K. A. WI1TFOGEL s'étaie~t réservée aussi longtemps que leur santé le leur avait permis ? Ou bien s'abstint-il de prononcer des discours publics importants parce qu'il n'était plus capable de le faire ? Son habitude de fumer incessamment avait-elle compromis sa sar}té? Quelle que soit la raison, il semble que sa condition physique se soit trouvée gravement détériorée au cours des dernières années. Le fait que Mao ne soit pas apparu en public de novembre 1965 à mai 1966 fit naître la rumeur qu'il était en mauvaise santé et ce n'est pas tel exploit de natation et la publicité . qui l'entoura qui rendirent les sceptiques moins sceptiques. Sur des photographies récentes, ses yeux ~ont vitreux,. son corps bouffi. Et bien qu'il ait, paraît-il, dit quelques mots de temps à autre, il n'a pas fait de discours public. Souriant, agitant la main, applaudissant, il se tenait debout à côté de Lin Piao, et c'est ce dernier qui prononçait les paroles qui auraient dû sortir de la bouche du chef suprême. La détérioration de la santé de Mao semble avoir diminué son efficacité en d'autres domaines également. Et ce fait qui, dans cer- • • • A • • - tames circonstances, pourrait apparaitre mstgnifiant, constitue un autre danger pour un régime qui depuis des années souffre de faiblesses sérieuses. Les mesures adoptées à Pékin montrent qu'on en a parfaitement conscience. Faiblesse de la position de Mao LORSQUEE, N 1965, Mao décida de confier le soin de faire la déclaration la plus importante sur la poli tique étrangère à Lin Piao et non à Liou Chao-chi, Chou En-lai ou Teng Siao-ping, il choisit en la personne de Lin Piao non seulement un camarade en qui il avait confiance, mais encore l'homme qui était à la tête du principal appareil de coercition en Chine communiste. Le pouvoir de Chou, en tant que premier ministre, était diffus. Celui que Liou exerçait sur les syndicats était faible, et ni lui ni Teng n'avaient réussi à utiliser l'organisation du Parti à leurs fins personnelles, comme le fit Staline lorsqu'il élimina Trotski et ses autres rivaux. Il semblait, en 1965, que Lin Piao jouît du même degré d'éminence que les autres hauts dignitaires. Depuis, il les a tous dépassés, cela, bien entendu, avec l'appui de Mao. A l'apogée de sa carrière, Mao avait pu conserver sans difficulté l'ensemble des leviers Biblioteca Gino Bianco 113 de con1mande et détruire tous les nids d'opposition potentielle. Mais apparemment, ces dernières années, cela lui était devenu impossible. Dans un Etat autocratique, un çhef puissant peut r~gner seul. Mais si, pour une raison ou une autre, le chef est faible et n'a pas un second efficace (vizir, chancelier, etc.), ceux à qui est déléguée une partie du pouvoir peuvent étendre leur autorité au point de renverser le leader. C'est là, en pareil cas, le schéma du coup d'Etat (cf. notre Despotisme oriental, Paris 1964, pp. 171 sqq. et 448). En 1966, des porte-parole du régime accusèrent certains membres en vue du Parti d'avoir tramé un complot. Jusqu'ici, rien n'est venu confirmer le bien-fondé de cette accusation, mais il est fort possible qu'elle contienne une part de vérité. Ce qui a transpiré indique que de hauts dignitaires qui n'approuvaient pas la ligne politique avaient pris en main des secteurs importants de l'appareil. Leurs critiques auraient concerné en particulier deux domaines : les villages et l'armée. Le spectre de Hai Jui DEPUIS la collectivisation, Mao a su1v1une politique agraire qui a frustré les paysans tout en maintenant la production à un faible niveau. En 1959, Peng Teh-houai, alors ministre de la Défense, se montra fort inquiet de la crise qui avait débuté avec la collectivisation (1954-55) et avait culminé avec la création des communes (1958). D'après des informations sûres, Peng était vigoureusement opposé à cette politique agraire. Mais il fut défait par Mao et les siens à la session plénière du Comité central à Louchan, en août 19 59. Peng fut relégué à un poste inférieur et Lin Piao nommé à son poste en septembre 19 59. Mais les « difficultés » dans l'agriculture demeurèrent. Les membres du Parti qui étaient réalistes ne pouvaient s'empêcher de penser que les concessions faites étaient absolument insuffisantes et que la crise ne pourrait être résolue que si l'on rendait la terre aux paysans et si l'on revenait à une économie de fermes familiales. Les leaders du régime ont fait remonter le début de la « révolution culturelle prolétarienne » à novembre 1965, date à laquelle un critique littéraire de Changhaï condamna le maire adjoint de Pékin, Wu Han, parce que celui-ci avait attaqué la politique agraire dans un opéra, présenté au début de 1961 sous le titre : La Révocation de Hai ]ui.
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