OITO ULC Elles furent réduites en pièces par un tronc d' arbre dont les poursuivants furieux se servirent comme d'un bélier. Votruba fut finalement attrapé et traîné à la rivière Mies, toute proche, pour y être noyé. Cependant, le bas niveau des eaux, auquel on ne s'attendait pas, risquait de priver l'exécution de toute dignité, et l'on renonça à l'entreprise. On laissa filer Votruba qui s'enfuit en traînant la patte, pour revenir à des choses plus sérieuses au palais de justice. Là, la sarabande reprit. Outre les bustes et les portraits, des robes officielles de juge, des machines à écrire et de nombreux classeurs à dossiers furent jetés dans la rue, arrosés d'essence et brûlés. En fait, la destruction des archives ne servit pas à grand-chose, car il ne s'agissait que des registres de la chambre qui a à connaître des testaments et successions. Nul ne réussit à dénicher les dossiers concernant les poursui tes pour activités subversives. Entre-temps, au troisième étage, les juges Tlapak et Jaromir Fikerle, barricadés dans leurs bureaux, faisaient le coup de feu sur les manifestants. Le reste du personnel, cependant, prit les choses de manière plus pacifique. Une femme juge, Eliska Synkova, joua les cuisinières à la cafeteria et le procureur Frantisek Herger attrapa des crampes à demeurer enfermé pendant plusieurs heures dans un inconfortable petit cabinet d'aisances réservé aux dames. La seule victime de l'engagement fut un employé de bureau nommé Havel, membre du Parti, qui fut attrapé alors qu'il tentait de s'échapper par la porte de derrière. Plus tard, je fis partie d'une commission qui rejeta sa demande de décoration pour actes de bravoure. ,,.*,,. A CE MOMENT-LA, une foule immense parcourait les rues. Une jeep ornée des drapeaux tchécoslovaque et américain était suivie à travers la ville par des milliers de personnes. Des portraits des anciens présidents Masaryk et Benès, ainsi que toutes sortes d'emblèmes, à l'exception du drapeau soviétique, apparaissaient aux fenêtres ; les symboles visibles du régime communiste, en particulier les affiches du Parti, étaient tous arrachés et brûlés. Petit à petit, la rébellion sombra dans le pugilat. Le gibier de choix était les membres du S.T.B. (police secrète), les agents de police et quiconque arborait encore l'insigne du Parti. La seule arme employée par les manifestants - avec d'ailleurs une adresse prodigieuse, particulièrement de la part des jeunes ouvriers de Skoda - était le coup-de-poing américain en Biblioteca Gino Bianco 221 laiton. (L'un des meilleurs spécialistes de cette arme fut le propre fils du chef des cadres des usines Skoda.) Certains jeunes combattants offraient même spontanément leurs services à autrui. Pour mentionner un exemple, une vieille dame fragile s'approcha d'un ouvrier dans la rue pour lui demander d'avoir l'obligeance de rosser un homme qui se tenait non loin de là et qui, disait-elle, était un communiste de la pire espèce; il fut promptement accédé à cette requête. Coups de poing et autodafé continuèrent le lendemain, mais il n'y eut jamais pillage. Les rebelles n'étaient pas organisés et personne ne les dirigeait; du commencement à la fin, toute l'affaire fut entièrement spontanée. Mais, ce qui est plus frappant encore, c'est l'attitude des autorités : elles ne bougèrent pratiquement pas. Un détachement de l'armée se montra au tribunal, équipé de fusils-mitrailleurs et avec l'ordre de dégager les rues. Mais la foule resta impavide et quelques-uns s'approchèrent même des soldats en les mettant au défi de « tirer des balles ouvrières dans des poitrines d'ouvriers ». Il n'y eut pas de violences et l'officier qui commandait - j'ignore son sort ultérieur - ordonna à ses hommes de quitter les lieux. En même temps, les fonctionnaires du Parti et les membres de la police secrète disparaissaient des rues. La police régulière en uniforme restait passive et"n'intervenait en aucune façon. La seule force prête à défendre le régime était la milice ouvrière, qui tirait des coups de feu sporadiques et essuya les plus lourdes pertes. Parmi les quelque soixante-dix personnes grièvement blessées pendant la révolte, la grande mat~rité appartenait à la milice et à la police secr~te. Pour compléter le tableau, il faudrait ajouter que le corps des pompiers - institution traditionnellement tournée en ridicule en Tchécoslovaquie - donna des gages de fidélité au gouvernement en essayant de disperser les manifestants à l'aide de lances à incendie. Cependant quelqu'un coupa les tuyaux, mettant ainsi fin à ces velléités de loyalisme. BREF, la plus grande confusion de part et d'autre caractérisa les deux journées de révolte. Les émeutiers et les autorités locales furent également surpris de la tournure prise par les événements. Si les succès initiaux plongèrent les manifestants dans un état d'euphorie qui leur ôta toute capacité de s'organiser et d'agir avec réflexion - par exemple, en s'emparant de la station de radio plutôt que de perdre leur temps et leur énergie à brûler les affiches
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==