Le Contrat Social - anno XI - n. 6 - nov.-dic. 1967

346 elle et ses satellites ; pour l'essentiel donc, l'empire stalinien serait maintenu en sa forme et en ses limites. En Allemagne, Adenauer demeura le plus loyal et le plus habile des alliés, mais on ne peut contester que se firent jour certaines poussées nationalistes. Sans entrer dans le détail, notons seulement que, selon l'opinion de Brugmans, l'entrée en scène de Schrœder fut un malheur pour l'Europe, car partout où il siégea, il remplaça l'esprit communautaire par un esprit de marchandage qui bientôt fut plus ou moins imité par tout le monde, les compromis entre les intérêts nationaux redevenant ainsi loi pratique. La France s'enfonçait enfin dans une crise morale de plus en plus grave : au poids des dettes, au désordre financier, à · l'impuissance parlementaire, vinrent s'ajouer la défaite indochinoise et les alarmes dues à l'agitation qui s'étendait dans toute l'Afrique du Nord. Humiliée, ulcérée, l'armée imputait au régime la responsabilité de ses déboires et inclinait vers le coup de force ; encore qu'elle dût en être par la suite profondément déçue, elle prépara donc l'avènement du gaullisme. * * * ON NE POUS SERA pas ici plus loin cette analyse; pour incomplète qu'elle soit et en dépit des énormes événements qui se succèdent à vive allure, elle met en relief certaines tendances qui persistent pour l'essentiel. Tout d'abord, il faut bien noter le déclin de la mystique européenne ; non qu'elle manque de partisans, voire maintenant de moyens d'expression à peu près officiels, mais la routine et les désillusions ont glacé l'enthousiasme, les chefs· prestigieux ont disparu, les vastes mouvements d'opinion ne se sont pas produits. On travaille raisonnablement à la construction de l'Europe, mais on n'attend plus de miracles. Cette perte de vitesse ou de chaleur a simulBiblioteca Gino Bia·nco • LE CONTRAT SOCIAL tanément pour cause et conséquence l'échec évident .des inst_itutions supranationales projetées ou essayées..Le retour mondial au nationalisme est, si l'on veut, personnifié par un de Gaulle, mais enfin ce n'est pas lui qui l'a fomenté, l'explication la plus générale tenant aux guerres ouvertes ou subversives qui sévissent plus ou moins intensément sur de larges secteurs de la planète et se colorent fréquemment de racisme. Faisons encore en ce point mérite à Brugmans de son impartialité car, s'il reproche à de Gaulle de tout faire pour substituer à une Europe atlantique, dont la vraie capitale ne peut être que Washington, une Europe continentale que la France pourrait influencer, il ne conteste ni la valeur de certains de ses arguments ni son rôle de bon Européen dans l'édification du Marché commun. C'est par là d'ailleurs que nous revenons à des constatations plus encourageantes. L'histoire des vingt dernières années e~t assurément fertile en déceptions et en inquiétudes, elle ne nous. promet nulle part le repos, mais enfin elle ne se résume pas en une faillite. Parmi ses réalisations positives, on a le droit de placer cette· création de l'Europe économique dont le succès se mesure -en ceci qu'elle devient pôle d'attraction pour nombre de pays, notamment pour une Angleterre peu florissante. Il n'est pas possible que les courants commerciaux et les ententes industrielles ne retentissent pas de plus en plus sur la vie d'un Occident dont l'union organique s'effectue tissu par tissu, même sans qu'on le veuille clairement. Ainsi nous serions en de meilleures conditions, soit pour opposer à la p,~nétration communiste un bloc occidental dont on souhaite qu'il soit toujours plus compact et plus prospère, soit pour affronter en même temps les risques de cette politique d' « ouverture à l'Est », dont tout le monde semble maintenant partisan, mais qui requiert autant de ptudence que de vigilance et d'habileté. LÉON EMERY. ,

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