QUELQUES LIVRES titre, et l'usage rend maître», vieux adages qui ravissaient Michelet et marquent la sagesse toute patriarcale des fondements de nos institutions. Enfin, et c'est la grande originalité du livre, ce qui l'apparente encore plus à l'œuvre citée de Michelet, l'auteur aime ce dont il parle au point de s'identifier avec son sujet - comme le même Michelet lorsqu'il écrivait : « Je (...) revis, (...) refais et souffre [la Révolution] » ou encore : « Robespierre_ mange ma moelle et mes os. » Il tente de faire partager au lecteur son enthousiasme pour les institutions de son pays : c'est là une attitude cohérente et de surcroît profondément politique (le meilleur argentier sera celui qui fera payer de gaieté de cœur tous les contribuables). De fait, il ne s'agit pas seulement d'admettre, d'accepter librement : il faut encore pouvoir aimer. Et pour cela, connaître. C'est à faire connaître que s'est etpployé M. Blanc. Le sujet en valait la peine : Etre sans droit, ce n'est pas être. FRANCISBOUVET. Une institution d'État PAULBARTON: L'Institution concentrationnaire en Russie ( 1930-1957) que précède Le Sens de notre combat, par DAVID ROUSSET.Paris 1959, Librairie Pion, 516 pp. LA SOCIÉTÉqui use du système concentrationnaire redoute d'en être accusée. Le phénomène s'accompagne toujours d'un déploiement extraordinaire de mesures policières destinées à maintenir le monde dans l'ignorance. Dans le cas de la Russie soviétique, la nuit et le brouillard n'ont finalement pas prévalu. Paul Barton a établi la somme, maintenant suffisante, des informations sur les camps de concentration soviétiques. Le livre couvre la période s'étendant de l'époque où les camps de concentration s'ajoutèrent aux « isolateurs » (1930) jusqu'au temps où, après la mort de Staline et la chute de Béria, « l'institution se défait» (1957). Le cycle peut ainsi être embrassé dans son ensemble. C'est aussi le bilan des résultats exceptionnels obtenus par la Commission internationale contre le régime concentrationnaire. David Rousset, dans l'introduction qui figure en tête du livre, est en droit de marquer l'importance historique des recherches et des travaux conduits par ceux dont il a, à partir de l'appel du 12 novembre 1949, suscité et animé l'activité. Il s'agissait de recueillir, de contrôler et de comparer, enfin d'établir, à la face de l'opinion et sous le regard des insBiblioteca Gino Bianco 313 tances nationales et internationales, les preuves de l'existence d'une des plus vastes et des plus redoutables répressions massives de l'histoire. Aujourd'hui, le système concentrationnaire soviétique est entré dans l'histoire. La contribution scientifique à la sociologie de notre temps que sa connaissance a apportée se double de l'enseignement le plus concret et le plus nécessaire sur les périls qui menacent la société moderne. A l'égard de la propagande, elle arrache la pensée sociale aux sophismes dont on l'abuse. Enfin elle a plaidé la cause de millions d'êtres humains. La Commission a acquis son autorité pour n'avoir pas transigé avec l'impérieux devoir de soumettre à son investigation « les provinces de l'Occident (Grèce, Espagne, Tunisie, Algérie)» sans rien laisser soustraire à ses recherches. Ainsi le bilan de ses connaissances a-t-il pu être reporté sur la Chine actuelle. Paul Barton a rassemblé et ordonné toute la documentation qui a pu être produite, après l'ouvrage précurseur de D. Da11in et B. Nicolaïevski, Le Travail forcé en URSS. Il a repris et contrôlé les témoignages essentiels recueillis par la Commission internationale avant et après le procès public de Bruxelles qui avait donné lieu à la publication du Livre blanc sur les camps de . . , . concentration sovzetiques. Sur ces camps, dont les effectifs massifs ont été fournis en vingt années par · « la déportation de millions d'hommes recrutés successivement parmi les paysans, les victimes des épurations, les Polonais des territoires annexés, les citoyens baltes, les prisonniers de guerre, les minorités nationales, les habitants des territoires précédemment occupés par l'armée allemande, les soldats retour de captivité et les citoyens des pays satellites », Paul Barton rassemble toutes les informations disponibles. Elles rendent compte de l'organisation, de l'administration et de la condition du travail forcé. L'Institution concentrationnaire en Russie se présente comme un ouvrage de référence indispensable à la connaissance et à la discussion du , . . . . , . reg1me concentrattonnrure sov1et1que. A sa documentation ne font pas défaut les traits qui évoquent l'atmosphère des œuvres de Kafka : Nous. passâmes la journée à discuter de la raison possible de notre arrestation (...) Près de moi se trouvait Selezionka, un juriste ukrainien de Pologne. Deux généraux soviétiques, quatre juristes - l'un deux, Grosfeld, professeur de droit à l'Université de Moscou se targuait d'avoir enseigné Staline, - deux journalistes, quatre étudiants, un officier supérieur du N.K.V.D., un ancien chef de camp et un ancien offici r d'intendanc étaient venus d'autr s secteurs (Gustav Herling . • •
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