316 même, cette doctrine ne pouvait m'apparaître qu'un peu simpliste » (p. Il). Tel était, en 1933, le jugement de Gabriel ·Marcel sur « les quatre critères », principes cardinaux du Réarmement moral. Depuis, il a changé d'avis: sous sa direction la collection Tribune libre présente un recueil de témoignages et de faits qui tendent à faire connaître le sens et l'importance du mouvement de Frank Buchman. Plus de la moitié du livre est occupée par les témoignages de seize convertis au Réarmement moral. L'ampleur de cette première partie (« Rencontres décisives ») par rapport aux deux autres, une étude sur « Cet homme sans frontières, Frank Buchman » et une analyse sur l'influence du mouvement au Japon, après la guerre (« De l'intime au mondial »), montre clairement l'inspiration du livre : on a voulu relater des expériences . humaines, individuelles, vivantes, plutôt que réfléchir sur l'origine, l'évolution et l'avenir du Réarmement moral. Les seize adeptes qui exposent, tour à tour, leurs crises intérieures . et leur conversion sont aussi divers que possible. Irène Laure, anciennement député socialiste de Marseille à l'Assemblée constituante, prend en premier la parole ; à sa suite, un délégué norvégien au Komintern à Moscou, un docker de Rio de Janeiro, un pilote japonais de torpille-suicide, un chef de tribu de la Nigeria, un grand abbé bouddhiste, un instituteur algérien, etc. Ces voix si différentes parlent pourtant le même langage. Les convertis ont connu des épreuves semblables : la guerre, la lutte des classes ; ils ont souffert, ils ont fait souffrir. Par hasard, ils ont assisté aux réunions du Réarmement moral, à Caux, sur les rives du Léman. Sceptiques et méfiants au début, soudain ils ont été gagnés. Ils ont appris à réparer leurs torts publiquement, à se recueillir, chaque matin à « faire silence ». La tolérance, la bonne volonté ont ramené la paix en eux et autour d'eux. Ils militent désormais pour le Réarmement moral. Ces récits montrent l'emprise du mouvement sur les âmes, et ses bienfaits spirituels. On voit comment, par des moyens très simples, certaines rancunes, des haines ont pu s'apaiser entre hommes de toutes classes et de tous pays. Mais le livre cherche ensuite vainement à s'élever vers des vues plus générales. De l'étude suivante, consacrée à Frank Buchman et à son rayonnement, quelques faits se détachentsa rencontre avec Gandhi en 1915, un message d'Adenauer pour son quatre-vingtième anniversaire. Mais emporté par ses convictions, le compilateur anonyme d'anecdotes pieuses glisse du souci d'informer au désir d'édifier. La Bonne Action, la Bonne Parole envahissent tout. En 1948 (à Freudenstadt, précise-t-on), une vieille cuisinière fait une promenade en voiture avec Buchman : « Il m'a donné le meilleur siège de la Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL voiture. C'est le plus beau jour de ma vie ! » (p. 199)..Était-il utile d'exhumer le jeune homme de Cambridge (p. 195) et la vieille dame d'Édimbourg (p. 201) pour conduire « à la rencontre du Réarmement moral », en passant par la Légende dorée ? Ce défaut est plus visible encore dans la troisième partie, qui devrait être la plus intéressante du livre, puisqu'elle est consacrée à l'influence du Réarmement moral sur le Japon d'après guerre. Ici encore, les faits secondaires cachent l'influence profonde du mouvement et finissent même par en faire douter. Certes, en décembre 1957, le président Kishi présente à l'Australie les excuses de son pays, pour son attitude pendant la guerre. Des tournées théâtrales jouent dans tout le pays des pièces in.spirées par le Réarmement moral. Mais des extraits de journaux forment l'essentiel de la documentation, et, le plus souvent, l'intérêt tourne ·court : « Que s'est-il passé chez ces Japonais pendant qu'ils se trouvaient à Caux ? Il est difficile de le savoir » (p. 234). Peut-être aurait-on pu le trouver, en cherchant mieux... · Ces témoignages ne doivent pas faire oublier que, dans ce livre, la superstition du détail, édifiant de préférence, tient lieu de documentation, voire de réflexion. Le seul essai, en effet, de compréhension raisonnée du Réarmement moral est, en tête du livre, la lettre-témoignage de Gabriel Marcel à trois amis, inquiets de sa récente adhésion. · Elle revient à dire, en termes clairs, que la puissance supérieure qui dicte aux adeptes la voie à suivre est « un je ne sais quoi ». Au lieu de s'interroger sur un problème manifestement insoluble, pourquoi Gabriel Marcel n'a-t-il pas plutôt analysé, par exemple, cette formule de Frank Buchman, qui rassemble ses postulats fondamentaux : « La nature humaine peut être changée, voilà la solution fondamentale. L'économie nationale peut être changée, voilà le fruit de cette solution. L'histoire du monde peut être changée : là est la destinée de notre époque. » Naïveté .? Foi prophétique ? De cette réponse dépend le crédit que l'on accordera au. Réarmement moral. SÉBASTIEN LOSTE. Une révolution industrielle , MAURICE RusTANT : L'Automation. Ses consé- - quenceshumaineset sociales. Paris 1959, les Édi~ons ouvrières, I 36 pp. DEPUIS quelques années, de nombreux: ouvrages destinés au grand public ont paru sur l'automa-
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