Le Contrat Social - anno X - n. 2 - mar.-apr. 1966

LES DÉPORTÉS POLONAIS EN U.R.S.S. par Thadéé Katelbach 0 FFICIELLEMENT, le rapatriement des Polonais de Russie s'est terminé en mars 1959. Pourtant, comme le reconnaît la T rybuna Ludu du 19· juillet 19 59, plus de 24 .800 personnes sont revenues de Russie « dans la première moitié de l'année ». Passé cette date, on manque de données. Il faut attendre le 19 décembre 1963 pour lire dans le Slowo Powszechne, lequel se réfère à une déclaration du « Service social et administratif », que le rapatriement a pris fin en 1959. On pourrait en déduire que la question a été définitivement réglée en 19 59, et que tous les Polonais déportés en. Russie sont de retour. · Rien, à l'époque, n'aurait permis d'en juger autrement. Pendant cinq ans, Radio-Europe a gardé là-dessus un silence complet sans pour autant négliger de rechercher patiemment les traces d'hommes condamné~ à l'oubli, de rassembler des informations, aussi fragmentaires fussent-elles. Nos sources étaient tantôt un Italien revenu en Occident, tantôt un Allemand, un Lituanien ou un Espagnol. Nous avons systématiquement noté ces renseignements sur une carte de l'Union soviétique. Peu à peu, au fil des ans, commença à se dessiner une image de plus en plus claire. Il apparut qu'à la fin de 1963 il restait encore nombre de déportés polonais en Russie, internés dans plusieurs camps. Cet état de choses ne s'est pas beaucoup modifié. C'est ce dont témoigne une brève information du printemps dernier : Des milliers de Polonais vivent dans la région de Sémipalatinsk, théoriquement sous le statut de colons libres. Ils sont toutefois complètement coupés de l'extérieur et dans l'impossibilité totale d'entrer en contact ~vec les représentants de la République populaire de Pologne, ou avec leurs familles. Ils ne Biblioteca Gino Bianco reçoivent ni lettres m Journaux. Les autorités soviétiques leur interdisent de rentrer dans leur pays. Où se trouvent ces camps où, depuis des années, des Polonais déportés demeurent à ce jour contraints au travail forcé avec leurs camarades d'autres nationalités ? A Kam~nets-Podolsk et à Krivoï-Rog, à K.alouga, à Voronej, à Tobolsk, à Alma-Ata, au Caucase. En un mot, partout, de Léningrad au Kamtchatka, de l'Ukraine jusqu'aux rives du lac Baïkal. Et quel travail doivent accomplir ces hommes arrachés de force à leur pays et auxquels on refuse le retour ? Ils construisent des routes, abattent des arbres, travaillent dans des usines de ciment, des centrales électriques ou des carrières. Ils règlent le cours des rivières. Ils forent des puits de pétrole. Bilan du malheur COMBIEN SONT-ILS sur cette terre inhumaine ? Dans quelles conditions travaillent-ils, et que font les autorités qui se disent polonaises pour permettre à leurs compatriotes de rentrer enfin avec leurs enfants, après des années d'abandon ? Avant de répondre, revenons aux semaines tragiques du début de la dernière guerre mondiale, lorsque l'envahisseur soviétique, franchissant la frontière polonaise, entreprit de déporter en masse la population civile et les prisonniers de guerre. Rappelons-nous également les années de l'après-guerre, où l'occupant soviétique reprit les déportations. Cette deuxième vague emporta, entre autres, des milliers de soldats de la Résistance qui, jusqu'au bout, avaient lutté pour l'indépendance du pays.

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