ROUSSEAU -ET LA DÉMOCRATIE par Simone Pétrement I LES PLUS IMPORTANTES des inventions, celles qui p~rmet!ent d:utiliser toutes les autres et den fatre naitre de nouvelles, sont celles qui concernent les moyens de transport. Le progrès technique a cons~sté.surtout à. faciliter, à multiplier les commurucatlons. C'est ainsi qu)a été rendue possible la division du travail, que sont apparus les Etats modernes et que se constituent peu à peu, au-dessus de ces Etats, de grands empires économiques. Si la société forme un tout de plus en plus énorme et puissant, ce tout ~t cette puissance sont d~ plus en plus séparés des hommes, de plus en plus transcendants, pour ainsi dire. Les individus étant dispersés sur des territoires de plus . ~ . . ., en plus vastes et ne pouvant pas se reuntr immediatement leur union et leur force se trouvent seulement' dans le pouvoir central, ou bien dans les œuvres humaines, dans les constructions et les machines, dont les plus considérables et les plus redoutables appartiennent à ce ~ême pouvoir. L'histoire montre que les habitants des grandes plaines n'ont jamais. été yrai~en! libres : tout pays est une plaine auJourd hui parce que les communications sont faciles; cellesci se faisant par machines et par voies tracées, les chefs peuvent toujours saisir ces machines et tenir ces chemins. S'il est vrai que la meilleure garantie de liberté pour l'individu est la puissance de la collectivité comme l'ont soutenu Rousseau et les sociali;tes, c'est seulement à la condition que cette puissance ait le moyen de s'exercer directement et immédiatement. Le peuple des villes a presque toujours été assez libre parce Biblioteca Gino Bianco qu'il se rassemblait promptement, et les rois de France, tout absolus qu'ils étaient, ménageaient fort l'opinion des Parisiens. Quant aux paysans, si leur dispersion leur ôtait l~s moyens de constituer une force, elle les rendait souvent assez difficiles à atteindre, surtout dans les pays de montagne et là où _de no~~reux canaux ou rivières, ou des voies maritimes, divisent la terre. Mais la situation la plus favorable au pouvoir absolu est sans dout~ celle où les êtres humains sont tellement unis par la vie économique qu'il est facile d'agir sur eux, et où cependant ils ne sont pas réellement rassemblés ni voisins les uns des autres. Or c'est la situation présente. C'est pourquoi, dans l'Etat moderne, celui qui occupe la place centrale, celui qui possède les armes et les moyens de communication, dispose de presque tout. La collectivité a de plus en plus de force dans ses œuvres et dans ses chefs, elle en a de moins en moins directement. Les communications étant de plus en plus rapides, les Etats sont de plus en plus grands. Même quand les frontières ne paraissent pas cha?ger, les pays se réunissent en groupes économiques et politiques, formant ainsi de nouveaux Etats plus étendus. Et c'est la grandeur des Etats qui a toujours fait, plus que toute autre chose, la force de la tyrannie. Rousseau l'avait dit avec raison. Lorsque les sujets d'un même Etat sont dispersés, lorsque leur union n'est que dans les pouvoirs chacun a contre soi, s'il veut résister, la force' de tout l'ensemble, par conséquent une force d'autant plus grande que l'Etat est plus grand. Dans un grand Etat, celui qui est au centre a plus de force ; celui qui se trouve à la périphérie ne représente jamais rien de plus que lui-même. Il peut sans doute essayer
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