Le Contrat Social - anno IX - n. 4 - lug.-ago. 1965

PILSEN, RÉVOLTE MÉCONNUE ' par Otto Ulc S I DES PUBLICISTES TURBULENTS et des économistes non orthodoxes n'avaient pas, ces temps derniers, élevé la voix, la Tchécoslovaquie née des événements de 1948 continuerait de vivre sur sa réputation de satellite docile et terne. Or c'est à Pilsen (Plzen), ville de Bohême occidentale fameuse par sa bière onctueuse et ses usines d'armement, que, pour-la première fois dans l'histoire de l'Europe orientale communiste, des ouvriers se dressèrent contre le régime et, pour quelque temps, balayèrent les autorités en place. Cette première révolte post-stalinienne eut lieu les 1er et 2 juin 1953, plus de quinze jours avant le soulèvement d'Allemagne orientale. . La cause immédiate de la révolte de Pilsen fut la mise en vigueur de la réforme monétaire, laquelle réduisir pratiquement à zéro les économies de la population et qui fut, on le comprend, accueillie avec une grande hostilité dans tout le pays. A Pilsen, le ressentiment se traduisit en actes qui prirent au dépourvu tous les intéressés. Le gouvernement tchécoslovaque prit naturellement bien soin de ne pas faire de publicité à cette débâcle ; tenant en main tous les moyens d'information, il réussit à cacher au monde entier la vraie nature des événements. Bien que né à Pilsen et y ayant passé la plus grande partie de ma vie, je n'y étais pas pendant les journées de juin 1953. A l'époque, je passais à Prague mes examens de fin d'études à la faculté de droit de l'université Charles. Mais le mois suivant, en juillet, dès que j'eus reçu mon diplôme, je retournai dans ma ville natale et me présentai (avec, en main, ma letire de nomination du ministère de la Justice) au juge Miroslav Tlapak, président du tribunal d'arrondissement, qui devait être mon supérieur hiérarchique. Biblioteca Gino Bianco J'étais à présent Auskultant (substitut) et en passe de devenir un jour moi-même juge d' arrondissement. Afin de me familiariser avec la procédure, je devais siéger au banc de la cour avec le président flanqué de deux assesseurs profanes, au début en qualité d'observateur muet, puis, au bout d'un mois, avec le droit d'interroger les témoins. Peu après, je com1nençai également de préparer des avis écrits pour le tribunal. Pendant presque cinq mois après mon arrivée, des participants à la révolte de Pilsen - ou des gens soupçonnés d'y avoir trempé - défilèrent au banc des accusés. Jour après jour, j'assistais aux procès secrets ; je prenais part aux réunions politiques organisées au tribunal; et j'avais même la possibilité de prendre connaissance des documents secrets ayant trait aux a~ires en jugement, car je connaissais, sans y êtrè autorisé légalement, la combinaison du coffre-fort du juge. A la fin, je pouvais reconstituer avec précision toute l'histoire de la révolte, désignée officiellement sous le nom d' « événements de Pilsen », des 1er et 2 juin 1953. A PARTIR DE 1952, la possibilité d'une réforme monétaire faisait l'objet de toutes les conversations en Tchécoslovaquie. Les bruits avaient pour origine les allusions faites par des sources « bien informées » de Prague et les radios occidentales. En mai 1953, on attendait « quelque chose d'imminent ». C'est ainsi que la direction des usines Skoda de Pilsen, vers la fin mai, modifia sa politique des salaires : elle augmenta les avances consenties au personnel. Les ouvriers, en touchant soudain plus d'argent qu'à

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