14 D'autres plans connurent, entre les deux guerres, aussi peu de succès que le projet d'envoi de «missionnaires» noirs. Un congrès nègre mondial qui devait se tenir à Moscou n'eut jamais lieu. La Ligue contre l'impérialisme et l'oppression coloniale, fondée par Moscou pour faciliter la pénétration communiste dans les territoires coloniaux, n'eut aucun résultat en Afrique. Ses deux congrès, tenus à Bruxelles (1927) et à Francfort ( 1929), se déroulèrent virtuellement sans la participation des Africains et ses publications trahirent toujours une profonde méconnaissance des réalités au sud du Sahara. La Ligue prétendait bien entretenir des contacts avec l'Association centrale kikuyu au Kenya et avec une organisation paysanne au Bassoutoland, et avoir soutenu activement une grève en Gambie. Mais ces affirmations étaient si vagues qu'on pouvait difficilement les prendre pour argent comptant. Une autre tentative fut faite en 1930 : à Hambourg, un congrès des travailleurs nègres, comprenant plusieurs représentants de Gold Coast, de Gambie et çle Sierra Leone, se réunit sous les auspices du Profintem ; mais ce fut aussi un événement insignifiant, éphémère, et non le point de départ d'une pénétration systématique en Afrique. Seule l'Union sud-afri- . . . . . . , . came conna1ssa1tune certame act1v1tecommuruste, notamment dans diverses organisations cryptocommunistes telles que les Amis de l'Union soviétique, les comités de chômeurs et les clubs ouvriers juifs, mais c'était là encore, pour une grande majorité, le fait de Blancs. Les communistes ne parvinrent pas non plus à entamer sérieusement les travailleurs africains dans les métropoles européennes. Quand, dans les années 20 et 30, les communistes français parlaient des colonies, ils entendaient l'Indochine et, à un degré moindre, l'Afrique du Nord et la Syrie ; ils ne pensaient guère à l'Afrique noire et aux Africains. La Ligue nègre organisée dans les principaux ports de France était insignifiante et ne faisait que répandre des mots d'ordre ·généraux tels que la «lutte contre le danger de guerre » et la «défense de l'Union soviétique » 3 • Quant aux communistes britanniques, eux non plus n'avaient «pas vraiment commencé le travail parmi ces coloniaux » 4 , c'est-à-dire aussi bien les Noirs travaillant en Grande-Bretagne que les populations d'Afrique et des Antilles ; le P.C. britannique semblait alors assimiler la question coloniale au problème de l'Inde. A PRÈSla deuxième guerre mondiale, l'attitude des communistes à l'égard de l'Afrique subit un changement radical et leurs idées prirent une forme plus claire. C'était dans une large mesure le résultat de 3. Rilu Magazine, p. 211. 4. Ibid., p. 213. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL contacts accrus avec ce continent. L'Union soviétique avait désormais son mot à dire sur le destin de plusieurs territoires africains : les anciennes colonies italiennes et les territoires sous mandat de la S.D.N. devenus territoires sous tutelle de l'O.N.U. De plus, après la dissolution officielle du Comintern en 1943, la direction de l'activité politique communiste en Afrîque était passée surtout aux mains des organisations communistes métropolitaines, c'est-à-dire les partis communistes britannique, français, italien, belge et portugais, ce qui avait amené une appréciation plus réaliste de la situation politique en Afrique. Cependant, un seul parti européen put remplir sur une grande échelle sa nouvelle et rude tâche, le P. C. français. Les com~unistes italiens remportèrent un succès local en Somalie, où ils organisèrent des groupes petits mais influents de communistes somaliens travaillant dans les syndicats et les organisations d'étudiants. Les communistes belges ne touchèrent guère les Congolais avant 1958. Le P.C. britannique ne put pas davant~ge exercer une influence sensible sur la situation en Afrique; aucun Africain n'était présent à la conférence des partis communistes de l'Empire britannique tenue en février 1947 au Beaver Hall dans la Cité de Londres ; conformément à la tactique internationale de cette époque, les pays au centre de l'intérêt de cette conférence étaient l'Inde, la Malaisie, la Birmanie et la Palestine. Le R.D.A. LES COMMUNISTfEraSnçais, eux, acquirent en Afrique de l'influence et un certain pouvoir, du simple fait d'être devenus, après la deuxième guerre mondiale, une force importante dans le ' gouvernement français. L'association étroite réalisée en 1946 entre le P.C. français et la IVe République explique dans une large mesure les tendances en apparence procommunistes manifestées, au début de son histoire mouvementée, par le Rassemblement démocratique africain (R.D.A.), le plus grand parti politique d'Afrique occidentale · française. Fondé en septembre 1946, ce mouvement prit une force considérable dans une partie du continent africain qui manquait jusqu'alors presque complètement de moyens d'expression politique. La plupart des hommes politiques de l'ancienne Afrique occidentale française sentent que la cause de l'indépendance africaine doit beaucoup au R.D.A., et ils chérissent toujours ces initiales bien que les traditions du Rassemblement soient diversement interprétées dans les Etats sucéesseurs de l'Empire français en Afrique. Les Européens, pour leur part, soupçonnèrent presque immédiatement le R.D.A. d'être une organisation de procommunistes et de compagnons de route; son président, Félix HouphouëtBoigny, fut même surnommé le «Staline africain». Cette erreur de jugement montre combien il faut être prudent en interprétant la situation
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