R. V. DANIELS signe le traité de Brest-Litovsk avec l'Allemagne. Sur le plan intérieur, il se mit à créer une structure d'autoritarisme bureaucratique pour l'industrie, l'administration et l'armée de la nouvelle société soviétique. L'un des rares dirigeants bolchéviques à suivre chaque mouvement de Lénine était, soit dit en passant, Staline (sauf pendant sa brève période de « défensisme » en mars et avril 1917, qui a probablement été soulignée à l'excès au cours de la campagne de Khrouchtchev contre le « culte de la personnalité»). Entre 1919 ~t 1921, la faction du « centralisme démocratique» d'Ossinski et Sapronov, ainsi que l' cc opposition ouvrière » menée par Chliapnikov et Kollontaï critiquèrent violemment lesmesures prises par Lénine. Les puristes prônaient la « col_- légialité » démocratique dans le gouvernement, l'armée et l'industrie, telle que Marx l'avait envisagée et telle que les communistes yougoslaves la ranimeront en partie après 1948. Toutefois, dans la Russie de Lénine, les gens de l'appareil du Parti l'emportèrent aisément sur les idéalistes et, dès 1921, le régime était définitivement orienté vers le pouvoir national totalitaire. Les sympathisants étrangers qui constituaient l'Internationale communiste continuèrent à ruer dans les brancards pendant un certain nombre d'années. Il s'agissait, pour la plupart, de romantiques révolutionnaires qui avaient rompu avec les partis socialistes et qui espéraient naturellement que le mouvement communiste adopterait en toute occasion une attitude intransigeante et pure. En conséquence, l'essentiel de l'effort russe dans l'Internationale communiste, depuis sa fondation en 1919 jusqu'à sa dissolution officielle en 1943, consista non pas à fomenter la révolution à l'extérieur, mais à la contenir et à maintenir un contrôle rigoureux sur les étrangers. Lénine répondit aux romantiques dès avril 1920 dans La Maladie infantile du communisme (Le « gauchisme »): · Il y a compromis et compromis (...). Renoncer à l'avance à louvoyer, à exploiter des oppositions d'intérêts qui divisent nos ennemis, à passer des accords et des compromis avec des alliés éventuels (fussent-ils temporaires, peu sûrs, chancelants, conditionnels), n'est-ce pas d'un ridicule achevé ? Il s'agissait pour lui de garder les puristes étrangers sous la férule tactique russe et, à cette fin, il appliquait sa doctrine russe du parti : La répudiation de l'esprit de parti et de la discipline de parti - tel est le résultat net de l'opposition. Et cela équivaut presque à désarmer totalement le prolétariat dans l'intérêt de la bourgeoisie. En peu de temps, les Russes soumirent les communistes étrangers à leur autorité. Lors du 2e Congrès de l'Internationale (le premier véritable congrès), tenu en août 1920, tous les partis membres du Comintern furent obligés de souscrire aux « vingt et une conditions » rédigées par Lénine. Le document énonçait les principes d'une Biblioteca Gino s:anco 165 discipline communiste internationale sous une direction centralisée ayant son siège au quartier général du parti communiste russe à Moscou. Le mouvement fut ainsi fermement engagé dans · la voie de la discipline militante et du pragmatisme machiavélique au service de l'Etat soviétique. Formation du monolithe UNE ÉTAPE DÉCISIVE de la réalisation du programme léniniste en Russie soviétique fut franchie avec l'adoption, en 1921, de la nep, la répression des utopistes russes qui ne pouvaient accepter cette reculade et le remaniement de la structure administrative du Parti qui élimina les trotskist~s au profit des staliniens. A peine un an plus tard, Lénine subit ses premières attaques d'apoplexie et la direction passa aux mains de ses héritiers pragmatiques : Zinoviev, Kamenev, Staline et Boukharine (ce dernier, utopiste devenu pragmatique après 1921). Mus par des sentiments personnels et des raisons de principe, les vieux doctrinaires du Parti se groupèrent autour de Trotski et lancèrent, à l'automne de 1923, leur attaque contre les successeurs de Lénine à propos du développement économique, des avantages à accorder aux ouvriers et de la démocratie à l'intérieur du Parti. L'opposition trotskiste de 1923 fut éliminée après une lutte politique acharnée dans les organisations du Parti. En janvier 1924, peu avant la mort de Lénine, l'opposition fut qualifiée de déviation «petite-bourgeoise», non léniniste et non marxiste, et les dirigeants établirent fermement le principe selon lequel toute atteinte portée par une faction à l'unité du Parti était ipso facto contre-révolutionnaire. Cela n'empêcha pas l'opposition de poursuivre la lutte et de condamner la nep pour avoir trahi la cause des travailleurs et s'être rapprochée du « capitalisme d'Etat». En 1925-26, lorsque Zinoviev et Kamenev rompirent avec Staline et Boukharine et passèrent à Trotski, l'opposition fut renforcée momentanément, mais l'organisation de Staline tint bon. En réalité, depuis 1923, les efforts de l'opposition semblent avoir toujours été voués d'avance à l'échec, l'expulsion des trotskistes et des zinoviévistes en I 92 7, puis l'exil de Trotski en 1929, ne faisant qu'entériner un fait · accompli. . . Un événement doctrinal important de la lutte entre Staline et Trotski fut la formulation par Staline du principe du « socialisme dans un seul pays ». Cette doctrine a été .souvent faussement interprétée comme un retour au nationalisme, par opposition à la « révolution mondiale » que Trotski était censé représenter. Conformément à ce point de vue, un parallèle a parfois été établi (par les Russes eux-mêmes, l'année dernière), entre les communistes chinois et Trotski, d'une part, en tant que champions de l'offensive révolutionnaire, et Khrouchtchev, Staline ou Lénine, d'autre part, en tant qu'adeptes de la circon-
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