Le Contrat Social - anno IX - n. 4 - lug.-ago. 1965

L 'Expérience communiste LYSSENKO, OU LA FIN D?UNE IMPOSTURE par E. Delimars LA CHUTE DE KHROUCHTCHEV a enfin permis aux Soviétiques de contempler le vrai visage de Lyssenko. Bien que ses théories aient été presque intégralement rejetées jusqu'à la mi-octobre 1964, Lyssenko continuait d'être présenté comme le bienfaiteur de l'agriculture et de l'élevage soviétiques, comme un exemple vivant de « l'application concrète de la science à la terre ». Honneur insigne, accordé à un savant pour la première fois dans l'histoire du régime, « le présidium du Comité central du P.C. de l'Union soviétique . s'était rendu chez lui en corps constitué, avait passé plusieurs heures dans son exploitation et y avait ressenti une vive satisfaction » (Pravda, 15 déc. 1963). Les partisans de Lyssenko, tels Olchanski et consorts, sûrs du soutien inconditionnel du premier secrétaire du Parti, qui paraissait alors inamovible, continuaient de militer en faveur de leur chef de file et de prendre à partie les généticiens classiques dans l'Agrobiologie, seule revue scientifique encore aux mains de Lyssenko. Au début de novembre 1964, au lendemain de la « démission » de Khrouchtchev, Lyssenko n'était plus, aux yeux du grand public, qu'un imposteur qui falsifiait les comptes rendus de ses travaux, dissimulait par tous les moyens qu'il était incapable de doter les kolkhoziens d'un troupeau de vaches dont le lait aurait eu 5,2 % de matières grasses, et qui infligeait depuis longtemps des pertes immenses à l'agriculture par ses « recommandations » en matière d'engrais et de « bandes forestières » - toutes prétentions rendues aussitôt obligatoires par le Parti et l'administration. Certes, l'U .R.S.S. est le « pays du mensonge déconcertant » ; le faux et l'usage de faux font partie intégrante du régime. Mais même là, une imposture de la taille et de la durée de celle que Lyssenko avait imposée grâce à l'ignorance et à la jobardise des gouvernants s'est avérée impossible à supporter plus longtemps. A sa session générale annuelle, tenue les 1er et 2 février 1965, l'Académie des sciences révoquait Lyssenko du poste de directeur de l'Institut de génétique et ne le réélisait pas à son fauteuil de vice-président. Quelques jours plus tard, la VASK.hNIL remplaçait son président, Olchanski, par Lobanov, revenant ainsi à sa décision de 1956, époque de l'éclipse partielle de Lyssenko. Une épuration de quelques autres protégés de Lyssenko et de Khrouchtchev paraît être en cours. Le ministre de l'Agriculture de l'U.R.S.S., ·Volovtchenko, est rétrogradé au poste de vice-ministre et Matskévitch redevient ministre, reprenant ainsi le fauteuil qu'il avait occupé. de 1955 à fin décembre 1960 (lzvestia, 19 fév. 1965). Le limogeage, cette fois définitif, de Lyssenko, était accompagné de commentaires particulièrement sévères qui précisent le tournant actuel de la politique du Parti à l'égard de la biologie. Dans son discours d'ouverture, le président de l'académie, Keldych, après avoir glorifié, comme il est de rigueur, les savants soviétiques, notammént les sélectionneurs de plantes agricoles, pour les brillants résultats obtenus, avait pu, enfin, dire la vérité 1 : 1. Keldych est membre du Parti depuis 1946, donc obligatoirement soumis à la discipline communiste. Le président de l'Académie des sciences de l'U.R.S.S. ne peut s'exprimer en savant libre. B~bliotecaGino Bianco \

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