CHRONIQ!!E Nobel, tel quel IL Y A plusieurs prix Nobel. Ceux qui ont trait aux sciences ne sont pas de notre compétence. Il ne sera question ici que du prix de littérature, décerné par un comité de l'Académie suédoise. Tout de suite, une première question se pose, que pourtant personne ne songe à poser comme il se doit, mais il est temps de le faire : qui sont les membres de cette Académie et de ce comité, quelle qualité ont-ils pour attribuer ce prix retentissant, ce prix publicitaire, ce prix devenu tapageur et scandaleux ? Personne n'en sait rien. Leurs noms sont inconnus, non moins que leurs titres. Tous les perroquets de la presse et de la radio répètent à l'envi « prix Nobel » comme s'il s'agissait d'une autorité indiscutable et de la récompense suprême. Des milliers et des milliers d'autres ~ ' perroquets font écho. Mais encore une fois, pourquoi ces messieurs dont nul ne sait, sauf peut-être en Suède, comment et pourquoi ils ont été sélectionnés, ni s'ils possèdent l'équivalent de notre certificat d'études primaires, pourquoi ces inconnus sont-ils reconnus comme juges infaillibles des valeurs littéraires ? Il y a là quelque chose d'absurde, et d'une absurdité qui devient intolérable par son ampleur et par l'orientation qu'elle dessine, d'une absurdité décuplée, centuplée par la technique actuelle de l'information exagérée et du « viol des foules ». On peut parler d'orientation, car c'est au service de l'Orient communiste que les académiciens suédois ou leurs fonctionnaires, depuis quelques années, organisent leur battage périodique. Et en vertu de quoi ? Uniquement en vertu des énormes sommes d'argent dont ils disposent, léguées par l'inventeur de la dynamite. Car on ignore complètement ce qui les qualifie pour imposer leur choix à l'univers, ils n'ont d'autre prestige que celui de l'argent, en bonnes couronnes suédoises, monnaie forte. Notre civilisation serait donc tombée si bas ? L'Académie de Stockholm, comme tous les corps constitués, se renouvelle sans doute à mesure que le temps passe. Celle d'aujourd'hui n'est plus celle qui couronnait, c'est le cas de le dire, Sully Prudhomme pour son « idéalisme élevé », pour ses « qualités du cœur et de l'intellect ». Il est fréquemment question d' « idéalisme » dans les motivations du palmarès. Mais citons le Larousse du xxe Siècle : « Les prix Nobel sont destinés à récompenser les bienfaiteurs de l'humanité » ; le prix de littérature est attribué « à celui qui, dans le domaine des lettres, aura produit ·l'œuvre la plus haute dans le sens idéal ». Admettons que tout évolue, que les Suédois en question veuillent se mettre au goût du jour. Cependant, « le mauvais goût mène au crime », disait Stendhal. 1 En 19 5 8, l'Académie suédoise, par erreur ~ et par ignorance, choisit Pasternak en croyant faire plaisir aux complices et successeurs de Staline : aucun Russe n'avait eu le prix depuis Bounine, en 1935, et il s'agissait de trouver un écrivain soviétique présentable. On doit supposer que les académiciens, incompétents en la matière, ont posé des questions à droite et à gauche, que le nom de Pasternak a été le plus souvent prononcé. Motif de l'attribution du prix à Pasternak : « Pour son œuvre importante dans la poésie lyrique contemporaine et dans le domaine de la tradition épique russe. » Or la poésie ne se laisse pas traduire et, même en Russie, celle de Pasternak ne se laisse apprécier que par des lettrés assez raffinés. Le roman Docteur Jivago, annoncé par les revues soviétiques, n'avait alors paru qu'en italien chez un · éditeur communiste. Pour plaire à Moscou, l'Académie suédoise avait gaffé, elle obtenait l'effet contraire et provoquait, à son corps défendant, l'ignoble réaction soviétique qui mena le malheureux Pasternak prématurément au tombeau. Pour se racheter, ladite Académie dénicha l'année suivante un communiste stalinien bon teint nommé Quasimodo, qui avait l'avantage d'être au-dessus ou au-dessous de toute critique puisque personne ne l'a lu : on ne savait même pas qu'il existât. Bien entendu, il serait par trop maladroit ·de ne désigner que des communistes. Il faut alterner. Les influences et les cabales qui s'exercent à Stockholm nous échappent dans le détail et par conséquent on se limitera ici aux cas évidents. Donc, en 1961, l'élu fut Andritch, pour flatter l'honneur national du communisme yougoslave, et, en 1964, le très méprisable Sartre, politicien staliniste interlope qui s'empressa, pour entretenir les bonnes grâces de Moscou à son égard, de donBjblioteca Gino Bian·co • 1 '
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