E. DELIMARS N. M. Pavlova, docteur ès sciences biologiques et chef d'une section du VIR, nous écrit : « Notre collectif est par trop timide. Il est incapable d'une lutte difficile. Néanmoins, il y a eu maintes circonstances où les collaborateurs du VIR étaient unanimes à protester contre une injustice flagrante. Mais sans aucun succès, comme dans le cas de Tétérev, ex-chef de la section des cultures fruitières. Le collectif le considère comme un personnage taré et ne veut plus de lui. Mais il n'arrive pas à l'éliminer. La bienveillance excessive de la direction envers ce collaborateur (...) indigne profondément notre collectif. Le comité du Parti et le comité syndical du VIR ont protesté contre la création d'un laboratoire spécial et contre la nomination de Tétérev à la tête dudit laboratoire. En vain. Tétérev dirige maintenant une section des cultures fruitières dans les régions du Nord, spécialement créée pour lui. » Tout cela n'empêche pas Sizov d'user, pour se justifier d'un argument-massue : Je suis d'origine ouvrière, membre du Parti depuis plus de quarante ans, titulaire de cinq décorations, et ne suis nullement inabordable (Komsomolskaïa Pravda, 16 mars 1965). Nous nous sommes arrêtés longuement sur la « réfutation » de Sizov, car sa personne offre un échantillon parfait du lyssenkovien pur sang, prêt à utiliser tous les moyens, même les plus ignobles, pour imposer sa volonté, son interprétation de la ligne du Parti, sans s'embarrasser de conscience scientifique ni de conscience tout court. C'est un excellent exemple d'un véritable produit du régime, de l'homo sovieticus pour lequel le seul et unique critère moral d'un acte est son utilité à la cause du communisme par les voies et moyens imposés par les chefs. Mais quand ces chefs disparaissent et que le critère moral n'est plus le même, cet homme nouveau se trouve en grande difficulté. Bien souvent, il manque de souplesse et de prévoyance pour prendre en temps utile les contre-assurances qui lui permettraient de se maintenir à la surface du courant nouveau. Il n'est pas donné à tout le monde d'être un Mikoïan. Il n'aura pas suffi à Sizov de ne laisser aucune trace de sa haine de la polyploïdie dans les ordres qu'il signait en tant que directeur pour qu'il puisse se présenter, au lendemain de la chute de Lyssenko, comme un généticien classique convaincu. Mais combien d'autres partisans ou créatures de Lyssenko, moins compromis s'efforcent en ce moment de trouver le ton ' juste pour réciter le nouveau credo ? Sizov, trop engagé, est donc sacrifié à la nouvelle « ligne ». La Komsomolskaïa Pravda a publié, le 16 avril 1965, sous le titre : « Oui, la vérité triomphe », un compte rendu de la récente réunion du présidium de la VASKhNIL consacrée au VIR. De nombreux savants y déplorèrent la situation dans cet établissement. Le présidentde l'académie,Lobanov, lui-même Biblioteca Gino Bianco 231 un marrane antilyssenkovien de conversion relativement récente, déclara que le VIR ne répondait point aux exigences actuelles : il fallait le renforcer par une équipe de savants renommés et créer pour eux, à l'institut, des conditions leur permettant de former des jeunes dignes de les remplacer. Avant de lever la séance, le présidium décida de « satisfaire à la demande de Sizov d'être libéré de ses fonctions de directeur de l'Institut fédéral de recherches scientifiques concernant la culture des plantes ». Ainsi, justice est faite. La vérité l'emporte et le VIR aura probablement la possibilité de reprendre les activités qui étaient les siennes du temps de Vavilov. Mais il lui faudra pour cela attendre que s'apaisent les remous provoqués par les épurations et règlements de comptes entre les victimes de Lyssenko et leurs oppresseurs d'hier. Cela prendra forcément un certain temps, car Tétérev n'est pas le seul à éliminer du VIR. Rétablir un climat de confiance mutuelle et d'harmonie parmi le personnel n'est pas chose facile quand les réflexes conditionnés sont si bien ancrés. * )f )f EN DEHORS de ce remue-ménage pour redresser les torts subis, persiste le grave problème de la formation des cadres savants et agronomiques nouveaux et celui, encore plus ardu, de la rééducation des cadres anciens, profondément intoxiqués par le « dogmatisme » sous la dictature de Lyssenko. A la même session de l'Académie des scienc~ B. E. Bykhovski, spécialiste de la parasitologiè, s'est inquiété de ces problèmes : Outre le retard dans le développement de la biologie elle-même la question des cadres présente une acuité extrême. Je parle non seulement des aînés, mais surtout de la jeunesse, dont la formation est en très mauvaise posture. Dans bien des spécialités biologiques indispensables actuellement, tant dans la recherche fondamentale que dans la pratique de l'économie nationale, nous n'avons point de cadres. Pour les former, nous aurons à dépenser beaucoup d'efforts et de temps (...). Pour surmonter le retard de notre biologie, il nous faut accomplir des efforts héroïques dans l'éducation de nos jeunes savants. En ce qui concerne l'enseignement de la biologie dans les écoles secondaires, on est effrayé de voir ce que nos enfants apprennent dans les manuels. Pourtant, ce sont ces manuels-là qui doivent constituer la base idéologique non seulement des futurs savants, mais de l'ensemble des écoliers. Il faut aussi s•inquiéter de la qualité des thèses que l'on soutient pour obtenir un titre scientifique (...). j'ai été très péniblement surpris de constater que la grande majorité de ces travaux étaient stéréotypés, sans trace de la personnalité des auteurs. Il existe beaucoup de
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