114 Wu Han avait déjà fait l'éloge de Hai Jui, fonctionnaire du XVIesiècle, pour avoir lutté contre les mauvaises pratiques de gouvernement et les· fonctionnaires tyranniques, dans un récit publié le 16 juin 1959, quelques semaines avant la conférence de Louchan, au cours de laquelle Peng Teh-houai plaida en faveur d'un changement radical de la politique agraire. C'est quelques semaines après cette conférence que Wu écrivit un article où étaient spécifiquement mentionnés les efforts de Hai Jui pour « restituer la terre au peuple », c'està-dire aux paysans qui en avaient été impitoyablement dépouillés. Wu Han ajoutait que « certains se donnent du Hai Jui et déclarent appartenir à l'opposition ». Mais bien que Wu Han se fût explicitement dissocié des éléments de droite, il leur fournit bientôt de nouvelles armes dans son opéra qui exaltait le combat de Hai contre la tyrannie et pour la restitution des terres. Il reconnut, en réponse à de violentes attaques, que les effets politiques de son ouvrage avaient été « très néfastes et très graves », parce que lorsqu'il avait été présenté à la scène pour la première fois, en 1961, soufflait « le vent de l'exploitation individuelle de la terre » et que des voix se faisaient entendre, réclamant bien haut « la réouverture des procès où des erreurs judiciaires avaient été commises », « la réforme des abus » et « la restitution des terres » (Quotidien du peuple, 30 déc. 1965). Les résultats obtenus par le Hai Jui historique avaient été modestes. La restitution de la propriété paysanne qui eut lieu à l'époque n'a qu'une ressemblance superficielle avec la reconversion des terres collectivisées en propriétés paysannes individuelles. Mais Hai Jui avait lutté pour cette restitution et, dans la Chine d'après les communes, cela prenait un sens tout particulier. Le spectre de Hai Jui plane çncore sur la Chine de Mao, comme un rappel menaçant que les campagnes sont dans un état de crise larvée et que des personnalités politiques aimeraient porter remède à la situation, « à la manière de Hai Jui ». Politique militaire de Mao L'OPPOSITIONDE DROITBs'est également attaquée à la façon dont Mao a organisé et utilisé l'armée. Tout comm~ la question écono- · mique, à laquelle elle est apparentée, celle de l'armée est lourde de conséquences. De fait, Bibli·otecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE , elle concerp.e la sécurit~ du régime de façon si directe que seuls les hauts dignitaires communistes osent y faire directement allusion, en évitant toute déclaration sur les insuffisances et imperfections de l'équipement et de l'entraînement, ou quant aux effets délétères sur le moral des· troupes des mauvaises conditions régnant dans les campagnes. Une série de vingt-neuf bulletins militaires confidentiels, distribués entre le 1er janvier et le 26 août 1961 et qui sont tombés entre les mains des Américains, montrent que ces dignitaires se rendent parfaitement compte des problèmes fondamentaux. Cependant, le ministre de la Défense, Lin Piao, n'y faisait allusion que brièvement et consacrait le meilleur de son temps à la tâche d'inculquer aux soldats les principes de « la pensée de Mao Tsé-toung ». Tout comme Lin, son chef d'état-major Lo Jui-ching rendait hommage à la pensée de Mao Tsé-toung et il louait également le rôle de Lin Piao à la tête de l'armée. Au début des années 60, Lo ne disait pas encore, si l'on s'en réfère au Bulletin de l'Armée, ce que Peng Teh-houai avait déclaré dans des milieux très fermés du Parti à la veille de son remplacement. Ivlais il affirma sans ambiguïté que l'armée n'était pas ce qu'elle devrait être. D'une tournée d'inspection, il rapporta l'impression que le moral était bas du fait « des conditions de vie des familles d'un grand nombre de soldats ». Déplorant l'absence d'un « état d'esprit gai, vigoureux », il· conclut : « Une armée dont les soldats déambulent, les sourcils froncés, le visage malheureux et assombri comme s'ils portaient un poids sur leurs épaules, ne peut constituer une force de combat très impressionnante » (Bulletin des activités, 1961., n° 7. Cf. The Politics of the Chinese Army, Hoover Institution Publica- . tions, 1966, p. 203 ). Il va sans dire que Peng Teh-houai ne souhaitait nullement une dépolitisation de l'armée. Communiste, il voulait une armée communiste. Mais il voulait aussi une armée sur laquelle il pût compter pour se battre. L'accusation que Peng, au nom de la défense nationale, préconisait une politique militaire « bourgeoise » est aussi fausse que l'affirmation selon laquelle ceux qui réclamaient la restitution des terres aux paysans espéraient restaurer le capitalisme. Mais il n'est pas surprenant que pareilles accusations aient été lancées pour discréditer Peng. Il n'est pas non plus surprenant qu'elles aient été répétées à propos de Lo Jui-.ching et
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