Le Contrat Social - anno III - n. 6 - novembre 1959

Débats et recherches AXIOMATIQUE DU MARXISME par Aimé Patri ous NOUS PROPOSONS d'examiner la doctrine appelée «marxisme» dans l'esprit de la méthode axiomatique bien connue, au moins des mathématiciens. Deux obje_ctions liminaires peuvent être soulevées. D'abord sur ce qu'il convient d'entendre par «marxisme». S'agit-il de la doctrine de Karl Manç, dont on sait qu'il vécut au siècle dernier et qu'il fut hors d'état de connaître, partant d'apprécier, les événements dont on attribue aujourd'hui l'origine au « marxisme » ? Ce serait alors affaire d'exégèse historique de textes qui prêtent à controverse et ne sont pas toujours d'accord entre eux. S'agit-il au contraire de ce que l'esprit contemporain, y compris celui des moins doctes, souvent informés par la seule lecture des journaux, croit entendre par «marxisme», corps de doctrines et d'agissements que l'on identifie au bolchévisme, manifestement postérieur ? On rappellera, à ce propos, le mot fameux de Marx préludant opportunément à la distinction : « Je ne suis pas marxiste. » L'exégèse de la pensée individuelle de Marx peut paraître de peu d'importance relativement à l'ampleur du phénomène social et historique appelé de nos jours « marxisme ». N'importe, il faut choisir, s'il est vrai que ce n'est, ni ne peut être, la même chose. D'autre part, et ceci constitue la seconde objection, la méthode axiomatique, dont on peut faire remonter les origines à Euclide mais spécialement illustrée à notre époque par le savant allemand Hilbert, qui lui a apporté les derniers perfectionnements, n'a-t-elle pas été conçue en vue de l'analyse et de la construction des théories appartenant aux mathématiques pures ? N'est-ce pas en dénaturer l'esr,rit que de tenter d'en faire une application différente ? Le « marxisme », en quelque sens ~u'on veuille l'entendre, même en convenant de limiter sa signification, n'est certes pas une doctrine mathématique, encore moins une doctrine des mathématiques pures. Le philosophe chez qui Marx a puisé au moins une partie de son inspiration, Hegel, contrairement Biblio eca Gino Bianco • à plusieurs de ses devanciers, n'appréciait guère l'esprit des mathématiques et même le critiquait assez âprement. Ainsi, dans un examen axiomatique du « marxisme », ni « marxisme » ni axiomatique ne paraissent devoir trouver leur compte. Nous NE MÉCONNAISSONS pas le poids des objections que nous prenons la précaution de nous adresser à nous-même. Les réponses que nous croyons pouvoir faire doivent éclairer l'esprit de notre propos, présenté d'abord de façon assez abrupte. La précision du vocabulaire n'étant jamais superflue, Maximilien Rubel a très judicieusement distingué la pensée « marxienne », ou de Marx lui-même, de celle de ses continuateurs ou soidisant tels qui se sont d'eux-mêmes nommés «marxistes». Rubel estime que les marxistes ont généralement trahi la pensée marxienne. Un effort en vue de reconstituer cette dernière lui paraît opportun : ce serait le rôle de la discipline dite « marxologie ». Nous n'avons aucunement la prétention d'être en ce sens « marxologue », mais nous ne souhaitons pas non plus demeurer en compagnie des seuls marxistes, fût-ce pour procéder à un examen attentif de leurs mœurs intellectt.elles. L'accusation d'avoir « trahi » la pensée marxienne a été dirigée par le bolchévisme contre la social-démocratie allemande qui pouvait se prévaloir d'un héritage en ligne directe (mais on sait que souvent les fils dégénèrent). Elle a souvent été retournée par les sociaux-démocrates contre les bolchéviks, puis lancée par les bolchéviks les uns contre les autres, enfin contre tous uns et tous autres par le promoteur de la marxologie. Une connaissance même superficielle des écrits de Marx suffit à montrer qu'en grande partie ces accusations sont fondées. En grande partie, non en tout. Nous ne pouvons, en effet, suivre Rubel jusqu'au fond de l'abîme où il voudrait nous entrainer, car il subsiste entre Marx et les marxistes t .ne continuité analogue à celle qui fait

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