Le Contrat Social - anno XI - n. 4 - lug.-ago. 1967

QUELQUES LIVRES du XVIIIe siècle qu'il annonce selon le plan alphabétique des volumes parus, son ouvrage fera double emploi avec La France littéraire de Quérard, et nous aurons un ouvrage mort de plus, au lieu de retrouver, pour les règnes de Louis XV et de Louis XVI, la vie mouvante que révèle, pour la Révolution et l'Empire, la bibliographie de Monglond. Il est temps que des instances autorisées formulent sinon des règles de bibliographie, du moins des conseils, afin de donner à ceux qui abordent le travail bibliogr~phique la chance de faire une œuvre à la fois vivante et profitable à tous. YVES LÉVY. Henri de Man, le solitaire PETER DonGE : Beyond Marxism : the Faith and Works of flendrik de Man. La Haye 1966, Martinus Nijhoff édit., 280 pp. LA PLUPART de ceux qui connurent Henri de Man, soit en le soutenant, soit en l'affrontant (adoptant le plus souvent alternativement les deux attitudes, selon les circonstances), se sont plus d'une fois interrogés sur le caractère et les mobiles intimes de cette personnalité énigmatique. L'ouvrage de M. Peter Dodge apporte des lumières sur ce sujet. L'auteur présente une biographie surtout idéologique de de Man sans cependant omettre les dates essentielles de sa vie. Il a accompli un travail impressionnant de documentation en consultant, en plus des ouvrages et des articles de journaux, certaines archives et sources privées. Son exposé est objectif, et la sympathie qu'il éprouve visiblement pour de Man ne l'empêche pas de se livrer à des critiques quand celles-ci lui paraissent s'imposer. Ce qui déroute à première vue dans la carrière d'Henri de Man, c'est sa sinuosité ou, si l'on veut, sa discontinuité. Marxiste orthodoxe jusqu'à vingt-neuf ans (de Man est né en 1885), engagé volontaire pendant la première guerre mondiale, fuyant l'activité politique jusqu'en 1920, reprenant le harnais comme directeur de l'Ecole ouvrière supérieure du parti ouvrier belge jusque vers 1923, se retirant ensuite en Allemagne où son travail scientifique relègue l'activité militante au second plan, il rentre en Belgique après l'avènement de Hitler (mais son retour avait été décidé Biblioteca Gino Bianco 257 dès la fin de 1931) et ne tarde pas à devenir le vice-président du P.O.B., qui adopte à la quasi-unanimité son « Plan du travail » contre la crise. En peu d'années, il devient l'une des figures les plus en vue du mouvement socialiste international, attirant surtout la jeune génération, pour laquelle il symbolise la rénovation de la doctrine et de l'action. A partir de Munich, il fait tout pour amener la Belgique à une politique neutraliste et, la débâcle de 1940 consommée, il veut « sauver les meubles » (préserver ce qui peut l'être des organisations ouvrières) en versant dans la collaboration avec l'occupant. Mais de plus en plus mal vu par ce dernier, il doit se réfugier en Haute-Savoie d'abord, vers la fin de 1941, puis en Suisse. Condamné par une cour martiale en Belgique, il restera en Suisse et y trouvera la mort en 1953 dans un accident de voiture. Comment expliquer une carrière aussi mouvementée, ces incessants changements de position, ces oscillations d'un extrême à l'autre, ces déconcertantes volte-face ? Il n'est pas rare qu'un député « retourne sa veste » pour assurer sa réélection. Il n'est pas rare non plus de voir des hon1mes politiques évoluer, instruits par l'expérience. Mais de Man n'était pas un politicien au sens vulgaire du terme, il n'aspirait pas à être député, et ses oscillations successives furent bien plus brusques et fréquentes que celles du plus retors des politiciens. Etant donné son exceptionnelle envergure intellectuelle et l'intégrité morale que chacun lui reconnaissait, ces évolutions ne sauraient s'expliquer ni par des sautes d'humeur ni par une versatilité qui se plaît à changer sans cesse de conviction et de doctrine. C'est donc ailleurs qu'il faut chercher l'explication. M. Peter Dodge fournit le fil conducteur, et son exposé confirme l'impression de tous ceux qui eurent l'occasion d'approcher H. de Man. Sa carrière ne peut s'expliquer que par son caractère d'une part, et de l'autre les circonstances historiques qui l'ont marqué. Issu d'une famille flamande assez aisée, de Man épouse dès l'adolescence la cause socialiste. De caractère sévère, voire austère, il y voit la promesse de rénovation et de purification d'une société dont il observe de près les vices, l'hypocrisie, la corruption. Porté vers l'extrême gauche comme bien des jeunes, il admire la social-démocratie allemande pour l'intransigeance marxiste de son aile gauche (majoritaire à l'époque). De 1905 à 1914, il passe la plus ~rande partie de son temps en Allemagne, où il parachève ses études, et un an en Angleterre, puis rentre en Belgique vers 1911.

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