Le Contrat Social - anno XI - n. 6 - nov.-dic. 1967

STALINE ·ET LES SIENS S TALINEa-t-il tué sa femme, Nadièjda Allilouieva, dans la nuit du 8 au 9 novembre 1932, ou l'avait-il SEULEMENTacculée au suicide ? Dans l'un ou l'autre cas, Staline, une fois de plus, était le meurtrier, mais la vérité précise serait néanmoins bonne à connaître. On en a jasé beaucoup et secrètement en U.R.S.S., discuté ouvertement à l'étranger, depuis trente-cinq ans, _et le dernier mot n'est pas dit. Notre article Le meurtre de Nadièjda Allilouieva (numéro de mai-juin 1967 de la présente revue) tentait de reconstituer une version plus ou moins cohérente de l'affaire en utilisant diverses bribes de témoignages qu'une réfugiée russe, Elisabeth Lermolo, rapporte dans Face of a Victim (New York 1955). L'auteur s'y borne à faire écho à des récits et propos recueillis dans les prisons soviétiques d'où elle a rescapé par une chance peu ordinaire. Cela ne tient pas encore lieu de rapport authentifié en bonne et due forme, mais on ne saurait passer outre, faute de preuves indéniables. Le pouvoir soviétique garde la vérité sous le boisseau et ne permet aucune enquête objective. Pour l'heure, les versions connues abondent en détails contradictoires. Selon Raphaël Abramovitch, dans The Soviet Revolution (New York 1962 ), « la plupart des personnes compétentes croient que Staline l'a tuée dans un accès de rage ». Son livre se réfère à un témoin digne de foi, connu de l'auteur, et d'après lequel le chef de l'hôpital du Kremlin, appelé par téléphone tôt le matin du 9 novembre 1932, « aurait vu le corps inanimé d'Allilouieva sur le plancher. A côté, s'appuyant à son bureau, se tenait Staline, pâle et défait, quasi insensible. Sur le bureau, un revolver. Allilouieva n'avait jamais eu de revolver » (cf. aussi Novoié Rouskoié Slovo de New York, 21 décembre 1949, article de Marc Vichniac). Alexander Orlov, officier supérieur tchékiste qui a « choisi la liberté » aux Etats-Unis, consacre le chapitre 28 de son livre : The Secret BibliotecaGino Bianco Flistory of Stalin' s Crimes à la défunte et à son frère Pavel Allilouiev. Il y donne sa version du drame d'après les confidences d'un des gardes 4u corps qui aurait vu Nadièjda étendue sur le sol et le revolver « sur le plancher », mais sans mentionner la présence de Staline. Il co?clut en ces termes : « .. . D'après ce que je sais de la façon dont Staline traitait sa femme, j'incline à penser qu'elle s'est tuée elle-même. » Tout en sachant que Svetlana Allilouieva, âgée de six ans et demi à la mort de sa mère , ne peut que transmettre une version de deuxième ou troisième main, tardivement entendue dans un milieu confiné, saturé de fictions et de mensonges, on attendait cette version avec un vif intérêt et l'on a le devoir d'en tenir compte. Svetlana a beaucoup à apprendre en Occident et beaucoup à nous apprendre. Sa sin~érité paraît hors de doute, encore que sa clairvoyance soit souvent sujette à caution et que l'esprit critique lui fasse défaut en des matières importantes (parfois, le respect ou l'amour filial l'égare). Son livre : Vingt lettres à un ami *, décevant pour le grand public t~ompé par un battage scandaleux, mais précieux pour un petit nombre d'initiés aux arcanes du communisme soviétique, méritera un _ exa_m~nattentif et un ...commentaire indulgent, mais Just:. On ne fera etat ici que des passages ayant trait à la mort de Nadièjda Allilouieva · et au destin de la parenté de Staline directe ou par alliance. ~ _-··_ LE BREFRÉCITde la tragédie nocturne' du 8-9 ~ove~bre 1932 a trouvé place en moins de vingt lignes dans la neuvième lettre « à un ami ». Svetlana le tient de sa vieille bonne qui « !ors9u'~lle sentit qu'~ ne lui restait plu~ guere a vivre, (...) voulait se purifier l'âme se confesser ». Quel âge avait la narratrice' ce * Edition russe : Harper and Row, New York and Eva_nston, 1967. Traduc.tton -française : Ed. du Se!..lil Parts 1967. •

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