PÉRIODISATION DE L'ÉCONOMIE SOVIÉTIQUE par Paul Barton L'IDÉE que l'on se fait généralement de l'économie planifiée de !'U.R.S.S. et des pays satellites repose en grande partie sur un mythe. L'évolution réelle passe outre aux objectifs des plans de cinq, six ou sept ans. Tantôt, les prévisions sont dépassées (et les « planificateurs » s'en félicitent), tantôt, elles ne se matérialisent pas (ce que les statisticiens camouflent en manipulant les indices) ; certains chiffres du plan, surtout ceux qui ont directement trait à la prospérité de la population, ne sont pas pris au sérieux par ceux-là mêmes qui les ont établis. · Dès le premier plan quinquennal soviétique, la décision de doter la métallurgie d'une seconde base située plus à l'Est fit entrer dans les mœurs le lancement inopiné d'entreprises géantes bouleversant toutes les données du plan en cours. Plus d'une fois, le plan ne fut mis au point que longtemps après la date à partir de laquelle il était censé régir la vie économique du pays. D'autre part, l'évolution de l'économie est sujette à des ralentissements marqués et même à des détJressions. Sans trafic d'influence ni marché noir les entreprises d'Etat ne seraient pas à même d'accomplir les programmes qui leur sont assignés conformément au plan. On pourrait citer nombre de faits démontrant qu'en matière d'anarchie l'économie de type soviétique n'a eu aucune peine à « rattraper et dépasser » le monde capitaliste 1 • Cependant la plupart des économistes et des statisticiens occidentaux ont admis sans grandes critiques que les plans successifs représentent bien les étapes du développement industriel de l'Union soviétique. Aberration qui s'explique 1. Cf. nos articles • Tchlcoslovaquie : La dlpression ~nomique et le mythe de la planification 11, in Amis d, la Libert,, d~. 1953, et • Le mythe de la planification aoviltique •, in Saturne, janv.-flv. 1957. Biblioteca Gino Bianco dans une certaine mesure par l'état des statistiques : à propos des dates limites des plans, on n'a jamais disposé de données pour les années intermédiaires. Pareille périodisation n'en dissimule pas moins le vrai développement de l'économie, ses hauts et ses bas, ses convulsions et ses redressements, ainsi que ses forces motrices. CE CERCLE vicieux a été brisé par Naoum Iasny. Après plusieurs ouvrages importants consacrés à l'économie soviétique, Iasny fournit son apport peut-être le plus considérable à l'intelligence des faits dans un livre où, pour la première fois, les phases de l'industrialisation de !'U.R.S.S. sont déterminées tout à fait en dehors de la fiction des plans quinquennaux 2 • Bien plus, la périodisation élaborée par Iasny se fonde sur un critère indiscutable : les variations successives des taux de croissance. Les vingt-cinq années d'industrialisation intensive, de 1928 à 1952, se divisent ainsi en périodes dont les limites sont parfois un peu floues (en partie par suite de la nécessité d'opérer avec des données relatives à des années entières, alors qu'un retournement survient au cours de l'année civile), mais qui diffèrent nettement les unes des autres. Il y eut d'abord une période en quelque sorte préparatoire. Inaugurée par les décisions de décembre 1927, elle va jusqu'au début de la collectivisation intégrale de l'agriculture (discours de Staline du 7 novembre 1929). 2. Naum Jasny : Soviet Industrialitatio,i, 1928-1952, The University of Chicago Press, 1961, XVIII - 467 pp. ..
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