Le Contrat Social - anno X - n. 2 - mar.-apr. 1966

T. KATELBACH lancés aux Polonais à l'étranger en 19 55 et jusqu'en mai 1956, 9 .000 personnes étaient rentrées de Russie. Cette information était destinée à produire un effet apaisant. Le résultat fut tout autre. On savait déjà, grâce à la campagne menée par nous, qu'il restait un demi-million, sinon plus, de Polonais détenus illégalement en Russie. L'annonce du retour de 9 .000 d'entre eux par la Trybuna Ludu, une goutte d'eau dans la mer, rendit encore plus populaire notre slogan : « Les premiers à devoir rentrer sqnt les Polonais de Russie. » Comment le gouvernement soviétique réagitil devant cette exigence ? Le 15 •décembre 1955, il publia une déclaration par laquelle il donnait son accord au retour des Polonais ayant des parents en Pologne, et qui étaient restés en Union soviétique après 1944-4 5 pour des raisons indépendantes de leur volonté. Quelle fut l'attitude du gouvernement de Cyrankiewicz ? Un numéro de décembre 19 56 de la Trybuna Ludu fit état de négociations menées en juin et en juillet. Le représentant du gouvernement chargé des rapatriés ouvrait officiellement un bureau dans la capitale soviétique. A la suite de ces déclarations, de nouveaux convois de rapatriés arrivèrent en Pologne. Selon la radio polonaise, plus de 23 .000 personnes rentrèrent. Ce résultat fut mis par nos compatriotes au compte de la campagne engagée par l'émigration polonaise en Occident. On apprit même, par les nouveaux arrivants, que nos émissions parvenaient jusque dans les camps coupés du monde, et qu'elles éveillaient l'espoir d'un retour prochain chez des milliers de malheureux. Un Polonais qui réussit à passer en Occident après avoir été prisonnier au camp de Tchourbaï-Moura, près de Karaganda, déclara : Il est difficile de décrire ce qui se passa au camp lorsqu'on apprit qu'Europe libre exigeait la libération des Polonais des prisons et des camps soviétiques. Cette nouvelle nous rendit l'espoir. Je suis profondément convaincu que je dois à la Voix de la Pologne libre d'être sorti de Russie soviétique. Votre radio m'a fait retrouver la liberté. On se souvint avec horreur des conditions épouvantables dans lesquelles vivaient paysans, ouvriers, prêtres, savants, officiers et soldats condamnés à des peines allant jusqu'à 25 ans. On se rappela les révoltes d'hommes désespérés, les convois où les prisonniers mouraient avant d'arriver au lieu de leur détention. Après 1950, une vague de révoltes gagna successiBiblioteca Gino Bianco 115 vement les camps sur tout le territoire soviétique. En 1953, 120 Polonais périrent lors du massacre de 1.300 prisonniers près de Vorkouta. Voici ce que nous dit un soldat de l'armée de la Résistance, rapatrié : J'ai été arrêté en Pologne orientale en 1944. J'ai été condamné à 15 ans de prison et emmené en Russie. Il y avait 120 hommes dans le wagon. Sur les 600 prisonniers du convoi, 150 personnes seulement arrivèrent à Moscou. Les exigences d'Octobre ENFIN, ce fut octobre 1956. Le cri le plus souvent répété lors des manifestations et des rassemblements spontanés fut : « Nous exigeons la libération des Polonais des camps et des prisons soviétiques * ! » La presse polonaise parla alors de plus en plus ouvertement des déportés. Le spectacle des rapatriés était terrifiant. Un témoin, qui se trouvait le 18 décembre 19 56 à la gare centrale de Varsovie, raconta l'arrivée de deux convois : La vue de ces hommes, presque tous âgés, était insupportable. Ils ne s'étaient pas rasés depuis une semaine. Ils portaient de longues bottes russes rapiécées. Tous étaient en haillons. Mais ce qui frappait le. plus, c'était leur apathie. Ils ne croyaient déjà plus au retour en Pologne. Ils donnaient l'impression d'être des hommes morts spirituellement et qui avaient déjà pleuré toutes leurs larmes. En les regardant, je ne pus retenir un sanglot. Des cris et des malédictions à l'adresse des Russes partaient de la foule de ceux qui les regardaient. Quelqu'un lança à haute voix : « Amenez ces malheureux au camarade Gomulka, qu'il voie ce qu'on en a fait ! » L'un des Polonais qui aida les étudiants à prendre soin des rapatriés décrivit ainsi l'atmosphère qui régnait à Varsovie : La population était indignée par le peu d'intérêt manifesté à l'égard des prisonniers libérés par les autorités gouvernementales ou communales. C'est seulement après de multiples protestations, émanant d'universitaires ou d'ouvriers, que le gouvernement se décida à rappeler son représentant trop soumis à Moscou, et à le remplacer par l'ancien ministre de la Marine, Mieczyslaw Popiel. La radio polonaise diffusa le 17 décembre une interview de Popiel qui annonçait pour 1957 le rapatriement de tous les prisonniers, y compris des « politiques ». L'hebdomadaire Po Prostu, st populaire à l'époque, écrivait : On a signalé à plusieurs reprises que des pressions morales ont été exercées sur des Polonais, auxquels on a rappelé que quitter le territoire de l'Union soviétique n'était pas un geste digne d'un communiste ou d'un membre du Parti, que cela pouvait nuire au • Nous en trouvons une conflrmnllon prudt•nte dun un article de Bohdnn Cze!lzko, ln Pruc,lad K. 11lt11ralny, 5 mars 1959.

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