Le Contrat Social - anno III - n. 5 - settembre 1959

• Pages oubliées DE LA LIBERTÉ DANS LES SCIENCES POLITIQ!IES par Alexis de Tocqueville , Quelques mois après le coup d'Etat de LouisNapoléon, en avril 1852, Alexis de Tocqueville prononça un discours à l'Académie des sciences moraleset politiques.Il examinait dans cette communicationmémorableles structuresde la politique commesa:enceet commepratique. En en donnant lecture, le grand penseur politique supprima les pagesqui suivent et queGustavede Beaumontavait ajoutéescomme variante à sonédition (cf. Œuvres complètes d'Alexis de Tocqueville, vol. IX, pp. 643 sqq). Cespages n'ayant rien perdu de leur actualité, nous avons cru devoir les reproduireici à l'occasiondu centièmeanniversairede la mort de Tocqueville, que commémore cette année le monde intellectuel. J.-P. Mayer. OTRE ACADÉMIE, messieurs, a pour mission d'être le foyer et le régulateur de ces sciences nécessaires et redoutables ; c'est sa gloire, mais c'est aussi son péril. Les gouvernants sont, en général, assez indifférents à ce qui se passe dans le sein des académies, et même, en temps ordinaire, dans le monde des idées. Quand on ne s' occupe que de littérature, de philosophie, de science et même de religion, ils croient volontiers que cela ne les touche en rien. Mais, dès qu'on parle politique quelque part, ils deviennent fort attentifs ; ils s'îmaginent qu'on n'agit sur eux que quand on parle d'eux; et ne croyez pas, messieurs, que ce soit là le travers de ces petits esprits qui mènent, en général, les affaires humaines. Les plus beaux génies y sont tombés. 11 y a des opinionsphilosophiquesou religieuses • Biblioteca Gino Bianco qui ont changé la face des empires et qui sont nées à côté des plus grands hommes sans que ceux-ci y aient pris garde. Il est à croire que si ces mêmes princes avaient entendu leurs sujets discuter entre eux une question de petite voirie, ils auraient été tout yeux et tout oreilles. Une académie des sciences morales et politiques n'est donc pas, il faut le reconnaître, également appropriée à tous les pays et à tous les temps. Sa place n'est guère que dans les pays libres et dans les lieux où la discussion sur tout est permise. Ce sont là des conditions d'existence qui nous honorent, messieurs ; ne les contestons pas. L'ancien régime, qui traitait les sciences morales et politiques comme une occupation ingénieuse et respectable de l'esprit humain, ne permit jamais que ceux qui les cultivaient pussent se réunir en académie. La dictature révolutionnaire, qui de toutes les dictatures est la plus ennemie de la liberté, les étouffa, et, comme seul moyen efficace de prévenir les écrits qui en traitaient, elle supprima autant qu'elle le put les auteurs ; presque tout ce qui restait de l'ancienne école philosophique du XVIII8 siècle, Bailly, Condorcet, Malesherbes, périrent par ses mains. On peut croire que les mêmes aventures fussent arrivées à Montesquieu, à Voltaire, à Turgot et à Rousseau lui-même, s'ils avaient vécu. Heureusement pour eux, ils étaient morts avant de voir les temps affreux dont on les rendait •

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==