LE CONTRAT SOCIAL ner courageusement le coup de pied de l'âne au cadavre de Pasternak et de vanter avec son impudence habituelle le génie de Cholokhov, réalisant par cette infamie ajoutée à tant d'autres un coup de publicité à l'américaine dont il a le knack et la routine. L'Académie suédoise comprit et s'empressa humblement, servilement, d'obtempérer, cette fois sans prendre même la précaution d'alterner*, et décerna d'urgence le prix de 1965 à ce Cholokhov qui avait déversé sur elle et sur Pasternak un tombereau d'ordures. Passant outre à la cuisine nauséabonde qui aboutit à ce beau résultat, car la place nous est mesurée, on va montrer ce que vaut le nouveau lauréat et, par conséquent, à quel niveau est tombée ladite Académie -puisque, dit un certain Matthieu, « c'est au fruit qu'on reconnaît l'arbre ». ,,*.,,. Dans le Contrat social de janvier dernier, l'étude remarquable d'Ivanov-Razoumnik accorde à Cholokhov un bon roman, Le Don paisible, et ne mentionne que pour mémoire un mauvais livre, Terres défrichées. Mais ce qui importe, remarque le grand critique et historien russe persécuté, c'est « le fait que Le Don paisible présente une pente dont le faîte se situe au premier tome ; ensuite, de tome en tome, l'écriture faiblit, les images se répètent et s'affadissent, l'intérêt tombe ». En eff~t, la première partie, publiée en 1928, date à retenir, contraste avec le reste, paru en 1940. Pourquoi cet intervalle, qui coïncide avec la « pente » fâcheuse décelée par Ivanov-Razoumnik, et pourquoi Cholokhov n'a-t-il produit en outre que des choses au-dessous du médiocre ? L'explication se trouve peut-être dans l'article d'Arkadi Gaïev, le critique littéraire de l'Institut d'études sur !'U.R.S.S. (bulletin n° 34, du 16 novembre). Au lieu de terminer son Don paisible, Cholokhov sortit en 1932 ses décevantes Terres défrichées, comme s'il avait éprouvé le besoin de prouver quelque chose. De prouver quoi ? Dans les cercles littéraires soviétiques, écrit Arkadi Gaïev, « on savait une histoire extrêmement désagréable pour Cholokhov : il était accusé de plagiat, on affirmait que Le Don paisible avait été l'œuvre d'un officier de l'armée blanche tué dans la guerre civile, et dont • Pour l'alternance, le comité Nobel a recours de pr6fvence aux diplomates, c'est-à-dire à des gens qui ont des relatlom. Saint-John Perse, Ivo Andrltch, Georges Seferls 1ont dea diplomates. Biblioteca Gino Bianco 379 Cholokhov s'appropria le manuscrit ». Pour réfuter cette accusation, Cholokhov dut montrer de quoi il était capable et se mit à produire un livre de son cru, qui d'ailleurs confirme les suspicions. Ses deux livres ultérieurs sont encore moins lisibles. L'Académie suédoise, cédant lâchement à des pressions inavouables, aurait donc couronné l'auteur d'un fragment d'ouvrage paru en 1928 et dont la paternité est au moins douteuse. Pour abréger, nous passons outre, cette fois, aux révélations du New York Times sur les tripatouillages qui ont encore retardé l'achèvement du Don paisible. A-t-on jamais vu attribution analogue du prix Nobel pour les premiers chapitres d'un roman, avec trente-sept ans de retard ? Un certain M. Osterling, dont le nom apparaît pour la première fois en l'occurrence, du moins en France, aurait déclaré que « Le Don paisible justifie certes à lui seul cette distinction », alors que les précédents contredisent ce propos et que la personnalité morale du bénéficiaire était toujours entrée en ligne de compte (sauf, évidemment, pour le très méprisable Sartre). Que vaut un Cholokhov au moral, étant entendu qu'il n'existe plus dans l'ordre littéraire après 1940, excepté pour M. Osterling qui, sur ce chapitre, n'a fait qu'étaler son ignorance ou la plus basse complaisance ? Cholokhov a été un des plus vils courtisans de Staline, est encore des plus odieux apologistes des crimes de Staline et de son entourage. Il s'est mis au service inconditionnel de Khrouchtchev comme auparavant de Staline, comme à présent des successeurs, toujours empressé aux ordres de ses maîtres et visiblement préoccupé de leur donner des gages en ne répugnant à aucune surenchère, récemment encore en bavant sur Pasternak. On ne peut s'empêcher de voir là une confirmation des origines du Don paisible, sa conduite étant celle d'un individu qui a dans son dossier une sale affaire, qui craint la révélation publique de son imposture. Quelques échantillons de sa prose écœurante donneront une idée de ses « qualités du cœur et de l'intellect ». Voici d'abord son dernier hommage à Staline : ADIEU, P}jRE ! Quelle soudaine et terrible impression d'être devenu orphelin ! Le Parti, le peuple soviétique, les travailleurs du monde entier sont orphelins ... Depuis le jour de la mort de Lénine, l'humanité n'avait pas été frappée par une perte aussi lourde, aussi démesurément lourde. Nous avons perdu le père de tous les travailleurs et, en même temps que le
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