110 ral a de reprendre le dossier des poursuites et du procès pour réviser les sentences s'il y a lieu, ce qui procure des garanties supplémentaires contre les violations de la légalité socialiste si fréquentes naguère 24 • D'un autre côté, la tendance à renforcer la « légalité socialiste » a été soigneusement bridée. Le système du jury a été rejeté comme , ' . . . . etant un retour a une mst1tut1on tsanste, et la présomption de l'innocence n'a pas été incorporée aux Principes fondamentaux de droit pénal. Alors que la compétence fédérale en matière d'élaboration des codes est notablement entamée, le parquet, lui, a été fortement centralisé. Nombre de garanties en matière de procédure que les avocats de métier désiraient voir incorporer aux codes ont été biffées au . stade des projets. La peine de mort a été rétablie pour certains « crimes économiques » et dans un cas au moins cette sentence semble avoir été appliquée rétroactivement en dépit des Principes fondamentaux de 1958 1/n. Les lois « antiparasites » adoptées par plusieurs Républiques fédérées à la fin de 1957 et par la R.S.F.S.R. en 1961 ont ressuscité les « actes socialement dangereux ». Les droujiny (milice du peuple), organisées en 1958, comptaient déjà un effectif de 2 ,5 millions de personnes en 1960 ; elles répriment avec beaucoup de zèle les infractions mineures, tandis que de leur côté les bytovyé otriady (patrouilles de volontaires) du Komsomol effectuent des visites domiciliaires afin de trancher les différends entre particuliers et inculquer les idéaux communautaires. En 1962, il a été décidé que s'opposer par la violence à l'arrestation, que ce soit de la part de la police ou d'une droujina, constituait un délit grave 26 • Enfin, la multiplication des « tribunaux de camarades », habilités à juger officieusement les peccadilles,. a été encouragée sous prétexte qu'ils contribuaient à hâter l'avènement du véritable communisme. LE TABLEAUQUI PRÉCÈDEincite à conclure que la conception soviétique du droit n'a pas complètement rompu avec son passé récent, 24. Cf. le discours du procureur général R. A. Rudenko devant le Soviet suprême le 25 déc. 1958, pour présenter le projet des Principes fondamentaux de droit pénal. Publié dans le compte rendu sténographique de la cinquième réunion (deuxième session) du Soviet suprême de l'U.R.S.S. (Moscou 1959). Cf. également l'extrait traduit in John N. Hazard et Isaac Shapiro : The Soviet Legal System, New York 1962, pp. 10-11. 25. Cf. Casimir Grzybowski : • Le droit pénal soviétique •, in Contrat social, juillet-aoQt 1965. 26. Cf. Kline, loc. cit. (n.3), pp. 28-29. B.ibliotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE ainsi que l'a fort bien ·défini le professeur Harold J. Berman, de l'université Harvard : Si, dèrrière sa structure, on examine les desseins du droit soviétique, on constate qu'il demeure un droit totalitaire, en ce sens qu'il s'efforce de régler· tous les aspects de la vie économique et sociale, y compris le cours de la pensée; en même temps, il permet que les questions primordiales concernant le pouvoir politique soient décidées par des procédures irrégulières et secrètes sans que les organes législatifs ou judiciaires aient leur mot à dire. Il demeure le droit d'une économie planifiée. Il demeure un droit dont la fonction première est de discipliner, de guider, de former et d'éduquer les citoyens soviétiques pour en faire des membres dévoués d'un ordre social collectivisé et militarisé 21 • Au mieux, la « philosophie du droit » prônée par la direction du Parti ressemblè aux mobiles qui pourraient être ceux d'un tribunal pour enfants en Occident : le devoir du citoyen soviétique est d'être un enfant sage, de travailler dur, d'obéir à ses aînés, d'apprendre à vivre et à jouer avec les autres. Contre cette « philosophie » s'exerce la résistance des citoyens soviétiques qui ne se sentent plus des enfants entièrement dépendants, qui exigent des garànties, des droits, qui veulent que l'on reconnaisse tant soit peu leur dignité d'hommes et leur dignité professionnelle. La plupart du temps, ces revendications sont enrobées dans le jargon marxiste, cela afin d'en atténuer le caractère explosif. · La complexité de la situation réside dans le fait que la tension entre la « légalité socialiste » ( qui reflète l'influence des concepts occidentaux) et le paternalisme coercitif des bolchéviks pénètre dans une certaine mesure à tous les niveaux de la société soviétique, jusque dans le Parti lui-même. A l'heure actuelle, les dirigeants tentent de gagner sur les deux tableaux et il n'est pas question d'exprimer en U.R.S.S. une critique sans rendre hommage du bout des lèvres au paternalisme bolchévique. Les résultats pratiques sont en fait considérablement meilleurs qu'au temps de Staline, mais les apologies éclectiques qui les accompagnent en prônant une philosophie du droit ou encore une Weltanschauung marxiste peuvent difficilement passer pour des contributions théoriques à la compréhension du droit et de son rôle dans la société. EUGÈNE KAMENKA. , (Traduit de l'anglais) 27. • The Dilemma of Soviet Law Reform t, in Harvard Law Review, vol. 76 (1963), p. 930.
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