Le Contrat Social - anno IX - n. 4 - lug.-ago. 1965

10 . geants et les formes inédites, qui décon~erten~~t prennent au dépourvu les defenseurs dune c1v1lisation irrésolue et désorientée. La conférence de Potsdam faisait suite à celles de Téhéran et de Ialta dont elle est inséparable et par conséquent doit être ,a?préciée en con: nexion avec les deux precedentes, ce qui condamne toute la littérature politique de bas étage selon laquelle la participation de la France à la conférence de Ialta aurait pu changer le cours des choses. Outre que Stalin~_n',admettait absolument pas la France aux dehberations des trois puissances principales, rien ne. décèle la moindre conception, la moindre volonté, la moindre possibilité françaises propres à modifier les vues des maîtres de l'heure. La France se rallia explicitement aux accords de Potsdam en formulant seulement des réserves mineures sur « la reconstitution des partis politiques pour l'ensemble de l'Allemagne » et sur « la création de départements administratifs centraux », puis des réserves plus importantes en préconisant « la séparation définitive de la région rhéno-westphalienne, Ruhr· comprise, d'avec l'Allemagne ». Quoi qu'on puisse penser de cette exigence irréalisable dans les conditions données, puisque Staline avait déjà refusé de s'y prêter lors de ses entretiens avec de Gaulle à Moscou en 1944, personne ne prétendra sérieusernent que sa réalisation eût détourné Staline de ses desseins perfides, eût normalisé et stabilisé la situation en Europe. Le projet américain de réduire l'Allemagne et le Japon à l'impuissance définitive aux flancs d'un Empire démesuré à visées universelles s'avéra très vite aussi inconsistant qu'impolitique. L'aberration calamiteuse de Roosevelt, partagée en partie par Churchill, puis différemment par Truman, fut de regarder Staline comme un allié véritable dans une cause commune défensive de leur démocratie alors qu'il n'était qu'un partenaire occasionnel et involontaire, acculé malgré lui par Hitler à ce rôle équivoque, _et qu'un ennemi invétéré de toute démocratie, bien résolu à jouer en traître son propre jeu de domination impéraliste aux frais non seulement des vaincus mais aussi des vainqueurs. Les politiciens américains et britanniques ignoraient le mot de Lénine, applicable dans tous les c~s majeurs : « Staline conclura un compromis pourri et trompera. » Dans leur impardonnable méconnaissance des réalités soviétiques, ils ont supposé qu'un cruel et sanglant de~pote, sa?s principes ni scrupules, capable des pues f~rfaits dans sa politique intérieure, se comporterait correctement en matière de politique internationale. De cette absurdité monstrueuse allaient s'ensuiBibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL vre des malheurs irréparables et la sinistre situation « ni paix ni guerre » où se débat le monde actuel, plus exactement « ni paix véritable ni guerre générale déclarée », mais qui présente les aspects changeants et formes inédites de la troisième guerre mondiale hypocritement surnommée coexistence pacifique. ROOSEVELT DISPARU, Truman n'était pas mieux préparé à traiter avec les « s~ns scrupules conscients » de Moscou. Moins prétentieux que son prédécesseur, il a su d'abord avec bon sens tenir ferme sur certains points au cours des négociations de Potsdam. Mais mal instruit de formation et sans doute mal guidé par des conseillers épisodiques, il céda ensuite sur l'essentiel, notamment en acceptant les faits accomplis au sujet de la Pologne, particulièrement abominables entre beaucoup d'autres. Le sort des futures « nations captives » (Etats baltes, pays des Balkans et de l'Europe centrale) était ainsi tranché d'avance. Ayant inconsidérément laissé les armées soviétiques occuper des territoires dont on ne pourrait les déloger par persuasion, Truman permit même à Staline de poser bientôt au vainqueur du Japon après cinq jours de promenade militaire en Mandchourie que l'histoire et la propagande communistes inscrivent impudemment à la gloire impérissable du régime. Dé_tailridicule et consternant, le président des Etats-Unis s'oublia jusqu'à pianoter des préludes de Chopin pour charmer Staline, amateur averti de piano mécanique 2 • Il n'aurait pu rien imaginer de mieux pour se déconsidérer aux yeux de son cynique interlocuteur. Quant à Churchill, assez clairvoyant pour pressentir les complications désastreuses à venir derrière le « rideau de fer », U se fit battre aux élections en pleine conférence et remplacer par une nullité travailliste devant Staline décidément favorisé du sort. On ne tarda pas à s'apercevoir des , consequences. En décidant de se rendre à Téhéran, puis à Ialta, puis à Postdam pour confabuler avec 2. Dès qu'il se sentit maître du Parti unique et de l'Etat soviétique, Staline s'offrit pour sa délectation personnelle, aux frais du bon peuple, un piano mécanique à rouleaux de carton perforé comme on en voyait jadis dans nos guinguettes de banlieue et les villes de garnison. Ce n'est là qu'un des traits caractéristiques de ce philistin devant lequel se sont prosternés tant d' « intellectuels de gauche » (sic), et pas seulement ceux de gauche, pendant plus d'un quart de siècle. Appelés « intellectuels » par antiphrase, ces gens seraient encore en leur posture abjecte, n'étaient les aveux partiels de Khrouchtchev et consorts sur les « erreurs » et les atrocités commises par Staline.

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