Le Contrat Social - anno III - n. 5 - settembre 1959

318 par le présent qu'adviendra-t-il si le travailleur ne trouve pas dans sa vie privée d'autres éléments que la standardisation passive à laquelle sa liberté est déjà soumise? Comme les révolutions techniques qui l'ont précédée, l'automation est un fait de civilisation dont il est impossible de prévoir les conséquences sur le comportement humain. En l'occurrence la sagesse consiste à éviter les mutations trop brutales : plus que jamais il faudra tenir compte dans les calculs de ce temps d'adaptation qui depuis des lustres est accordé avec parcimonie à une humanité essoufflée. MICHEL COLLINET. La condition ouvrière A. BRUN et H. GALLAND : Droit du travail. Préface d' A. Siegfried. Paris 1958, Sirey, 1053 pp. LE DROIT du travail français présente un paradoxe intéressant. Alors que l' œuvre législative souffre de lacunes regrettables (à commencer par l'absence de définition précise du contrat de travail), de l'enchevêtrement des dispositions et de bien d'autres défauts non moins graves, on est frappé par l'incontestable valeur des études théoriques, que domine le monumental Traité de droit du travail de Paul Durand. Peut-être l'un procède-t-il de l'autre : les carences du législateur imposent à la doctrine un effort supplémentaire de clarification. Cette situation ne manque pas de se refléter dans les manuels. D'où leur qualité et la part relativement très large qu'ils font aux questions proprement théoriques : abandon de la distinction classique du droit privé et du droit public, controverse entre les tenants de la conception contractuelle des relations du travail et ceux qui les fondent sur l'incorporation de l'homme dans l'entreprise, conséquences de la place réservée aux rapports collectifs dans le droit du travail, etc. Les manuels deviennent ainsi indispensables non seulement aux étudiants, syndicalistes, chefs du personnel, mais encore à tous ceux qui abordent les problèmes ouvriers de tout autre point de vue. Ajoutons que la réforme de la licence en droit du 27 mars 1954, qui fait du droit du travail une matière obligatoire, aura eu, entre autres mérites, celui d'avoir encouragé la publication de manuels nouveaux. Outre le Précis de législation industrielle d' A. Rouast et P. Durand, on dispose désormais du Droit du travail de J. Rivero et J. Savatier et du livre, beaucoup plus volumineux, d' A. Brun et H. Galland - pour ne rien dire du Manuel de droit du travail et de la sécurité sociale de G. Lyon-Caen, à maints égards tendancieux. Contrairement à P. Durand, qui étudie séparément les diverses institutions de l'organisation Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL • sociale du travail, A. Brun et H. Galland ont maintenu la division classique entre le droit des rapports - individuels de travail et celui des rapports collectifs. La structure de l'entreprise entre de ce fait dans la seconde catégorie, ce qui se justifie quant à la représentation du personnel (comités d'entreprise, délégués), mais non lorsqu'il est question des pouvoirs du chef d'entreprise. Par bonheur, l'agencement de l'ouvrage n'a pas empêché les auteurs d'épouser assez systématiquement, dans l'exposé de ces phénomènes, la thèse selon laquelle l'entreprise doit être analysée en tant qu'institution. L'assimilation elle-même de la représentation du personnel aux organismes syndicaux n'est pas po-µssée à l'extrême (comme le fait Hans Carl Nipperdey pour qui les comités d'entreprise sont les organes d'une association obligatoire formée par le personnel). Cependant on peut se demander s'il est permis dans ces conditions d'intégrer l'analyse de l'entreprise à la partie consacrée aux rapports collectifs de travail. Les auteurs prétendront, et ils n'auront pas tort, qu'il n'est pas plus logique d'enlever la représentation du personnel à ce domaine, en le limitant au droit syndical, aux conventions collectives, aux conflits collectifs et à leur règlement pacifique. Il y a là, semble-t-il, un important problème de fond. L'épanouissement rapide du droit du travail fait éclater les catégories élaborées par la doctrine. Déjà, la dichotomie « droit individueldroit collectif» se trouve dépassée par la notion de l'institution dont le champ d'application s'étend rapidement. Par exemple, le syndicat, clé de voûte des rapports collectifs de travail, est en même temps une institution et doit être analysé également de ce point de vue. Certains juristes éminents, tel Meissinger dans son Reliefbild des Arbeitsrechts, insistent sur la réunification des deux branches traditionnelles du droit du travail et expliquent l'une par l'autre. D'autres, sans adopter le principe dans son ensemble, procèdent de même dans l'analyse de tel ou tel phénomène particulier. C'est en combinant le droit individuel et le droit collectif que P. Durand démontre. en quoi le régime syndical actuel diffère de celui d'avant guerre. Il serait sans doute fructueux d'aller encore plus loin et de réduire les deux catégories à de simples aspects revêtus, d'une manière ou d'une autre, par chaque phénomène relevant du droit du travail ; d'autres aspects, l'institutionnel en premier lieu, pourraient s'y ajouter. La relation de travail. serait alors envisagée comme un. résultat du contrat individuel (contrat de louage de services, contrat d'entreprise, mandat, etc.) ou de la réquisition, des règles préétablies par la convention collective, de la réglementation officielle des conditions de travail, aussi bien que du régime de l'entreprise, du système syndical, des risques professionnels et sociaux, etc. Le tableau ·deviendrait plus complet et plus nuancé ; et, ce qui

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