LE COMMUNISME EN AFRIQQE OCCIDENTALE par Walter Kolarz LE PARADOXE règne partout en Afrique et caractérise aussi bien le mouvement communiste africain. Si, d'une part, les intrigues politiques des membres du bloc sino-soviétique et des diverses organisations communistes internationales vont croissant, de l'autre, il existe fort peu de partis communistes en Afrique et aucun en Afrique tropicale. Le communisme sous la forme rigide d'un parti inféodé à Moscou ou à Pékin n'existe que dans les pays arabes et à la périphérie méridionale du continent, à Madagascar, dans l'île de la Réunion et dans l'Union sud-africaine. Pour le reste, dans l'immense région allant du Sahara aux frontières de l'Union sudafricaine, le communisme n'a pas encore trouvé de forme définitive. On ne peut même pas dire avec certitude quels sont ses alliés réels ou en puissance. En d'autres termes, le communisme au sud du Sahara, si l'on peut en parler, paraît embryonnaire et flottant, comme tant d'autres phénomènes politiques de l'Afrique. Attitude initiale des communistes LES PROBLÈMES politiques et sociaux de l'Afrique se sont révélés jusqu'ici trop subtils pour les méthodes communistes schématiques et stéréotypées de guerre politique. Jusqu'à la deuxième guerre mondiale, l'ignorance des problèmes africains et les difficultés d'accès avaient écarté cotnJ1!tement les communistes du continent. Pen t longtemps, ils traitèrent simplement l'Afrique comme partie d'un problème nègre général et propagèrent l'idée d'un « mouvement nèF mondial » englobant tous les travailleurs noll'S dans les Amériques et en Afrique. Plusieurs congrès du Comintem créèrent des commissions nègres où l'Afrique noire n'était même pas représentée. La commission nègre de ttenteBiblioteca Gino Bianco deux membres nommée en 1928 par le VIe Congrès de l'Internationale communiste comprenait cinq Noirs des Etats-Unis, le seul représentant africain étant le communiste blanc d'Afrique du Sud Bunting, exclu peu après pour « chauvinisme blanc » 1 • Le Comintern était secondé par le Profintern, Internationale rouge des syndicats, qui comprenait un comité nègre spécial. La faillite complète de cette organisation fut reconnue par la revue du Profintern, qui admit que le comité n'avait pas su faire de l'Afrique son centre de gravité non plus qu'y entreprendre un travail d'organisation effectif 2. La conception communiste de l'unité du monde noir ne se fondait ni sur une analyse savante ni sur les profonds sentiments qui devaient donner naissance plus tard à l'idée de « négritude », laquelle soulignait les liens culturels entre les Noirs des deux côtés de l'Atlantique. La méthode des communistes était totalement opportuniste et en même temps utopique. Elle était mue par l'espoir que le parti communiste des Etats-Unis et celui d'Afrique du Sud, ainsi que les Ligues des jeunesses communistes des deux pays, seraient en mesure d'envoyer en Afrique tropicale des équipes entières d'émissaires endoctrinés. Tel fut le vœu exprimé par exemple à la tribune du ve Congrès de l'Internationale des jeunesses communistes à Moscou. Que les jeunesses communistes des Etats-Unis ne comptassent à l'époque qu'une douzaine de membres noirs ne semblait décourager personne. 1. Cf. Theodore Draper : American Communim, and Soviet Russia, New York 1960, Viking Press, pp. 327 et 345. 2. Rilu Magan'ne, 15 f~vr. 1932, p. 213.
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