QUELQUES LIVRES saisie marxienne des rapports entre les sexes » (p. 114). Pour saisir cette saisieM. Axelos s'empare d'un passage de L'idéologie allemande concernant la division du travail qu'il interprète d'une manière tellement outrageuse qu'il vaudrait mieux commencer par donner la parole à Marx. Faisant l'historique de la division du travail, phénomène qui joue, comme on sait, le rôle du péché originel dans sa sociologie, Marx remarque qu'avant l'invention des outils (avant l'apparition de la « technique »), il n'y avait pas de division sociale du travail : au sein de la horde primitive, à l'aube de l'histoire, quand l'homme affrontait mains nues la nature et se laissait dominer par elle « comme une bête », la seule différenciation qu'on puisse raisonnablement admettre était celle, purement biologique, des fonctions vitales. Comme dit Marx (ou Engels) avec un humour quelque peu lourdaud, « la division du travail n'était à l'origine que la division du travail dans l'acte sexuel» (vol. VI, p. 170, de l'édition Costes). Cette proposition parfaitement claire permet à M. Axelos de prêter à Marx ses propres boniments sur l' « errance érotique », ce qui donne le résultat suivant: Travail et amour subissent le même sort, et il est hautement significatif que Marx associe la sexualité à la technique, allant jusqu'à voir dans l'acte sexuel (et reproductif) la première manifestation de la division du travail. Le développement de la technique est donc [sic] le secret de toute l'histoire naturelle - et antinaturelle - des hommes et c'est elle qui éclaire le devenir de l'amour. [P. 114; c'est l'auteur qui souligne.] Cela s'appelle « un dialogue vivant et anticipateur » avec..• Marx. Cette ldeenftucht, à la fois fuite des idées et fuite. devant les idées, prétend « épouser le rythme de la pensée » de Marx et « faire surgir toute son intensité radicale - intensité radicale trop souvent oubliée ou aplatie ». (P. 12. M. Axelos n'a que du mépris pour les « marxologues », c'est-à-dire ceux qui se sont donné la peine de lire Marx.) Confondre la technique et la division du travail dans une thèse (principale) de doctorat consacrée à Marx, c'est faire preuve de trop d'analphabétisme pour qu'on puisse s'y attarder. Commettre cette énonruté, et faire incidemment de Marx un philosophe de courrier du cœur, sous couleur de commenter un texte dont on peut déduire tout ce qu'on veut sauf des racontars pour bonnes femmes sur le « devenir de l'amour», c'est introduire dans l'explication des textes l'espèce toute particulière de frénésie pédante qu'on croyait Jusqu'ici que seuls quelques publicitaires d'art d'« avant-garde» pouvaient pratiquer impunément. M. Axelos n'hésite d'ailleurs pas à attribuer à Marxses propres phantasmes sur l'art « erratique et mondial». Pour Marx, dit-il, en se moquant du Biblioteca Gino Bianco 61 monde, l'art est une aliénation qui doit être supprimée. Car... ...A travers l'art se sépare également le sujet de l'objet, le producteur du produit, la chose (le contenu) de l'idée (la forme), la présence sensible de la représentation imaginaire, la réalité de l'idéologie. A travers l'art, ce qui est se trouve surplombé par ce qui est pensé (p. 170). Ces propos désordonnés, qu'on croirait tirés de quelque obscur recoin de l'idéologie allemande, ou d'une préface à quelque barbouillage monochrome de la rive gauche, sont censés expliquer le passage suivant des manuscrits philosophicoéconomiques de Marx : « Ma vraie existence artistique l devient J existence philosophico-artistique. De même la vraie existence de l'art, c'est la philosophie de l'art » (vol. VI, p. 84 de l'édition Costes). Non content d'ignorer Hegel, l'auteur semble avoir lu Marx dans le métro ou en courant quelque course « erratique et mondiale »; en tout cas il n'a pas l'air de soupçonner de quoi il s'agit dans ce texte. Marx n'y expose nullement sa propre conception : il ne fait que railler Hegel, lequel ramène tout à la philosophie, prétend que la philosophie est la «vérité» de l'art et de la religion, mutile la spécificité de l'expérience artistique, religieuse, etc. (C'est ce que disait Kierkegaard à la même époque.) Il serait fastidieux de relever toutes les bévues, les contre-sens et les faux problèmes qui jalonnent pompeusement cette <<errance» errante et ennuyeuse. Mais lorsqu'il nous est notifié qu'à travers cette pitoyable tentative de transformer Marx en pataphysicien... ...est visée la préparation d'une meilleure compréhension de la technique mondiale, la promotion d'une nouvelle pensée : ouverte et multidimensionnelle, questionnante et planétaire ... ainsi que l'auteur le proclame en toute modestie dans sa prière d'insérer, nous pouvons et nous devons remettre en honneur le vieil adage: « Feu sur l'ours Mystifizinski ! » CLAUDE RIEUX. Philosophie morale et néo-scolastique JACQUEMS ARITAIN: Philosophie morale. Paris 1960, Gallimard, édit., 588 pp. NOTRETITREne doit pas abuser. La néo-scolastique, dont l'ancien ambassadeur de la République française auerès du Vatican est maintenant, aux Etats-Unis, le plus brillant représentant, n'a rien à voir avec celle du marxisme-
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