228 ira rejoindre dans une espèce d'in-pace moral les noms d'innombrables personnalités, récentes ou anciennes, condamnées par le Comité central. La dictature de Lyssenko a donc pris fin, mais ses lourdes séquelles posent encore des problèmes ardus aux dirigeants soviétiques. De 1940 à 1956, on avait accompli un énorme travail pour épurer toutes les publications concernant la biologie, dorénavant obligées de se conformer strictement aux thèses de Lyssenko, « approuvées par le Comité Central ». La moindre mention de Vavilov et de son enseignement fut prohibée. Dans les quarante-deux premiers volumes de la deuxième édition, revue et corrigée, de la Grande Encyclopédie Soviétique, parus avant 1956, tous les articles touchant de près ou de loin à la biologie sont rédigés à la louange de Lyssenko. La génétique classique y est tournée en dérision, ses créateurs et adeptes affublés d'épithètes péjo_!3tives. Pendant la même période, les lyssenkoviens se sont emparés de tous les leviers de commande, aussi bien dans la recherche fondamentale que dans l'enseignement supérieur et secondaire. Les livres d'étude et les manuels universitaires passaient sous silence ou mentionnaient à peine les chromosomes et la génétique classique. Une génération entière de jeunes biologistes fut ainsi formée dans la stricte obédience aux doctrines de Lyssenko. En agronomie, la situation était pire encore, car les fameuses « recommandations » du dictateur étaient imposées de force par les fonctionnaires locaux aux présidents des kolkhozes; aux directeurs des sovkhozes, à tous les. cadres agronomiques subalternes de ces entreprises. L'obligation de s'y conformer coûte que coûte créait constamment des conflits entre l'administration· et les exécutants. Elle maintenait sur le terrain une atmosphère malsaine, particulièrement nuisible aux résultats recherchés par Moscou. Voici que maintenant il faut renverser la vapeur, dans les instituts comme sur le terrain. Les marranes d'hier, qui a contrecœur suivaient Lyssenko, se proclament aujourd'hui triomphalement relaps, et les victimes d'autrefois sont à l'honneur dans la presse. Ainsi, la Komsomolskaïa Pravda, particulièrement acharnée contre Lyssenko et sa clique, a publié, le 27 février 1965, une biographie très laudative de N. P. Doubinine. Ce jeune généticien de grand talent avait travaillé, du temps de Vavilov, sur la mouche drosophile, comme les généticiens occidentaux : B.iblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE En 1934, il publia sa première découverte importante : En quoi l'action du gène dépend de sa position dans le système chromosomique. En 1939, il publia son remarquable exposé sur Les Processus automatiques en génétique. En 1933 ses travaux furent honorés par le prix Rockefeiler. A l'âge de 29 ans, il avait déjà publié 60 travaux savants et 80 brochures ou articles de revues. Aucun savant bourgeois ne l'avait dépassé dans son domaine. Doubinine n'était pas présent au mois d'août 1948, à la fameuse session de la VASKhNIL. Il se trouvait alors en congé annuel et cette académie n'avait pas jugé nécessaire de lui envoyer une convocation : il était inutile de multiplier les adversaires de Lyssenko. Il n'est pas étonnant que I. E. Glouchtchenko, docteur ès sciences biologiques, élève et proche collaborateur de Lyssenko, y ait lancé contre lui un violent quousque tandem : Doubinine, qui célèbre les succès de la « génétique mondiale » et en particulier les travaux de nos ennemis jurés - Dobjanski, Timoféev-Ressovski et les " morganistes Stretevant, Gordon et autres, - affirme que nos propres morganistes ne sont nullement en retard sur eux et qu'ils les dépassent même sur bien des points ... Les mitchouriniens sont fiers de suivre une toute autre voie que celle de Doubinine, Jebrak et Schmalhausen. Mais les mitchouriniens leur posent la question suivante : combien de temps encore, vous tous, les fidèles d'une fausse science, vous, ses vulgarisateurs et ses porte-flambeau, allez-vous refuser de comprendre que la voie d'un savant soviétique et celle des prédicateurs étrangers de l'idéalisme en biologie sont diamétralement opposées et irréconciliables ? Quant au philosophe et académicien Mitine qui, en février 1965, était toujours rédacteur en chef de la revue Questions de philosophie, il aggrava encore ce blâme : Le nom de Doubinine est digne de servir de nom commun pour désigner le divorce complet entre la science et la vie, pour qualifier la recherche antiscientifique fondamentale et la fausse science de la génétique formaliste de Mendel et de Morgan... On sait que la VASKhNIL, lors de cette session, avait voué aux gémonies, avec la bénédiction du Comité central, la mouche drosophile .et ceux qui s'occupaient d'elle. A son retour à Moscou, Doubinine, depuis 1.946membre correspondant de l'Académie des sciences et chef d'une section de l'institut de cytologie, histologie et embryologie, apprit qu'il était chassé de cet établissement; où il dirigeait les recherches de vingt jeunes savants. Il lui fallait trouver un autre gagne-pain. En 1949, l'académicien V. N. Soukatchev, directeur de l'institut de la forêt, l'engagea pour étudier les oiseaux dans l'Oural. Doubinine doit · beaucoup à ce vieux savant honnête, de formation prérévolutionnaire. Mais, pour lui, il n'était plus question de génétique : il se transforma en zoologiste et pendant son séjour dans l'Oural écrivit, sur les oiseaux de cette région, deux ouvra-
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