Le Contrat Social - anno III - n. 5 - settembre 1959

QUELQUES LIVRES tion : en 1956, celui de Louis Salleron 1 ; en 1957, ceux de John Diebold 2 , de René Passet 3 et de Frédéric Pollock 4 • En 1958 le Journal officiel du Consei1national économique a publié le rapport de M. Pierre Liénart, adopté à une écrasante majorité par le Conseil 5 • Signalons aussi les Cahiers d'études de l'automation publiés par Pierre Naville 6 • Le lecteur que le sujet intéresse trouvera dans la- bibliographie citée par M. Rustant d'autres sources, plus techniques ou plus spécialisées. L'ouvrage de M. Rustant destiné surtout aux milieux syndicalistes, a le mérite de résumer en les commentant les publications antérieures et de dégager une sorte d'opinion «moyenne » là où les prévisions catégoriques risquent fort d'être démenties par l'événement. Que signifie tout d'abord le terme anglo-saxon d'« automation » qui a prévalu dans tous les idiomes ? A en croire l'ingénieur Chalvet, il désigne « toute opération tendant à rendre automatiques certaines parties d'un processus de fabrication ». On ne conçoit pas la nécessité d'introduire un mot nouveau dans la langue française. Les automatismes électromécaniques remontent à la première révolution industrielle. Celle-ci a remplacé, en proportions variables, le travail humain par le travail mécanique, et le progrès technique a toujours évolué dans le même sens depuis les débuts de l'ère industrielle. Le xxe siècle a introduit le convoyeur qui diminue considérablement la manutention des produits en cours de fabrication. Un premier type d'automation apparaît dans la synchronisation entre le transport et l'usinage d'une même pièce, excluant toute intervention humaine. C'est le cas des machinestransferts employées à la régie Renault depuis 1946, qui permettent à un ou deux ouvriers d'actionner simultanément jusqu'à 140 outils différents travaillant sur 24 pièces à usiner. Depuis lors le système s'est encore perfectionné en s'étendant à nombre d'opérations qui nécessitaient autrefois un travail humain fort délicat (soudage) ou fort pénible (laminage), etc. Un deuxième type d'automation est réalisé par la machine à feed back qui se contrôle ellemême grâce à un circuit électronique dont on peut voir un précurseur dans le régulateur à boules des machines de Watt. Le contrôle automatique supprime la surveillance humaine du processus de fabrication. Un troisième type 1. L'Automation, P.U.F. (collection « Que sais-je ? »). 2. Automatisme. Vers l'usine automatique, Dunod. 3. Problbnes économiques de l'automation, préface de Gabriel Ardant, Montchrestien. 4. L'Automation, 111 conséquences économiques et sociales, &tiriona de Minuit. 5. J. O. du C.N.E. (n° du 19 juillet 1958) et Bulletin du C.N.E. (n° du 2 juillet 1958). 6. N°• 1 et 2, Marcel Rivi~rc et Cie. Biblioteca Gino Bianco 317 est celui de la calculatrice électronique ou ordinateur, dont chacun aujourd'hui connaît l'existence, sinon l'usage. La fin logique de l'automation serait l'usine «presse-boutons» mise en mouvement par un seul homme. Sismondi en avait eu le pressentiment quand il se demandait de quoi vivrait la population ouvrière lorsque le roi d'Angleterre, d'un simple tour de manivelle, donnerait le branle à toute l'industrie britannique. Bien qu'une telle vision soit toujours du domaine de la science fiction, elle n'en pose pas moins le problème social qui accompagne tout progrès technique : quelles vont être les répercussions sur l'activité et sur le genre de vie des hommes ? M. Rustant reste prudent. Sans partager l'optimisme de Diebold et tout en prévoyant de sérieuses difficultés si le rythme de l'automation s'intensifie, il conclut que l'opération ne peut être que bénéfique. En cette matière, le meilleur argument est dans le rappel du passé : depuis u11 siècle et demi, il n'est guère de progrès technique qui n'ait amené de crise. Mais aujourd'hui les États ne sont plus désarmés devant les récessions ou le chômage technologique. Sur celui-ci les avis des spécialistes sont partagés : l'opinion courante est cependant que, sauf pour les personnes âgées, le reclassement professionnel est toujours possible. La prévision en matière de mutation prof essionnelle semble très difficile. La catégorie ouvrière des manœuvres ordinaires devrait disparaître, comme l'indique une évolution déjà séculaire. Les ouvriers qualifiés se transforment en techniciens par suite des nécessités qu'imposent l'entretien et la réparation des machines électromécaniques modernes. Quant aux manœuvres sur machines, que nous appelons des O.S. ( ouvriers spécialisés), leur nombre dépend trop de la conjoncture économique pour qu'on puisse hasarder un pronostic. Sur les changements psychologiques introduits par l'automation, l'auteur est encore plus prudent. La responsabilité d'un conducteur ou plutôt d'un surveillant de machines automatisées augmente avec l'importance des engins utilisés, mais ses possibilités d'intervention sont plus rares qu'autrefois. L'homme ne devient-il pas le contrôleur d'un contrôle automatique ? Il est plus éloigné qu'auparavant de la matière travaillée : entre l'opérateur et le produit, la machine s'interpose comme un écran compliqué dont seuls les techniciens connaissent les secrets. Un vaste terrain de recherches s'offre à la psychologie du travail ; les vieilles notions de cadence, de monotonie, de fatigue physique décelées au temps du travail à la chaîne devront être revisées dans l'usine automatisée. De nouveaux rapports humains s'établiront, qui imposeront des hiérarchies nouvelles. Au problème de l'automation, il faudrait, à notre avis, adjoindre celui des loisirs. A en juger • •

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