QUELQUES LIVRES gorie, à la hausse du niveau de vie. Bien d'autres problèmes (logement, circulation, loisirs, etc.) existent, se développent même, avec la croissance de la société industrielle. Les salariés âgés ont une existence sensiblement améliorée par rapport à celle qu'ils menaient dans leur jeunesse : le pain n'est plus le symbole de la revendication. Aujourd'hui, « il faut préparer la mutation de nos revendications » (p. 209 ). Diminuer la fatigue physique est un objectif syndical, mais le travail sédentaire à un bureau ne peut constituer un idéal pour le mouvement ouvrier. Cependant, débarrassé de ses fatigues excessives, le travail d'exécution n'en reste pas moins déshumanisant : la classe ouvrière est toujours une mineure, alors même qu'elle use d'automobiles et d'appareils ménagers. Quant à l'ouvrier, particulièrement à l'O.S., « il a subi l'ablation de la responsabilité jusque dans ses propres gestes » (p. 215). Le but final du syndicalisme, selon M. Mothé, est de préparer les travailleurs à assumer des responsabilités sur le plan de l'entreprise et d'affiner leur jugement sur le plan politique, autrement dit, d'édifier une société vraiment démocratique. Ce sont là des idées que, nous appuyant sur les expériences d'Hyacinthe Dubreuil, nous avons défendues 2 • Peut-être paraissent-elles utopiques car rien n'est plus difficile que de travailler à l'avènement de ce que Kant nomme l' « homme majeur ». Tout pas en avant vers la majorité, les hommes le tiennent pour dangereux. « Outre que c'est une chose pénible, ajoute Kant, c~est-à quoi s'emploient fort bien les tuteurs qui, très aimablement, ont pris sur eux d'exercer une haute direction de l'humanité 3 • » Ces tuteurs, on les retrouve aujourd'hui à de nombreux échelons, depuis les sommets présidentiels et les secrétariats des partis totalitaires jusqu'aux cadres, fonctionnaires ou simples partisans. qui, se croyant porteurs d'une vérité, exercent leur autorité - réelle ou supposée - à jouer les adjudants Flick. MICHEL CoLLINET. Un monde clos RAYMOND DENI EL : Une image de la famille et de la société sous la Restauration (18151830). Etude de la presse catholique. Préface de Jean Lacroix. Paris 1965, les Editions ouvrières, 303 pp. 2. Cf. notre Eaprit du syndicaliame. 3. Emmanuel Kant : Répome à la quPstion: Qu'est-ce que • lu lum lire, • ? Biblioteca Gino Bianco 121 L'ÉTUDEde M. Deniel est plus restreinte que le titre ne le laisserait supposer. L'image qu'il donne de la Restauration est exclusivement celle du milieu catholique ultramontain et ultramonarchiste. A cet effet, il a dépouillé non seulement les ouvrages du temps, mais encore les quotidiens et périodiques catholiques, les libelles et pamphlets anonymes. Il ne fait aucun emprunt à la littérature constitutionnaliste ou à la libérale. Cette méthode oeut être discutable, mais elle présente l'origin;lité de placer le lecteur dans un véritable enclos idéologique où il se sent étouffé par un conservatisme tellement dense et systématique que la réalité historique en disparaît à ses yeux. Derrière les publications plus ou moins populaires se profilent les théoriciens de la · théocratie : le vicomte de Bonald et Lamennais première manière ; un peu en retrait, Joseph de Maistre. Si Lamennais se contente d'écrire, Bonald, député de l'Aveyron, monte à l'assaut du code Napoléon et de l'Université. L'homme , est fait pour la société et non la société pour l'homme, affirme-t-il, précédant Auguste Comte de quelques décennies. Il obtient la suppression du divorce afin que la famille, indissoluble, devienne le fondement solide de la pyramide sociale. Entre la famille et la société, la similitude est étroite, l'une étant le microcosme de -l'autre. Le père s'identifie au roi et réciproquement ; la mère au peuple qui ne saurait, sans cataclysme, s'opposer à son maître. Le parallélisme se poursuit avec la religion, le prêtre étant au père ce que le pape est au roi, à savoir son directeur spirituel, celui qui indique la voie du bien. De même, le droit d'aînesse permet la continuité de la propriété familiale comme celle du royaume ; le père de famille doit gouverner jusqu'à sa mort la vie de ses enfants, comme le roi qui, vivant, ne cesse de régner, etc. L'éducation et l'instruction sont adaptées au niveau social de chacun et elles sont différentes pour les garçons et les filles. La pauvreté est nécessaire à l'équilibre social : c'est le fondement d~ toute hiérarchie, à condition qu'elle soit à la fois entretenue et contrôlée par l'exercice de la charité chrétienne, etc. Idéal de paysans et de propriétaires fonciers qui redoutent les progrès de l'industrie parce qu'ils portent en eux le changement et la révolution. Ces idées, la presse catholique et ultra, le clergé, les congrégations enseignantes les répandent dans une population troublée, où la nostalgie des Droits de l'homme vient gêner l'aspiration au repos. « C'est au repos en tout qu'il
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==