-Débats et recherches ·COMMUNARDS ET PÉTROLEUSES * par Yves Lévy LA COMMUNeEst une étrange aventure. Venue au ·monde inopinément, elle n'eut guère le temps de prendre forme. Mais comme c'est une aventure révolutionnaire, des historiens passionnés l'attaquent ou la défendent. Et parmi ceux qui la défendent, certains s'attachent à certains traits, d'autres à des traits tout opposés. La Commune demeure ainsi un sujet de choix pour les controversistes. Cependant il y a aussi, pour traiter de la révolution de 1871, de purs historiens, soucieux surtout de connaître le vrai des choses. Commençons par l'un d'eux. Maurice Dommanget accomplit le paradoxe d'être à la fois un vieux militant dont l'activité ne s'est jamais démentie, et un historien d'une probité absolue, au sens plein de cet adjectif. Tout ce qu'il écrit est d'une certitude quasi parfaite, fondé sur des textes précis qu'il a lus avec attention et interprété sans prévention. Il croit indubitablement que le travail de l'historien consiste à rechercher et regrouper tous les faits assurés sur un sujet donné. Cela repose merveilleusement des irisations de ces innombrables dissertations historiques où les faits disparaissent, comme la poussière autour de laquelle l'huître forme sa perle. Dès 1928, M. Dommanget publiait une brochure sur L)Instruction publique sous la Commune) titre qui, en tête du texte, devenait : L)Instruction publique, les Sciences et les Arts sous la Commune. C'est cette brochure qui, mise au point et refondue avec divers articles postérieurs sur la culture, l'éducation et l'enfance sous la Commune, a donné naissance au p~tit volume d'aujourd'hui. L'auteur a rassemblé à peu près tous les renseignements qui • Le présent article rend compte des ouvrages suivants : Maurice Dommanget : L'Enseignement, l'enfance et la culture sous la Commune. Paris 1964, Éditions-Librairie de l'Étoile, 174 pp. S. Froumov: La Commune de Paris et la démocratisation de l'école. Moscou, s. d. (1964?), Éd. du Progrès, 328 pp. Édith Thomas : Les «Pétroleuses». Paris 1963, Éd. GaJJimard (coll. « la Suite des temps»), 288 pp. Jacques Rougerie : Procès des communards. Paris 1965, René Julliard édit. (coll. «Archives»), 261 pp. Henri Lefebvre : La Proclamation de la Commune. 26 mars 1871. Paris 1965, Éd. Gallimard {coll. « Trente journées qui ont fait la France »), 488 pp. Bi.blioteca Gino Bianco concernent son sujet et les utilise en _segardant - quelles que soient ses sympathies (que l'on connaît bien) - de sous-estimer les passions des communeux et de surestimer leur œuvre. Il ne dissimule pas que nombre de professeurs « sur lesquels on était en droit de compter » refusèrent leur concours à la Commune. Il remarque que bien des communards manifestaient une « orientation plus antireligieuse que laïque », que la Commune ne fournit aux écoles aucun manuel nouveau en aucune discipline et « qu'elle n'en a même pas eu l'idée ».Encontrepartie, il fait un relevé complet de l'activité communaliste en matière scolaire, retraçant les efforts d'Edouard Vaillant, délégué à l 'Enseignement à partir du 20 .avril, et ceux des responsables des divers arrondissements de Paris. A vrai dire, bien que les communards aient, avant la IIP République, posé les principes de la laïcité, de la gratuité et de l'obligation, et esquissé un enseignement professionnel, leur œuvre ne fut en cette matière (comme en bien d'autres) ni harmonieuse ni complète, mais le temps manqua, et les circonstances ne furent guère favorables. « La Commune, écrit Dommanget, était en premier lieu une barricade. » ·-· -- - - -✓-.,.. Certes. Pour les communards. Mais le Paris des autres Parisiens continuait à vivre. Dommanget signale que le théâtre et la musique ne reflétèrent en rien la lutte révolutionnaire. Il rappelle aussi que toutes les sections de l'Insti- . tut (hqrmis l'Académie française) tinrent régulièrement leurs séances pendant toute la Commune. Faute de temps sans doute, mais vraisemblablement aussi pour d'autres raisons, la Commune ne semble pas avoir arraché tous les Parisiens à leurs soucis habituels. Et l'on peut se demander dans quelle mesure les communards eux-mêmes furent parfaitement conscients q'être les acteurs d'une tragédie exceptionnelle., Dommanget rappelle que le 22 mai, selon le témoignage de Vuillaume, un déjeuner réunit à la délégation de l'Enseignement une douzaine de personnes qui parlèrent de la possibilité d'échanger Blanqui contre les otages. Et il ajoute qu' « en ce dimanche où les Versaillais dépassaient le Trocadéro, il est à penser que la
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