256 Parlerons-nous des sections D et E ? Cela n'en vaut guère la peine, sinon pour dire que la distinction conçue par l'auteur entre « les aspects du saint-simonisme » et « l'influence du saint-simonisme en France et à l'étranger » est d'une fâcheuse subtilité. On se demandera pourquoi Owen est dans la section D et Carlyle ou J. S. Mill dans la section E, pourquoi l'Egypte et l'Algérie sont là, et les autres pays ici. On trouvera Comte, Fourier, Proudhon, :Renouvier dans la section D, Chateaubriand, Lamennais, Sainte-Beuve, Sand, Stendhal 9 dans la section E. Il est vrai que Flora Tristan est dans la section C. Tout cela est prodigieusement arbitraire. * * * Faut-il à présent citer les nombreux ouvrages oubliés par l'auteur, outre ceux qu'on a déjà mentionnés dans cet article ? Cela en vaudrait la peine si cette bibliographie était utilisable. Mais comme elle ne l'est pas, il est inutile de la compléter : il faudrait la refaire. Mais le C.N.R.S. trouvera-t-il des crédits pour une seconde bibliographie saint-simonienne ? Ce qui est le plus fâcheux dans l'ouvrage dont nous parlons, ce n'est pas tant la médiocrité des fiches bibliographiques que l'inanité du plan. Or pourquoi l'auteur a-t-il adopté un ordre aussi contestable-? Parce qu'il n'existe en cette matière aucune règle, de sorte que chacun est livré à lui-même et à ses inspirations les moins heureuses. L'inspiration de notre auteur n'est pas trop malaisée à discerner. Il dresse d'abord le cadre historique, puis il se débarrasse des archives (je dis qu'il s'en débarrasse parce qu'il ne s'y référera à peu près jamais dans le courant de son livre, comme si les archives n'avaient aucun rapport avec les hommes et les sujets dont il parlera ensuite). Enfin il traite des hommes, un à un, puis des sujets, un à un. Un courant comme le saint-simonisme se ramène-t-il vraiment à des hommes et à des sujets, les hommes eux-mêmes étant d'ailleurs des sujets sur lesquels il y a plus ou moins d'ouvrages à citer? Non. Ce système de tiroirs _est une erreur courante, dont le caractère universitaire est évident. Une phrase est révélatrice, c'est celle qui introduit la section F : « On trouvera, dit l'auteur, des compléments · 9. ·On remarquera que Balzac n'est pas mentionné, malgré les articles de l'Année· bal%acienne (1961, p. 139, J.-H. Donnard : • Deux aspects inconnus du saint-simonisme de Balzac •; 1966, p. 49, B. Tolley : • Balzac et les saint-simoniens •). Biblioteca Gino Bianco -., LE CONTRAT SOCIAL d'information sur le saint-simonisme dans les ouvrages suivants. » A ses yeux, les livres qu·•u a cités contiennent des informations, et le saint-simonisme· est une chose morte qui se divise en sujets sur lesquels il y a, dans des livres, des informations. Or c'est là une erreur. C'est une erreur, non seulement parce qu'il y a encore aujourd'hui des esprits saint-simoniens et des esprits hostiles au saint-simonisme, mais parce que de toute façon les livres ne sont pas essentiellement des sources d'information. On peut à la rigueur, si l'on n'est pas exigeant, chercher des informations dans un livre, mais dès qu'on prend en main un second livre pour contrôler le premier, c'est qu'on commence à regarder le premier livre (et sans doute le second) à la fois comme une source d'informations et comme l'expression d'un point de vue ~ particulier. Lorsqu'on rassemble dans une bibliographie des centaines de livres, il ne peut plus être question de distinguer ce qui est source d'informations et ce qui est expression d'opinions : tout cet ensemble forme l'histoire d'une question, et il n'y a pas de parties qui s'en dissocient naturellement. Aussi la seule façon de classer sainement les ouvrages dont . on fait état, c'est de les classer par date, selon cette série chronologique continue que Fournel s'excusait de n'avoir pas suivie. On dira que les sujets n'apparaîtront plus. Certes. Mais qu'est-ce qu'un sujet, sinon le petit terrain qu'un érudit a découpé dans un ensemble vivant pour l'étudier en profondeur ? Or, classer la matière selon les sujets qui ont déjà été traités, c'est gêner la découverte de tous les sujets que peut suggérer une présentation strictement chronologique. Rien n'empêche d'ailleurs de compléter une bibliographie ainsi conçue par un index des auteurs où l'on trouverait la nomenclature complète des œuvres de .chacun d'eux, et par un index des thèmes où l'on pourrait de façon très souple suggérer mille rapprochements. Une bibliographie chronologique aurait donc tous les avantages d'une bibliographie par auteurs et par thèmes, et donnerait en outre, de la matière traitée, un portrait d'une vie incomparable. Ce principe ne vaut du reste pas seulement pour le saint-simonisme. Si la bibliographie de l'InstittJt d'études démographiques était chro-. nologique, elle nous dqnnerait, de la pensée économique et politique du XVIIIe siècle, un tableau qui nous manque. Si Cioranescu avait rédigé sur un plan chronologique sa Bibliographie de la littérature française, nous connaîtrions infiniment mieux la France du XVIe et du XVIIe siècle. Et s'il fait la bibliographie ..
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