics marxistes suscita cependant des tendances révisionnistes, lesquelles ne s'apparentaient à vrai dire que de loin au révisionnisme de Bernstein qui se faisait jour à la même époque, en Allemagne, sous une forme combien plus radicale. Victor Adler résista à ce courant, bien moins pour des considérations
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