CHRONIQ!!~ Clio et le stalinisme UNE QUESTIONCONTROVERSÉeEn permanence est celle de ce qui subsiste de stalinisme essentiel dans le prétendu « marxisme-léninisme » de nos jours. Pour qui ne se laisse point prendre aux apparences ni aux subterfuges, l'essentiel du. stalinisme persiste si l'on tient pour tel le mensonge érigé en règle absolue, l'omni-mensonge qui imprègne et conditionne toute la vie soviétique. Puisqu'il faut nécessairement traiter séparément des divers plans et aspects de la vie soviétique, il sera question ici des conditions dans lesquelles les historiens communistes sont tenus de compiler leurs productions soumises à la raison d'Etat, c'est-à-dire aux instructions reçues du Part~ au mépris de la vérité historique comme de la .vérité tout court. Encore s'agit-il de conditions nouvelles contrastant par leur « progrès » relatif avec celles qui étaient en vigueur sous Staline, puis sous Khrouchtchev, conditions relativement « libérales » selon le vocabulaire en cours. La revue Kultura publiée en France par des intellectuels polonais en exil a donné dans son n ° 5 / 211 de mai dernier le compte rendu de discussions qui se tinrent en juin 1964 à l'Institut d'histoire de l'Académie des sciences, à Moscou, entre historiens soviétiques, au sujet du tome IX de l'I-Jistoire de /'U.R.S.S. depuis les origines, ouvrage qui doit embrasser la période écoulée de 1933 à 1941, celle où les pires abominations du stalinisme ont commencé de se donner carrière. Des étudiants communistes polonais assistèrent à ces discussions et prirent des notes auxquelles le monde extérieur est redevable de ce compte rendu approximatif, certes, mais révélateur. Une version française ayant paru dans Est et Ouest, n ° 346 de juillet dernier, nous nous bornerons à en tirer une analyse sommaire accompagnée d'un très bref commentaire. Le lecteur attentif remarquera l'étonnante confirmation que ce compte rendu apporte aux critiques formulées en la matière par la présente revue depuis sa fondation, notamment au Viol de Clio (n° de mars 1961) et aux Malheurs de Clio (n° de mai 1964). Le colloque est appelé à discuter la « maquette » du tome IX, autrement dit l'ébauche ou le texte non définitif de cette œuvre collecBibliotecaGino Bianco -. tive, sous la présidence de l'académicien KIM. Des professeurs et des étudiants y participent ou y assistent. Une des rédactrices dudit tome, lAKOUBOSKAIyAp, rendra la parole pour défendre son ours. KoROUCHE(VAlexandre Pavlovitch), à propos de la période du deuxième plan quinquennal, suscite des protestations dans la salle quand il rappelle qu'en 1933 les étudiants tombaient d'inanition en faisant queue dans l'attente d'une soupe. Il poursuit néanmoins en disant que seuls des chefs du Parti sont « réhabilités » · alors que des masses de condamnés innocents ayant accompli de grands travaux publics ne le sont pas encore. Il souhaite qu'au moins le nombre de ces victimes soit mentionné dans le tome IX et que soit mise en lumière la situation des paysans : pire en 1933 qu'en 1913. Sur quoi GuENKINA(une staliniste chevronnée) s'exclame : « S'il en fut ainsi, à quoi bon la révolution d'Octobre ! » Mais le jeune historien continue en demandant que la vérité soit dite enfin sur la collectivisation forcée : les kolkhoziens recevaient 2 kg de blé sur 69 qu'ils produisaient en moyenne. Et le pacte Hitler-Staline ? Et la guerre de Finlande? Et pourquoi avoir décapité l'armée ? Et combien d'officiers, 33.000 ou 40.000, ont-ils été liquidés par Staline? Après cette sincère et courageuse intervention, lÉKIRIMrépudie comme déplacés les éloges du « fanatisme » socialiste de Staline, estimant que celui-ci n'a fait qu'entraver la construction du socialisme. Pourquoi le tome IX n'expliquet-il pas l'origine des lois de répression, ne mentionne-:t-il pas l'usage des tortures physiques pour arracher de faux aveux aux innocents ? Il faut nommer les victimes. ToMOUNOdVément que l'avènement d'Hitler ait causé la fin de la démocratie en U.R.S.S. : ce fut Staline le responsable. Le tome IX devrait expliquer le « culte de la personnalité », et pourquoi et comment le peuple a cru _enStaline. Après lu,i, NEKRASsovA préconise de dire la vérité sur les plans quinquennaux. GuENKINAestime alors opportun de réagir contre ces critiques, qu'elle juge exagérées : ·« Quelles conclusions les gens vont-ils en tirer ? » Comment le Parti a-t-il pu supporter tout cela pendant trente ans? Ce tome IX
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