C. GRZYBOWSKI régulière de la législation criminelle conforme aux principes fondamentaux du système pénal. était dans la meilleure tradition stalinienne. Le régime revenait en somme sur la promesse (implicitement contenue dans les réformes) que le droit pénal serait stable et que la politique pénale tendrait à prévenir le crime plutôt qu'à atteindre les objectifs du moment. En outre, les arrêtés eurent pour effet d'introduire dans les codes pénaux la définition de nouveaux crimes, ainsi que des sanctions plus lourdes. Le plus grave concernait l'application étendue de la peine de mort, à l'encontre de la promesse expresse formulée à l'article 22 des Principes généraux, aux termes duquel la peine capitale ne devait être infligée qu'à titre exceptionnel pour quelques-uns des crimes les plus graves. Les arrêtés en question furent promulgués au cours de l'année qui suivit l'entrée en vigueur du code pénal de 1960 pour la R.S.F.S.R. Le premier, publié le 25 mars 1961, aggravait fortement les sanctions applicables en cas de transactions monétaires illicites graves ou effectuées par des professionnels du crime. Le second, promulgué le 5 mai, autorisait l'application de la peine de mort par fusillade pour de nombreux crimes économiques (entre autres le vol de biens d'Etat ou publics, et la fabrication « professionnelle » de fausse monnaie), ainsi que pour d'autres crimes commis par des récidivistes ou des condamnés purgeant une peine infligée pour crime grave. Un arrêté du 24 mai prévoyait des sanctions pour les fraudes commises en matière de prévisions comptables. Un arrêté du 1er juin aggravait encore les sanctions applicables pour les formes graves de transactions monétaires illicites, prévoyant cette fois la peine capitale. Un arrêté du 15 février 1962 introduisait de nouvelles mesures disciplinaires - y compris la peine de mort dans les cas graves - pour les délits commis contre les membres de la police et des brigades de volontaires du peuple. Un second arrêté pris à la même date prévoyait la peine de mort pour les cas de viol qualifié. Enfin un arrêté du 20 février 1962 prévoyait des sanctions plus sévères, y compris la peine de mort, pour les fonctionnaires ayant accepté des pots-de-vin. Par suite de cette nouvelle législation, l'ambiance judiciaire s'était également modifiée. La cour suprême de !'U.R.S.S., dans les instructions adressées aux tribunaux relativement aux affaires jugées en vertu des nouveaux arrêtés, recommandait de ne pas minimiser l'atteinte portée à l'ordre social par les crimes d'ordre économique : Biblioteca Gino Bianco 239 Lorsqu'ils entendent une affaire criminelle [particulièrement grave] les tribunaux commettent une grosse erreur en sous-estimant le tort que ce crime porte à l'ordre social et, en conséquence, en imposant des sanctions légères, notamment dans les cas de vols importants de biens appartenant à l'Etat ou de biens publics 11 • Tout aussi révélateur est l'accent (qui rappelle les idées staliniennes) mis sur le rôle de l'Etat et du Parti durant la période d' « édification du socialisme ». La déclaration de N. R. Mironov, chef de la· section des organes administratifs au Comité central du P.C. de !'U.R.S.S., est typique à cet égard : Ce n'est pas l'incidence [des crimes particulièrement graves] qui s'est accrue, mais plutôt l'implacabilité du peuple soviétique envers tous les éléments qui jettent la honte sur notre société et nuisent à la vie soviétique (...). Certains pensent que l'intensification des mesures de répression judiciaire envers les crimes particulièrement graves va à l'encontre de la politique du Parti qui consiste à restreindre les fonctions administratives et répressives de l'Etat, à les remplacer graduellement par l'emploi de méthodes visant à influencer et à endoctriner le public. Il est impossible d'admettre ces conceptions. En fait, Mironov soutient que, bien que le nombre des criminels soit relativement insignifiant, ceux qui continuent de s'adonner à des activités criminelles n'en peuvent être découragés que par la menace de l'anéantissement physique 10 • L'étude de la première affaire jugée selon les arrêtés spéciaux permet d'évaluer certains effets pratiques de la nouvelle orientation. Aux termes de l'arrêté du 25 mars 1961, trois hommes, Rokotov, Faïbichenko et Edlis, furent condamnés par le tribunal municipal de Moscou au m~imum, 15 années de prison, pour s'être livres à des transactions illicites portant sur des objets précieux et des devises étrangères. Le procureur général fit appel a minima. L'affaire fut portée devant la cour suprême de la R.S.F.S.R., laquelle jugea les accusés selon les termes du second arrêté sur les transactions monétaires illicites pris entre-temps, le 1er juillet 1961. Cette fois, le trio fut condamné à être fusillé 11 • La procédure était, en l'occurrence, d'une irrégularité manifeste. Comment supposer que l'essentiel des activités criminelles des accusés avait eu lieu avant l'arrêté de mars 1961, puisque le premier procès s'était tenu en juin ? Si tel était le cas, la première sentence rendue par le tribunal municipal de Moscou constituait 9. Pravda. 4 sept. 1961. 10. N. R. Mironov : « Renforçons la l~aalit~ et l'ordre public» in la YI~du Parti. Mosco'-'• 1962. n° 5. • 11. Pra,•da, 16 juin et 21 juillet l961.
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