Le Contrat Social - anno VI - n. 1 - gen.-feb. 1962

QUELQUES Proudhon par lui-même Carnets de P.-J. Proudhon. Annotations et appareil critique de Pierre Haubtmann. Paris 1960-1961, Libr. Marcel Rivière et Cie. Volume premier : 1843-1846; volume second : 18471848; 443-413 pp. DANS son numéro de novembre 1959, le Contrat social a publié quelques bonnes feuilles des Carnets de P.-J. Proudhon. On a alors rappelé les circonstances dans lesquelles cette précieuse édition a été entreprise, la généreuse contribution qu'y ont apportée les deux petites-filles de Proudhon encore vivantes, le rôle joué par le dernier survivant des « Amis de Proudhon », Daniel Halévy, et par le principal artisan de l'édition, Pierre Haubtmann *. Ayant aujourd'hui sous les yeux les deux premiers volumes (trois ou quatre suivront), nous pouvons dès à présent apprécier l'exceptionnelle importance de ce document. Les rares lecteurs privilégiés qui avaient pu le feuilleter en manuscrit l'avaient d'ailleurs lu avec un intérêt passionné. Ce manuscrit, était-il nécessaire de le publier intégralement? On en peut discuter ; bien des pages, par exemple les notes purement techniques consignées par Proudhon au temps où il était agent commercial d'une maison lyonnaise de batellerie, sont d'un intérêt très secondaire. Cependant, puisque l'éditeur a préféré ne rien sacrifier, ne chicanons pas sur l'inégale valeur historique ou psychologique des copieux matériaux qui nous sont offerts ; efforçons-nous plutôt de dégager en quoi cette documentation complète, enrichit, parfois rectifie ce que les lecteurs de Proudhon connaissaient jusqu'ici de son œuvre et de sa personne. • Le présent compte rendu était composé lorsque fut connue la mort de Daniel Halévy, survenue le 10 février. Biblioteca Gino Bianco LIVRES Il importe tout d'abord de situer les Carnets déjà publiés dans la carrière de l'auteur. Ces deux volumes couvrent la période qui s'étend du mois de juillet 1843 au 24 février 1848, troisième jour de la Révolution à laquelle va succomber le gouvernement de Louis-Philippe. En 1843, Proudhon a trente-quatre ans; il cherche encore sa voie; il s'est cru d'abord linguiste et a publié un Essai de grammaire générale. Bientôt s'affirme la préoccupation sociale, qui inspire le mémoire sur l' Utilité de la célébration du dimanche, et une série d'écrits sur la propriété. Il vient tout justement de faire paraître son premier grand ouvrage : De la création de l'ordre dans l'humanité. Est-il donc fixé ? Pas encore ; alerté par les critiques de ses amis, il reconnaît que ce livre est « épais, assommant, indigeste ». Ne va-t-il pas s'orienter vers le théâtre? Le premier Carnet le montre assidu à !'Opéra, où il admire Rossini et Meyerbeer. Au ThéâtreFrançais, la Lucrèce de Ponsard le touche sans le satisfaire. Et voici qu'il se croit dramaturge : il commence et pousse assez avant la composition d'une Judith, bientôt suivie de l'esquisse d'une autre tragédie, Galilée. Mais d'autres chemins de traverse s'offrent à lui ; il annonce qu'il va s'inscrire comme étudiant à la Faculté de droit. Toutefois ses premiers écrits sur la propriété lui ont donné le goût de l'économie politique et, inspiré sans doute par l'exemple des saint-simoniens et d'Auguste Comte, il envisage la rédaction d'un cours de cinquante leçons consacré à cette discipline, et qui lui prendra quatre années. A travers ces hésitations, est-il possible de discerner les influences qui tracassent son esprit ? Ici se manifeste, avec plus de relief que dans ses œuvres imprimées, la tendance passionnée de Proudhon à disqualifier ses devanciers et à ne compter que sur sa J.>ropreforce de création. Des saint-simoniens., 11ne parle que rarement, et toujours avec un injuste mépris. Owen et

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